Abrahel

  • Dictionnaire infernal

Abrahel, démon succube, connu par une aventure que raconte Nicolas Remy dans sa Démonolâtrie, et que voici ; — En l’année 1581, dans le village de Dalhem, au pays de Limbourg, un méchant pâtre, nommé Pierron, conçut un amour violent pour une jeune fille de son voisinage. Or cet homme mauvais était marié ; il avait même de sa femme un petit garçon. Un jour qu’il était occupé de la criminelle pensée de son amour, la jeune fille qu’il convoitait lui apparut dans la campagne : c’était un démon sous sa ligure. Pierron lui découvrit sa passion ; la prétendue jeune fille promit d’y répondre, s’il se livrait à elle et s’il jurait de lui obéir en toutes choses. Le pâtre ne refusa rien, et son abominable amour fut accueilli. — Peu de temps après, la jeune fille, ou le démon qui se faisait appeler Abrahel par son adorateur, lui demanda, comme gage d’attachement, qu’il lui sacrifiât son fils. Le pâtre reçut une pomme qu’il devait faire manger à l’enfant ; l’enfant, ayant mordu dans la pomme, tomba mort aussitôt. Le désespoir de la mère fit tant d’effet sur Pierron, qu’il courut à la recherche d’Abrahel pour en obtenir réconfort. Le démon promit de rendre la vie à l’enfant, si le père voulait lui demander cette grâce à genoux, en lui rendant le culte d’adoration qui n’est dû qu’à Dieu. Le pâtre se mit à genoux, adora, et aussitôt l’enfant rouvrit les yeux. On le frictionna, on le réchauffa ; il recommença à marcher et à parler. Il était le même qu’auparavant, mais plus maigre, plus hâve, plus défait, les yeux battus et enfoncés, les mouvements plus pesants. Au bout d’un an, le démon qui l’animait l’abandonna avec un grand bruit, et l’enfant tomba à la renverse…

Cette histoire décousue et incomplète se termine par ces mots, dans la narration de Nicolas Remy : « Le corps de l’enfant, d’une puanteur insupportable, fut tiré avec un croc hors de la maison de son père et enterré dans un champ. » — Il n’est plus question du démon succube ni du pâtre.