Acarnanie
- Géographie et Histoire
- Amédée Tardieu
- Encyclopédie moderne
Acarnanie. Les écrivains de l’antiquité ne sont pas d’accord sur les limites de l’Acarnanie, celles que Strabon lui assigne sont le golfe d’Ambracie au Nord, le cours de l’Achéloüs au Sud et à l’Est du côté de l’Étolie, et le pays des Amphiloquiens et des Agréens au Nord-Est ; Xénophon, Ephore, Tite-Live réunissent à l’Acarnanie ce pays des Amphiloquiens, situé au Nord-Est du golfe d’Ambracie et dépendant de l’Épire, et ils prétendent même que l’Arachthus ou Aréthon coulait en Acarnanie, ce qui supposerait le golfe d’Ambracie enfermé de toutes parts par les terres des Acarnaniens ; César recule les bornes de cette province encore plus vers le Nord. D’autres, au contraire, en réduisent l’étendue au point de ne pas la compter au nombre des provinces de la Grèce ; ainsi Pline se borne à nommer quelques-unes de ses villes dans le chapitre qu’il a consacré à l’Épire ; et Élien et Ptolémée n’en font qu’une des subdivisions de cette dernière contrée ; mais l’opinion de Strabon, quoiqu’elle paraisse un peu modifiée dans son huitième livre, doit être suivie de préférence.
D’après le sentiment d’Ephore, reproduit par Strabon, la Grèce commençait à l’Acarnanie, et les Acarnaniens étaient un peuple grec ; c’est lui qui nous a conservé la tradition de cette colonie d’Alcméon, l’un des Épigones, et de son frère Amphilochus, fondant Argos Amphilochium[1], et changeant plus tard l’ancien nom de Curètes en celui d’Acarnaniens dérivé de celui d’un fils d’Alcméon.
Les Acarnaniens ne jouèrent jamais un rôle important dans les affaires de la Grèce, quoiqu’ils y fussent toujours mêlés ; ils furent surtout occupés à défendre leur indépendance, sans cesse menacée par les Étoliens. Une guerre qu’ils eurent à soutenir contre les Messéniens, mis en possession de Naupacte par leurs alliés les Athéniens, et la difficulté qu’ils eurent à les chasser d’Œniades, l’une de leurs villes les plus importantes, qu’ils avaient laissé surprendre, donnent une mauvaise idée de leur puissance et de leurs forces militaires[2] ; cependant on voit plus tard ce peuple résister vaillamment aux Romains et aux Étoliens conjurés contre sa liberté, effrayer même ses ennemis par son attitude ferme et désespérée et retarder sa soumission jusqu’à la bataille de Cynocéphales, qui fut suivie de la prise de Leucade par Flamininus. Le nom de l’Acarnanie disparaît alors de l’histoire ; on sait seulement, par les rares mentions des historiens byzantins, que les Scytho-Sclaves ou Triballes l’occupèrent longtemps, que les Normands s’en emparèrent, et que Roger, roi de Sicile, s’intitulait prince des Acarnanes et des Étoliens ; que l’empereur Andronic réunit de nouveau l’Acarnanie à l’empire grec ; que les Serviens la prirent ensuite et la gardèrent jusqu’en 1357 ; que Jean Cautacuzène la leur enleva alors ; et qu’au commencement du quinzième siècle elle fut cruellement dévastée par les Albanais d’Épidamne. Enfin les Turcs en firent un voïwodilik partagé en deux cantons, celui de Vonitza et celui du Xeromeros.
Les historiens et géographes anciens nomment seize villes importantes en Acarnanie : le canton de Vonitza, qui s’étend sur la côte du golfe d’Arta ou d’Ambracie, contient les ruines de trois de ces antiques cités, la célèbre Actium, située sur un promontoire (aujourd’hui Punta) en face de la ville moderne de Prévesa ; Echinus, dans les environs du lac Boulgari ; enfin Anactorium, ville considérable sous la domination romaine, et dont le port est voisin de la ville de Vonitza. Le canton finit sept milles à l’est de cette ville ; et de ce côté une rivière, descendant du mont Olympe ou Berganti, la sépare du villaïeti de Valtos, que le cadastre impérial de Constantinople a compris aussi dans l’Acarnanie.
Le Xeromeros est la partie la plus sauvage de cette contrée ; son littoral, qui présente une étendue de 11 lieues, a souvent été ravagé par les pirates de Meganesi et de Kalamo, îles dépendantes de Leucade. Les ruines de treize villes anciennes y ont été découvertes et relevées ; ces villes se nommaient : Limnée, port du golfe Ambracique, appelé aujourd’hui Loutraki ; Solium, colonie de Corinthe ; Alyzée, que Strabon place à 15 stades de la mer ; Tyrrhæum ou Thyrium, voisine de l’Anape (aujourd’hui rivière Aëtos), affluent de l’Achéloüs, et située dans la vallée de Tripho ; Métropolis, première capitale de l’Acarnanie[3], que Justinien restaura sous le nom d’Aëtos, et érigea en évêché suffragant de Naupacte ; qui fut cédée en 1204 au dernier prince de la maison de Palæologue, enlevée à cette maison par Amurath II en 1432, et enfin renversée par Mahomet II ; Medeon, ville limitrophe du territoire de Tyrrhæum ; Astacos, port assez voisin de la ville de Dragomestra, fondée dans les derniers siècles du Bas-Empire, mais bien déchue aujourd’hui ; Œneia, près du hameau de Palæo-Catouna ; le port sacré d’Hercule, que Pouqueville reconnaît dans le mouillage de Petala ; Œniades, ville située à l’extrémité méridionale de l’Acarnanie et au milieu de lagunes nommées aujourd’hui Trigardon, au Sud du lac Lezini ou Cynia, qui verse ses eaux dans l’Achéloüs ; Stratos, capitale de l’Acarnanie, comme l’appelle Xénophon, dont l’enceinte subsiste encore tout entière, et qui commandait un gué de l’Achéloüs, seul point de communication entre les habitants des deux rives de ce fleuve et très fréquenté encore aujourd’hui ; enfin les villes peu connues de Coronte, Conope et Pœanion. Le chef-lieu du Xeromeros est aujourd’hui Catochi, près de la vaste forêt de Manina, qui couvre toute la partie occidentale de l’Acamanie jusqu’à l’embouchure de l’Achéloüs.
Le canton de Valtos est une partie de l’ancienne Agraïde, qui s’étend depuis le gué de Stratos jusqu’aux terres de l’Amphilochie ou canton d’Arta. Il est arrosé par le Voïnicovo et le Valtos, et couvert par la chaîne du Macrinoros. Il renferme le grand Ozeros (lac, en langue esclavone), qui verse ses eaux et celles du lac d’Ambrakia dans l’Achéloüs, à travers de vastes marais ; les ruines de l’antique Olpæ,des Agræens (aujourd’hui Ambrakia), qui avait été bâtie par les Acarnaniens pour défendre l’entrée des défilés qui de l’Acarnanie conduisent dans l’Amphilochie, et celles de Phœtie ou Phytie, dont Étienne de Byzance emprunte la mention à Polybe.
Le troisième volume du Voyage de Pouqueville contient une description complète et très exacte de l’Acarnanie, que M. Lapie a suivie rigoureusement dans sa carte physique, historique et routière de la Grèce, en 4 feuilles. Pour la partie de littoral du golfe d’Ambracie qui appartient à l’Acarnanie, il faut consulter la description du golfe d’Ambracie par d’Anville (Acad. des Inscr. XXXII), rectifiée sur plusieurs points très importants par M. Pouqueville avec une précision et une sûreté de critique qui ne sont pas habituelles à cet auteur ; et enfin un mémoire inséré dans la première partie du t. III du Journal de la Société géographique de Londres, et intitulé : Observations on the gulf of Arta, made in 1830, communicated by lieut. James Wolfe.