Absence

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Absence, — Absent. On est absent lorsqu’on est hors de son domicile ; mais, dans le sens de la loi, l’absent est celui dont on n’a pas de nouvelles, et qui, par cette raison, laisse des doutes sur son existence.

Le droit romain ni l’ancienne législation française ne contenaient point de dispositions précises sur ce sujet important ; les questions qu’il faisait naître étaient abandonnées à l’arbitrage du juge. Les relations du commerce extérieur, les temps de trouble, des guerres sanglantes et prolongées, avaient plus que jamais multiplié les absences ; on était donc arrivé au moment où il fallait remplir cette lacune : tel est l’objet que les législateurs se sont proposé dans le titre 4 du livre 1er du Code civil.

La loi a gradué les précautions qu’elle a prises sur les différents degrés d’incertitude de la vie ou de la mort de l’absent.

La présomption d’absence suffit pour que le ministère public soit spécialement chargé de veiller aux intérêts de l’absent.

Après quatre ans, l’absence est constatée par une enquête ; le jugement qui la déclare ne peut être rendu qu’un an après celui qui a ordonné cette enquête ; la loi exige qu’il soit donné à ces différentes décisions la plus grande publicité.

Si l’absent a laissé une procuration, elle a son effet pendant dix années depuis les dernières nouvelles ; l’absence ne peut être déclarée qu’à l’expiration de ce terme.

Quand l’absence est déclarée, les héritiers présomptifs de l’absent peuvent se faire envoyer en possession de ses biens à la charge de donner caution.

Après trente ans depuis l’envoi en possession provisoire, ou cent ans depuis la naissance de l’absent, les cautions sont déchargées, et l’envoi en possession définitive peut être prononcé.

Si l’absent reparaît, ou si son existence est prouvée après la déclaration d’absence, il recouvre ses biens ; mais la loi l’oblige à laisser aux possesseurs provisoires une portion des revenus, et cette portion est plus ou moins forte suivant la longueur de l’absence ; s’il ne revient qu’après l’envoi en possession définitive, il n’a droit à aucuns revenus, et il est obligé de prendre sa fortune dans l’état où elle se trouve.

Lorsque, pendant son éloignement, le décès de l’absent est prouvé, la succession est ouverte au profit des héritiers les plus proches à cette époque ; la loi n’autorise à réclamer un droit échu à un absent qu’autant que son existence aura été préalablement établie.

Quoique le Code ne se soit pas formellement expliqué sur la faculté ou l’incapacité de l’époux de contracter un nouveau mariage, une jurisprudence constante a établi que la présomption résultant de l’absence la plus longue et de l’âge le plus avancé, fût-il de cent ans, ne doit point être admise comme pouvant suppléer à la preuve du décès de l’un des époux.

La législation anglaise ne renferme pas de dispositions précises relativement aux absents ; et cependant combien seraient-elles nécessaires chez une nation où les spéculations d’un commerce cosmopolite, les relations avec de nombreuses et riches colonies, le goût des arts, l’amour des découvertes, déplacent sans cesse les citoyens et les entraînent dans des régions lointaines !

En Autriche, la loi veille aux intérêts de l’absent[1]. Sa mort est présumée après trois ans, s’il a été vu grièvement blessé à l’armée, ou exposé sur mer à un danger imminent ; hors ce cas d’exception, il faut qu’il se soit écoulé trente ans depuis la disparition, ou quatre-vingts ans depuis la naissance ; lorsque la demande de déclaration de mort est formée, il est nommé un curateur à l’absent, dans la personne duquel il est sommé de paraître ou d’indiquer son domicile ; après ces formalités, et dans le délai fixé par le tribunal, la déclaration de mort est prononcée, et elle peut étendre ses effets sur le lien matrimonial. Le même code ne permet pas qu’on intente une action contre un homme ayant seulement quitté les États autrichiens, et quoiqu’on connaisse le lieu de sa résidence dans un pays étranger, sans qu’il lui ait été nommé un curateur, et qu’il y ait eu trois citations insérées dans les papiers publics.

Le code prussien[2] renferme des dispositions analogues à celui de l’Autriche auquel il a servi de modèle ; seulement la déclaration de mort ne doit être demandée qu’après soixante-cinq ans, à dater du jour de la naissance, et prononcée que cinq ans après la demande. Cette déclaration peut cependant être rendue après dix années révolues, à dater du jour de la disparition aperçue ; quant à l’absent vu blessé à l’armée, il est réputé mort s’il n’est pas rentré, et qu’on n’en ait obtenu aucunes nouvelles un an après la signature du traité de paix.

La législation espagnole[3] ne renferme sur l’absence qu’un petit nombre de dispositions éparses et applicables dans quelques circonstances ; c’est ainsi qu’elle ordonne la nomination par le juge d’un curateur aux biens abandonnés par l’absent, et qu’elle permet la rupture du lien matrimonial, si l’un des époux a été absent sans donner de ses nouvelles pendant trois ans.

Nous avons pensé que quelques points de législation des principaux peuples de l’Europe, rapprochés des codas français, seraient plus utiles que des détails purement historiques, et tant de fois reproduits dans divers ouvrages.

Il est maintenant facile d’apercevoir toute la supériorité de la loi française sur celle des autres peuples dans la partie qu’elle a non-seulement améliorée, mais en quelque sorte créée à l’avantage commun de ceux qui s’absentent de leur famille et de la société entière.

La législation des Hébreux établissait une distinction remarquable entre l’absence volontaire et l’absence involontaire. On peut consulter à cet égard Talmud Maïmonide, Manus fortis, tit. des successions, chap. 7, Karo.

Les conséquences graves et souvent incalculables de l’absence d’un monarque que la politique, la guerre et ses chances entraînent et retiennent assez longtemps loin de ses États, appartiennent encore à la législation ; ou doit rappeler, sous ce rapport, les règnes de Jean II, de Louis IX, de François Ier et de Charles XII, et l’entreprise audacieuse qui menaça le trône de Napoléon à l’instant même où il entrait triomphant dans Moscou. Différente» constitutions en Europe ont, par de sages dispositions, prévu de pareils dangers ; nous en parlerons aux mots Congrès, Constitution, Diplomatie, Politique. Dans tout corps ou assemblée quelconque, on ne doit point avoir égard aux absents, lorsqu’ils ont été dûment convoqués, à moins que l’assemblée ne soit plus en nombre suffisant pour légalement délibérer ; dans quelques pays et dans certains cas, les absents peuvent charger les présents de tenir leur place, ou donner même leur suffrage par écrit.

1.

Code autrichien, promulgué en 1811.

2.

Publié en 1794.

3.

Code principal, Partidas del rey don Alonzo, et la collection espagnole, Nuevisima recopilacion.