Aboyeurs

  • Dictionnaire infernal

Aboyeurs. Il y a en Bretagne et dans quelques autres contrées des hommes et des femmes affectés d’un certain délire inexpliqué, pendant lequel ils aboient absolument comme des chiens. Quelques-uns parlent à travers leurs aboiements, d’autres aboient et ne parlent plus. Le docteur Champouillon a essayé d’expliquer ce terrible phénomène, en l’attribuant aux suites d’une frayeur violente. Il cite un jeune conscrit de la classe de 1853 qui, appelé devant le conseil de révision, réclama son exemption pour cause d’aboiement ; il racontait qu’étant mousse à bord d’un caboteur, il avait été précipité à la mer par un coup de vent ; l’épouvante l’avait frappé d’un tel anéantissement, qu’il n’en était sorti que pour subir des suffocations qui l’empêchèrent de parler pendant une semaine. Lorsque la parole lui revint, elle s’entrecoupa à chaque phrase de cris véhéments, remplacés bientôt par des aboiements saccadés qui duraient quelques secondes. Ces spasmes furent reconnus bien réels, et le conscrit fut réformé.

Mais il y a en Bretagne des aboyeuses qui apportent en naissant cette affreuse infirmité implantée dans quelques familles. Les bonnes gens voient là un maléfice, et nous ne savons comment expliquer une si triste misère.

Nous pourrions citer un homme qui, dans l’agonie qui précéda sa mort, agonie qui dura trois jours, ne s’exprima que par des aboiements et ne put retrouver d’autre langage. Mais celui-là, dans la profanation des églises, en 1793, avait enfermé son chien dans un tabernacle.

Nous connaissons aussi une famille où le père et la mère devenus muets, nous ne savons par quelle cause ni pour quelle cause, n’ont que des enfants muets. Ainsi les frères et les sœurs ne poussent que des cris inarticulés et ne s’entendent pas autrement pour les plus urgents besoins de la vie.