Abou-Bekr
- Viennet
- Encyclopédie de famille
Abou-Bekr, le premier des khalifes successeurs immédiats de Mahomet, était né à la Mecque vers 57 3, et fut le premier des Koréichites qui reconnut la puissance et la mission de Mahomet. Son père, Othman, son fils et son petit-fils, suivirent son exemple, et furent qualifiés du titre de compagnons et disciples du prophète. Il se nommait d’abord Abd-al-Caaba, qui signifie serviteur de la Caaba. Mahomet lui imposa le nom d’Abd’Allah ou serviteur de Dieu, et le surnom de Seddik, c’est-à-dire témoin fidèle, pour le récompenser d’avoir attesté son voyage nocturne appelé ascension. Si Mahomet eût été vaincu, Abou-Bekr aurait été étranglé comme faux témoin. Le prophète vainqueur prit soin de son élévation, le traita de prédestiné, et l’accepta pour beau-père en épousant sa fille Ayéchah. C’est ce mariage qui lui fit donner enfin le nom d’Abou-Bekr, qui veut dire père de la vierge, et c’est sous ce nom que l’histoire l’a reconnu. Mais dans ses ordres et proclamations il s’est toujours appelé lui-même Abd-Allah-Ebn-Abou-Konaffas. La mort du prophète faillit ruiner son ouvrage ; les Médinois voulaient élire un de leurs compatriotes, nommé Saab, sans la participation des Mecquois, et ceux-ci étaient prêts à revendiquer ce droit les armes à la main. Abou-Bekr apaisa cette dispute en les faisant consentir à faire l’élection en commun ; et grâce à l’entremise d’Omar, il fut élu lui-même, le jour de la mort du prophète, l’an 632 de l’ère chrétienne. Ali n’avait point pris part à cette élection ; et comme gendre et cousin du prophète il fit éclater son mécontentement de n’avoir pas été choisi lui-même. Omar se rendit chez Ali, et, après avoir essayé vainement de le convaincre, menaça de mettre le feu à la maison, de l’y brûler avec ses amis, s’il ne consentait à reconnaître Abou-Bekr pour khalife. Ali céda, et vint porter son hommage à Abou-Bekr. Mais les partisans du gendre de Mahomet, connus sous le nom d’alides et de chiites, nient encore cet acquiescement du chef de leur secte.
Des révoltes troublèrent les premières années de ce khalifat. Quelques Arabes refusèrent de payer les tributs imposés par Mahomet. Le poète Malek, fils de Noweirah, était à la tête d’un de ces partis. D’autres, ayant abjuré l’islamisme, avaient repris la religion de Moïse ou celle de Jésus-Christ ; enfin le rebelle Moseilama avait renouvelé ses prédications, et persistait à se conduire en prophète. La terrible épée de Khaled, fils de Walid, dissipa et châtia ces révoltes. Malek eut la tête tranchée, et Moseilama périt à la bataille d’Akrebah, avec dix mille des siens. La secte des békrites fut également exterminée dans la province de Bahreim.
Délivré de ses compétiteurs, Abou-Bekr tourna les yeux vers les chrétiens, et, ayant proclamé la guerre sainte, il dirigea une de ses armées vers l’Irak ou l’ancienne Babylonie, sous les ordres de Khaled ; une autre marcha sur la Syrie, sous le commandement d’Yézid. Celle-ci battit quelques troupes de l’empereur Héraclius, et se replia vers l’Arabie avec un butin immense ; mais les légions de l’empire changèrent cette retraite en déroute. Envoyé au secours d’Yézid, Abou-Obeidah n’osa s’aventurer dans un pays couvert des troupes d’Héraclius. Abou-Bekr s’indigna de cette lâcheté. Khaled, qui avait soumis la province d’Irak, revint sur la Syrie, et les affaires changèrent de face. Khaled enleva Bostra par une heureuse surprise et se hâta de marcher sur Damas. Il battit des troupes qu’envoyait Héraclius au secours de cette ville, qui se rendit enfin, après une lutte de six mois, l’an 634 de l’ère chrétienne.
Abou-Bekr mourut à Médine le 26 août 634, après avoir désigné Omar pour son successeur. Un esclave s’étant présenté au nouveau souverain avec un chameau et un habit, en lui disant : « Voici tout ce que possédait mon maître, » Omar s’écria en versant des larmes : « Dieu fasse miséricorde à Abou-Bekr ; mais il a vécu de manière que ceux qui viendront après lui auront bien de la peine à l’imiter. » Ses modiques épargnes furent distribuées aux pauvres par la veuve de Mahomet, sa fille. Ces épargnes venaient uniquement de son patrimoine, car pendant ses deux ans et demi de règne il n’avait pris que trois drachmes dans le trésor public. Aussi est-il révéré comme un saint par les sunnites ; mais les chiites le maudissent comme un usurpateur. Les deux partis devraient toutefois lui savoir gré d’avoir recueilli les feuilles éparses du Coran, qui renferme les préceptes communs aux deux croyances rivales. Abou-Bekr y employa tout son règne ; il le fit lire en présence de tous les chefs, qui en reconnurent l’authenticité, et l’exemplaire original fut déposé dans les mains d’Hafsa, l’une des veuves de Mahomet, jusqu’au moment où le khalife Othman le fit publier dans tout l’empire.