Absent
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Absent. C’est une question qui intéresse la législation, que de savoir jusqu’à quelle durée l’absence doit être prolongée, pour qu’un individu puisse être vraisemblablement décédé. Il ne s’agit pas simplement de fixer l’époque du décès probable, ce qui dépendrait des tables de mortalité, construites pour des voyageurs, dans des circonstances et des contrées analogues à celles où l’absent est allé ; mais il faut en outre consulter la profession, le caractère, le tempérament de celui-ci, et une foule d’autres causes qui se rattachent nécessairement au sujet. Ainsi, la question est véritablement insoluble, parce qu’elle dépend d’éléments tout à fait inconnus. Mais ce qui complique encore plus le problème, c’est l’ordre légal des successions ; car, suivant qu’un individu meurt avant un autre, ou lui survit, il arrive quelquefois que l’héritage prend des directions différentes dans des branches collatérales ; en sorte qu’il faut que si un jour on venait à apprendre avec certitude l’époque du décès, aucun héritier me se trouvât lésé.
C’est Nicolas Bernouilli qui le premier s’occupa de cette question. Suivant lui, il suffisait, pour qu’on pût réputer l’absent mort, qu’il y eût deux fois plus à parier contre la vie que contre le décès. D’après cette hypothèse, il fallait chercher dans les tables de mortalité le nombre de vivants de l’âge qu’avait l’absent lors de son départ, prendre le tiers de ce nombre, et chercher dans la même table à quel âge correspondait ce tiers : cet âge est celui auquel il y a deux fois plus à parier que l’absent est mort qu’il n’y a à parier qu’il vit. Mais il est encore évident que, dans cet état de la question, il faudrait consulter des tables de mortalité construites pour les voyageurs qui sont dans le cas de celui dont il s’agit.
Buffon et Condorcet se sont déclarés contre l’hypothèse de Bernouilli et on doit avouer que, malgré les travaux de ces savants, la question est encore indécise. Il reste toujours à déterminer avec équité quel est le temps qu’on doit laisser écouler pour réputer l’absent décédé, d’abord en exigeant caution des héritiers pour les biens qu’on leur livrerait, afin qu’en cas de retour l’absent pût rentrer en possession du capital et des intérêts, et aussi a quelle époque la caution même devrait être jugée inutile. Si la justice exige que la propriété de l’absent soit respectée, elle n’exige pas moins que si l’absent est réellement mort ses héritiers soient saisis. On conçoit combien ces deux conditions sont difficiles à remplir.