Abside

  • Alfred Maury
  • Encyclopédie moderne

Abside ou apside, demi-voûte ou demi-coupole, de forme hémicirculaire et quelquefois polygonale, placée à l’une des extrémités d’une église. Ce mot a été introduit assez récemment dans la langue par les antiquaires. Il est formé du mot grec Άφίς, qui signifie une voûte. Dans les basiliques antiques, qui ont été le type des premières églises chrétiennes ; l’ordonnance générale était rectangulaire seulement en face de l’allée centrale et au delà du transsept l’édifice s’arrondissait en hémicycle, et formait supérieurement une tête de niche, autrement dit, un renfoncement, qu’on peut comparer à un quart de sphère. C’est ce que l’on appelait la voûte, Άφίς chez les Grecs, Concha chez les Latins, parce que, en effet, c’était la seule voûte qui existât dans ces monuments, c’était la voûte par excellence. Là s’élevait le siège, tribuna, du juge principal et de ses assesseurs. Une disposition toute semblable s’observe dans les premières basiliques chrétiennes et dans les églises construites sur leur plan, par exemple aux églises de Sainte-Cécile in Transtevere et des Quattro-Coronali à Rome. Comme c’était au milieu du demi-cercle que s’élevait le trône de l’évêque, à l’instar de la tribune des basiliques profanes, on appela aussi ce demi-cercle Exedra. Puis, par un échange inverse de noms, on appliqua le nom d’Apsis au trône lui-même ; mais, pour le distinguer de l’espace même qui comprenait l’autel et le presbyterium, on désigna cette abside par l’épithète de graduata. Ducange nous dit même que, par un détournement plus grand encore de l’acception primitive, on donna aussi le nom d’abside au dais ou baldaquin qui s’élève au-dessus de l’autel. Dans certaines basiliques, comme à Saint-Pierre in Vincoli, à Saint-Clément ou à Sainte-Marie in Cosmedio, à Rome, on a remplacé l’abside unique par trois absides placées sur des axes parallèles ; ce nombre mystique a été adopté en l’honneur de la Trinité.

Du neuvième au dixième siècle, lorsque l’allongement du chœur devint une règle constante l’abside, qui avait jusqu’alors renfermé le maître autel, se transforma en une grande chapelle dédiée à la Vierge, et prit le nom de chevet. On conserva généralement la forme circulaire de cette partie du temple, quoiqu’on lui ait substitué parfois la forme hexagonale. Cette dernière disposition s’observe notamment à la cathédrale de Ratisbonne et à l’église de Nordlingen. D’autres chapelles, d’abord au nombre de deux, puis de quatre, de six et quelquefois même davantage, furent élevées de chaque côté du chevet. Les nefs latérales reçurent un prolongement sensible et entourèrent le chœur de manière à former ce que l’on appela des Deambulatoria.

L’abside est ordinairement située à l’orient, cependant il y a des églises, en Allemagne surtout, qui ont une abside à chacune des extrémités du grand bras de la croix ; ce qui forme deux chœurs, l’un à l’ouest et l’autre à l’est. On peut citer comme exemples de cette disposition, la cathédrale de Worms, celle de Naumbourg, qui a deux transsepts, celles de Trêves et de Bamberg, l’église abbatiale de Laach, Saint-Sebald de Nuremberg, et, en France, la cathédrale actuelle de Nevers, dédiée à saint Gervais et à saint Protais. Outre ces absides, il en existe, dans plusieurs édifices religieux, de secondaires, placées à chacune des extrémités du transept, notamment à la cathédrale de Pise, à Sainte-Élisabeth de Marbourg, à la cathédrale de Bonn. À la chartreuse de Pavie et à la cathédrale de Plaisance, le chœur et les transsepts sont terminés chacun par une abside. À Saint-Cyriaque d’Ancône, l’abside du chœur est carrée et celles du transsept sont en cul de four. L’abside carrée se retrouve seule dans d’autres édifices, à Saint-Michel in Borgo de Pise, par exemple.

Malgré la généralité de l’emploi de l’abside, on remarque cependant quelques églises qui en sont complètement dépourvues et qui se terminent carrément ou par une sorte de trapèze. En France nous citerons comme étant dans ce cas, la cathédrale Saint-Maurice et l’église Saint-Martin bâtie par la reine Hermen garde, toutes deux à Angers, enfin, l’église de Bonneval, qui est du treizième siècle. Mais c’est principalement en Angleterre que l’on voit le chœur se terminer de la sorte par un mur plus ou moins heureusement percé de baies et orné de détails. Toutes les églises dites du style de transition anglais sont dans ce cas ; telles sont celles de l’abbaye de Malmsbury, dans le Wiltshire, de Sainte-Croix près de Winchester, de Storeham dans le Sussex. Cela tient sans doute à ce que les grands chœurs circulaires étaient une importation des Normands et que leur emploi disparut peu à peu à mesure que l’influence de cette nation alla s’affaiblissant dans la Grande-Bretagne. Les églises saxonnes n’avaient point en effet de transsept et n’étaient pourvues que d’une petite abside mesquine à l’orient. Les Allemands, ont emprunté pour exprimer le nom d’abside le mot français Rond ; les Italiens disent il fondo rotondo.