Acclimatation

  • Encyclopédie de famille

Acclimatation. Son but est de faire vivre les animaux et les végétaux dans des climats différents de ceux qui leur sont habituels, et dans lesquels ils trouvent les influences extérieures les plus favorables à leur développement complet. Les influences extérieures gui conservent, modifient, allèrent et détruisent la vie et la santé des êtres vivants sont les grands agents physiques connus sous les noms de lumière et d’obscurité, de température, de sécheresse, d’humidité et d’émanations diverses d’un sol nu ou recouvert de débris organiques. C’est l’ensemble de ces influences qui constitue toutes les variétés de climats favorables ou nuisibles au développement normal des animaux et des végétaux.

Lorsque des circonstances éventuelles transportent brusquement un corps organisé dans un climat insolite, ce corps souffre, languit et meurt. Un animal ou un végétal éprouvé seulement des modifications dans sa constitution organique, lorsqu’on le fait passer, lui-même ou ses générations, graduellement, d’un climat dans un autre, en prenant les précautions nécessaires. L’ensemble des modifications que subit une plante ou un être animé vivant dans un climat insolite constitue l’acclimatement. L’acclimatement ou l’aptitude acquise par un corps organisé à vivre sous un climat différent de celui qui lui est le plus favorable ne doit pas être confondu avec l’aptitude à vivre et à fructifier dans des serres, dans des ménageries, sous des climats artificiels qui sont des imitations de leurs viviers naturels. Les végétaux et les animaux exotiques que nous parvenons ainsi à développer complètement ne sont pas pour cela acclimatés, et meurent lorsque la nature ou l’art ne leur fournit pas les influences extérieures favorables.

Voici quelques-uns des végétaux que la France a empruntés aux régions étrangères : parmi les céréales, le froment et le sarrasin viennent de l’Asie ; le seigle, de la Sibérie ; le riz, de l’Éthiopie. Parmi les légumes : le concombre, d’Espagne ; l’artichaut, de la Sicile et de l’Andalousie ; le cerfeuil, de l’Italie ; le cresson, de Crète ; la laitue, de Coos ; le chou blanc, du Nord ; le chou vert, le chou rouge, l’oignon et le persil, de l’Égypte ; le chou-fleur, de Chypre ; l’épinard, de l’Asie-Mineure ; l’asperge, de l’Asie ; la citrouille, d’Astrakhan ; l’échalote, d’Ascalon ; le haricot, de l’Inde ; le raifort, de la Chine ; le melon, de l’Orient et de l’Afrique. L’Amérique nous a fourni la pomme de terre et le topinambour. Parmi les fruits nous devons l’aveline, la grenade, la noix, le coing et le raisin à l’Asie ; l’abricot, à l’Arménie ; le citron, à la Médie ; la pèche, à la Perse ; l’orange, à l’Inde ; la figue, à la Mésopotamie ; la noisette et la cerise, au Pont ; la châtaigne, à la Lydie ; la prune, à la Syrie ; les amandes, à la Mauritanie ; les olives, à la Grèce. Parmi les plantes qui servent à divers usages, citons encore le café, de l’Arabie ; le thé, de la Chine ; le cacao, du Mexique ; le tabac, du Nouveau Monde ; l’anis, d’Égypte ; le fenouil, des Canaries ; le girofle, des Moluques ; le ricin, de l’Inde ; etc. Parmi les arbres, le marronnier vient de l’Inde ; le laurier, de la Crète ; le sureau, de la Perse, etc. Parmi les fleurs, le narcisse et l’œillet viennent de l’Italie ; le lis, de la Syrie ; la tulipe, de la Cappadoce ; le jasmin, de l’Inde ; la reine-marguerite, de la Chine ; la capucine, du Pérou ; le dahlia, du Mexique, etc.

« La plupart des plantes de nos jardins et de nos promenades sont d’acclimatation beaucoup plus nouvelle qu’on ne le suppose, dit M. Drouyn de Lhuys. L’orme ne s’est Bien propagé chez nous que depuis le seizième siècle ; il n’y a pas deux cent cinquante ans que le platane nous a été apporté d’Italie ; le patriarche de tous les acacias français, planté en 1635 par Vespasien Robin, existe encore au Jardin des Plantes ; le marronnier d’Inde est du même âge. La renoncule et la rose de Damas nous viennent de saint Louis ; le lilas fut apporté de Perse, il y a trois cents ans, la laitue, le melon, les artichauts, les œillets furent apportés d’Italie par Rabelais pour son ami le cardinal d’Estissac ; la tulipe n’est connue que du commencement du dix-septième siècle ; le réséda nous arriva d’Égypte et de Barbarie, il y a environ cent ans ; le rosier du Bengale qui orne maintenant toutes nos chaumières, ne date que du siècle dernier ; la reine-marguerite n’a pris possession de nos jardins que depuis une soixantaine d’années ; les chrysanthèmes de l’Inde sont de 1789 ; les dahlias furent apportés en Espagne en 1790, et la France les reçut du jardin des plantes de Madrid en 1802. D’après un ouvrage de M. Moreau de Jonnès, le nombre total des plantes exotiques importées en Angleterre jusqu’à 1825 était de 10 à 11,000. Les 47 premières espèces, y compris l’oranger, l’abricotier, le grenadier, furent introduites avant ou pendant le règne de Henri VIII ; 533 furent importées sous Elisabeth ; 578 sous les deux Charles et sous Cromwell ; 44 sous Jacques II ; 298 sous Guillaume et Marie ; 230 sous la reine Anne ; 182 sous George Ier ; 1,770 sous George II ; 6,756 sous George III. M. De Candolle évaluait, en 1822, au chiffre de 7,000 à 12,000 le nombre des espèces qui étaient cultivées dans les jardins botaniques de Paris, de Kew, de Copenhague, de Berlin et de Moscou.

« En passant aux conquêtes de la zoologie, il ne faut pas oublier le glorieux nom d’Alexandre. Durant tout son règne, l’élève d’Aristote ne cessa pas de faciliter les recherches de son maître, non-seulement par les richesses dont il le combla, mais encore en lui envoyant les produits remarquables des pays qu’il parcourait en vainqueur, et en mettant à ses ordres plusieurs milliers de chasseurs et de pêcheurs chargés de lui fournir toutes sortes d’animaux. On connaît les tentatives que firent les Romains pour acclimater de nouvelles espèces de poissons. Le lac d’Agrigente en contenait une collection aussi riche que variée. Le scaurus, venu de la mer Caspienne, fut propagé, sous le règne de Tibère, par les soins de son affranchi Optatus, dans les eaux d’Ostie, de la Campanie et de la Sicile ; le barbeau de mer était tenu en si grande estime que, du temps de l’empereur Claude, un certain Asinius Celer, qui avait été consul, en paya un seul la somme de 600 francs. Vers le milieu du septième siècle de la fondation de Rome, Licinius Murena inventa pour les poissons des réservoirs où furent élevées les espèces les plus recherchées. Il eut bientôt des imitateurs parmi la noblesse, qui se ménageait ainsi un moyen de satisfaire ses penchants gastronomiques. Lucullus rasa une portion du mont Pausilippe, y creusa un détroit pour donner passage à la mer, et exécuta de tels travaux que Pompée, étonné de leur grandeur, l’appela Xerxès en toge, par allusion à ce roi de Perse qui, dans son invasion de la Grèce, coupa le mont Athos pour faire passer sa flotte. Après la mort de cet épicurien fameux, les poissons de son réservoir furent achetés 4 millions de sesterces (776,300 francs). Hirius, qui le premier eut l’idée de séparer les poissons par espèces, consacra un réservoir particulier à l’éducation des murènes. Il en fournit six mille pour les festins que Jules César donna au peuple à l’occasion de ses triomphes. Sa maison de campagne ayant été mise en vente, les réservoirs en firent monter le prix à 4 millions de sesterces. Les citoyens es plus opulents, encouragés par ces succès, finirent par négliger les affaires de l’État pour ne plus s’occuper que de leurs piscines. Les quadrupèdes, les oiseaux, les insectes, les reptiles avaient aussi leur palais dans Rome. À côté des dattes de Syrie et de la Thébaïde, Pétrone nous montre, chez Trimalcion, des essaims d’abeilles venues d’Athènes, des béliers de Tarente et des chiens de Lacédémone. Les Scriptores rei rusticæ nous donnent le plan d’un vivarium. Ces vastes parcs, divisés en bouquets de bois et en prairies rafraîchies par des eaux vives, nourrissaient à l’état de liberté des troupes de sangliers, de cerfs, de daims, de lièvres, de chèvres, etc., même des loirs et des escargots monstrueux qu’on allait chercher jusqu’en Afrique et qu’on engraissait pour la table. Y-a-t-il une oisellerie plus parfaite que celle dont Varron nous a laissé la peinture ? L’hospitalité offerte aux abeilles était peut-être encore plus coquette. Rien n’y manquait. Les coquillages de la mer ne pouvaient échapper à l’ardente poursuite de la gastronomie des maîtres du monde : Sergius Orata imagina d’organiser des parcs d’huîtres et de mettre ce mollusque en renom. Il fit venir des huîtres de Brindes et encombra le lac Lucrin d’immenses constructions destinées à leur servir de logement. On disait de lui qu’il saurait faire pousser des huîtres jusque sur le toit des maisons. »

Bien auparavant les anciens avaient introduit en Europe le cheval, l’âne, la brebis et la chèvre. Les Romains paraissaient guidés dans la recherche des animaux qu’ils allaient chercher au loin bien plus par la curiosité que par l’utilité. L’acquisition du paon, par exemple, est mentionnée par les auteurs comme bien plus digne d’admiration que d’imitation. On sait jusqu’où les Romains avaient poussé l’art d’apprivoiser les bêtes féroces ; il leur en aurait moins coûté pour acclimater des animaux utiles. Ils aimaient mieux multiplier quelques espèces indigènes, en leur communiquant des qualités singulières prisées par les riches gourmands qui se les disputaient à des prix insensés. Nous trouvons au moyen âge le goût des animaux exotiques. Tous les princes en possédaient dans leurs parcs. Les seigneurs demandaient des gerfauts aux contrées du Nord, et les dames recevaient des papegais de l’Orient. Ce luxe, qui alimentait un commerce assez important, n’enrichit la faune européenne que de quelques espèces nouvelles. Césalpin fonda au quatorzième siècle un jardin botanique à Pise. Ce jardin fut le modèle de beaucoup d’autres, et quelques-uns y joignirent une ménagerie, mais les directeurs de ces établissements avaient bien plus en vue l’avancement de la science pure que la propagation des espèces ; cependant on leur doit l’introduction de quelques plantes et d’animaux utiles. On peut s’étonner pourtant que l’importation en Europe du dindon, du maïs, du tabac, de la pomme de terre, n’ait pas provoqué d’autres emprunts à des climats différents. Il était réservé à notre temps d’essayer l’acclimatation de nouvelles espèces de tous les points du monde sur une plus grande échelle.

Une Société zoologique d’acclimatation s’est fondée à Paris le 10 février 1854. Elle a pour but de concourir à l’introduction, à l’acclimatation, à la domestication des animaux et des végétaux utiles ou d’ornement, au perfectionnement et à la multiplication des races et des espèces d’animaux nouvellement introduites ou domestiquées : « Nous voulons fonder, disait Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, une association, jusqu’à ce jour sans exemple, d’agriculteurs, de naturalistes, de propriétaires, d’hommes éclairés, nonseulement en France, mais dans tous les pays civilisés, pour poursuivre tous ensemble une œuvre qui eu effet exige le concours de tous, comme elle doit tourner à l’avantage de tous. Il ne s’agit de rien moins que de peupler nos champs, nos forêts, nos rivières, d’hôtes nouveaux ; d’augmenter le nombre de nos animaux domestiques, cette richesse première du cultivateur ; d’accroître et ac varier les ressources alimentaires, si insuffisantes, dont nous disposons aujourd’hui ; de créer d’autres produits économiques ou industriels, et par là même, de doter notre agriculture, notre industrie, notre commerce et la société tout entière de biens jusqu’à présent inconnus ou négligés, qui seront non moins précieux un jour que ceux dont les générations antérieures nous ont légué le bienfait. » Nos richesses animales sont peu nombreuses en effet. « Depuis l’époque, ajoutait Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, où de l’Amérique récemment découverte, les Espagnols importèrent en Europe trois espèces fort inégalement utiles, le dindon, le canard musqué, vulgairement canard de Barbarie, et le cobaï ou cochon d’Inde, quelles acquisitions avons-nous faites ? Quatre oiseaux de luxe ont pris place dans nos volières ou sur nos bassins, les trois faisans doré, argenté et à collier, et l’oie du Canada ; pas un seul animal utile dans nos ferme ; ou nos basses-cours! Dressez la liste des espèces auxiliaires, alimentaires, industrielles, que nous possédons aujourd’hui, et vous reconnaîtrez que Gessner et Belot eussent pu dresser cette même liste sans un seul nom de moins !… L’ensemble des espèces animales connues est évalué par les naturalistes modernes à cent quarante mille. Assurément la grande majorité de ces espèces est destinée à rester toujours inutile à l’homme. Mais est-ce assez pour lui d’en avoir réduit en domesticité quarante-trois ? Car tel est le nombre total des espèces jusqu’à ce jour conquises pour nous sur la nature, et encore sur ces quarante-trois espèces, dix ne se trouvent pas dans l’Europe occidentale ! Le règne animal se compose de vingt classes. De combien d’entre elles avons-nous des représentants en domesticité ? de quatre seulement. Il est des familles, des ordres presque entiers, remarquables par leur fécondité, la précocité de leur développement et l’excellence de leur chair ; tels sont les gallinacés, tels surtout les rougeurs : à peine avons-nous dans nos basses-cours trois des premiers ; nous ne possédons qu’un seul rongeur alimentaire, le lapin !… De nos trente-trois espèces domestiques, vingt-neuf viennent des contrées suivantes : Asie, et particulièrement Asie centrale, Europe, Afrique septentrionale ; restent donc en tout quatre espèces, savoir : les trois que nous avons indiquées plus haut, et l’oie du Canada, domestiquée au dix-huitième siècle comme oiseau d’ornement, pour toutes les autres régions du globe, c’est-à-dire pour un tiers de l’ancien monde, pour le nouveau tout entier et pour les terres australes, ce troisième monde, plus nouveau encore, dont Hartighs et Tasman ont été les Colombs, terres aussitôt conquises que connues, où s’élèvent aujourd’hui des cités européennes, où sont nos arts, notre civilisation, notre luxe, où nous avons transporté nos plus précieux animaux, mais qui ne nous a pas même donné un seul des siens ! Et pourtant, plus différente encore des deux autres mondes par la spécialité caractéristique de ses productions que ceux-ci ne le sont entre eux, l’Australie est la patrie des kangurous, du phascolome, des phalangers, d’une foule d’oiseaux partout ailleurs inconnus ! Et pourtant son climat ne diffère guère de celui d’une grande partie de notre Europe que par l’ordre inverse des saisons ! Terre encore vierge où la moisson sera aussi facile qu’abondante ! »

Depuis plusieurs années Isidore Geoffroy Saint-Hilaire avait signalé dans des brochures les avantages qu’il y aurait à introduire en France un grand nombre d’animaux étrangers ; longtemps il avait espéré que le gouvernement entreprendrait de mettre ses idées à exécution ; enfin il se décida à faire appel à ceux qui pensaient comme lui et constitua ainsi la société qui nous occupe. Il avait publié en 1849 un Rapport sur la naturalisation des animaux, et aussitôt quelques essais partiels avaient été tentés. Le prince Demidoff avait fondé à San-Donato, près de Florence, un établissement pour la naturalisation des mammifères et des oiseaux ; M. Leprestre, chirurgien en chef de l’hôpital de Caen, créa à Saint-André de Fontenay un petit jardin d’acclimatation ; M. de Souancé en forma un autre à la Commanderie (Indre-et-Loire) : cet établissements avaient donné des résultats intéressants, mais bien restreints. Réuni à cinquante personnes, qui prirent le titre de membres fondateurs, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire créa la Société zoologique d’acclimatation, qui concentra tous les efforts séparés tendant an même but.

Dès la première année, la Société zoologique constatait d’heureux succès. M. de Montigny, consul de France en Chine, après cinq années de persévérance, avait fait amener en France un troupeau de douze yaks. M. de Montigny a de plus introduit l’igname de la Chine, le sorgho, le pois oléagineux, et le riz sec. La chevre d’Angora, des plateaux élevés de l’Asie Mineure, l’agouti, l’hémione,l’alpaga, etc., vinrent enrichir le Muséum d’histoire naturelle et les ménageries de plusieurs membres de la société. M. Chenu réussit dans l’acclimatation de l’agouti. Plusieurs oiseaux d’ornement furent aussi introduits en 1854, tels que la perruche ondulée, remarquable par l’élégance de la forme et du plumage, les canards de la Chine, ou mandarins, ou à éventails, le canard de la Caroline ; puis le cygne noir de la Nouvelle-Hollande, acclimaté par le baron Rothschild, M. Leprestre, à Caen, et M. Saulnier, à Paris. Dans les gallinacés, on comptait les hoccos, les collins de la Virginie et de la Californie. Dans les insectes, on trouvait six espèces de vers à soie, totalement inconnues jusqu’alors : deux venaient de la Chine, deux de la Louisiane, une de la république de l’Équateur, et la dernière du Sénégal. M. de Montigny, après s’être efforcé de suppléer, par l’introduction d’œufs de bombyx du mûrier provenant de la race la plus estimée en Chine, à nos races de vers à soie dégénérées, a voulu doter la France d’une espèce sauvage qui vit sur un chêne dans la partie septentrionale de la Chine. En 1855 la société reçut de M. Perrotet, directeur du jardin botanique de Pondichéry, des cocons d’une autre chenille, celle du bombyx mylitta, dont les produits ne sont pas moins importants. L’éducation du ver à soie du ricin, ou bombyx cinthia, réussit en Algérie et en Espagne, ainsi que celle du bombyx bauhiniæ, tiré du Sénégal, envoyé par M. Barthélémy Lapommeraye, et qui vit sur un jujubier. On reconnut, bientôt que quelques espèces de bombyx étaient polyphages, et M. Guérin-Menneville s’est surtout attaché à leur propagation, maintenant assurée. MM. Coste, Millet, Pouchet, le baron de Tocqueville et le marquis de Vibraye s’occupèrent de la pisciculture et introduisirent quelques espèces nouvelles dans nos cours d’eau. Le premier fit éclore dans ses appareils du Collège de France des espèces de la famille des salmonidées importées des lacs de la Suisse et du Rhin, et en éleva dans une étroite piscine consacrée à ses expériences. M. Coste fit aussi transporter dans le lac du bois de Boulogne environ cinquante mille jeunes de truite commune, de truite saumonée, de truite des lacs, d’ombre-chevalier, de saumon franc, de saumon Heuch, éclos au Collège de France, et leur accroissement y fut rapide et complet. M. Coeffier obtint une abondante reproduction du colin houi, nommé vulgairement perdrix d’Amérique. Les yaks de M. de Montigny furent répartis entre le Muséum d’histoire naturelle et MM. de Morny, Cuénot de la Malcôte, Jobez et Moutaubin, et il y eut bientôt des reproductions. Le maréchal Vaillant remit à la société seize chèvres d’Angora qu’il avait reçues de l’émir Abd-el-Kader, soixante-seize autres furent acquises à Angora par les soins du général Daumas et du baron Rousseau, consul de France à Brousse, et de petits troupeaux de ces précieux animaux furent formés dans les Alpes, sur plusieurs points des Vosges, du Jura, du Cantal et des Pyrénées, et en outre sur l’Atlas. M. Delaporte, consul, envoya d’excellentes chèvres laitières d’Égypte au Muséum d’histoire naturelle, qui les donna à la Société d’acclimatation. Leur lait, très abondant, a été reconnu deux fois plus riche en beurre que celui de la vache. Le maréchal Vaillant remit aussi à la Société d’acclimatation des moutons à grosse queue de l’Asie Mineure, ou karamanlis, que lui avait envoyés Abd-el-Kader. En même temps on obtenait des résultats heureux dans la culture des glands de deux espèces de chênes de la Chine, dont les feuilles servent à la nourriture d’un ver à soie, dans la culture du sorgho, du pois oléagineux, de l’alpiste et de l’igname, dont la société avait déjà distribué 160,000 bulbes en France et à l’étranger en 1855. Un des membres de la société, Michaux, avait introduit autrefois le virgilia, le catalpa et beaucoup d’autres arbres utiles. La Société d’acclimatation a poursuivi avec constance la naturalisation de différents vers à soie, en même temps qu’elle faisait recueillir partout de la nouvelle graine de ver à soie du mûrier ; la pisciculture a été aussi l’objet de son attention soutenue. Ses chèvres d’Angora prospèrent, notamment à la ferme de Souliard et en Algérie ; les yaks et les hémiones donnent de bons produits. Elle a réuni les meilleures espèces de chèvres et de moutons, des antilopes, le nilgau, etc. La domestication de l’autruche est tentée avec succès en Algérie et à San-Douato ; celle du nandou et du casoar parait assurée ; d’autres oiseaux étrangers vivent maintenant dans nos forêts et dans nos volières. L’igname se répand, ainsi que le sorgho, l’ortie textile, les nerpruns ; l’arbre à savon et le bambou croissent dans le midi et en Algérie. L’archiduc Maximilien d’Autriche (aujourd’hui empereur du Mexique) a fait créer sur l’île de Croma, en Dalmatie, un jardin propre à recevoir les animaux et les plantes aptes à s’y acclimater. Un établissement analogue s’est établi à Alexandrie en Égypte, comme station intermédiaire. D’autres s’annoncent en Hollande, en Italie, en Espagne, aux Canaries, au Brésil, dans l’Amérique du Nord, à Turin, à Saïgon. Enfin, en 1861, M. Eugène Simon, chargé d’une mission en Chine, a envoyé au ministre plusieurs espèces de poissons de ce pays, dont l’acclimatation parait possible. Plus tard il a fait parvenir des plants de l’arbre à ciré de la Chine, avec les insectes qui donnent ce produit.

En 1864, à la suite d’une victoire remportée sur les Japonais, M. Léon Roches obtint du taïcoun l’autorisation d’exporter une provision de graines de vers à soie qui a été vendue par les soins de la Société d’acclimatation dans différentes villes au commencement de 1865. Des graines de ver à soie du Japon distribuées en 1860 avaient eu un succès complet. C’est la seule espèce qui ne soit pas atteinte par la maladie.

Le 26 février 1855 la Société zoologique d’acclimatation fut reconnue comme établissement d’utilité publique. Le nombre de ses membres, qui était de 400 au mois de juin 1854 et de 550 au 22 décembre, était de 901 en 1855, de plus de 2,000 en 1859, et de plus de 3,000 en 1865. Les uns appartiennent à la France ou y résident ; les autres, Français ou étrangers, sont répartis sur tous les points du globe. Elle compte des souverains, des princes, des ministres, des hommes d’État, des ambassadeurs, parmi ses membres les plus dévoués. Elle a dans les pays les plus lointains des délégués, des affiliés actifs, empressés à lui transmettre tout ce qui parait mériter son attention. Elle s’est affilié bon nombre de sociétés animées du même esprit. D’autres sociétés d’acclimatation se sont créées à Bordeaux, a Cayenne, à l’île de la Réunion, à Alexandrie d’Égypte, à Berlin, Moscou, Poitiers, Alger, Roveredo (Tyrol), Saint-Pétersbourg et Orel. La Société d’acclimatation publie un Bulletin mensuel et distribue annuellement des récompenses aux personnes qui ont le plus concouru à l’introduction, à l’acclimatation et à la domestication des espèces d’animaux utiles ou d’ornement, ainsi qu’au perfectionnement et à la multiplication des races nouvellement introduites ou domestiquées. Ce que la société ne peut faire elle-même, elle l’encourage. Les animaux acclimatés sont, confiés par bail à cheptel à des propriétaires ou fermiers capables d’en poursuivre la multiplication et l’éducation ; d’autres sont vendus aux amateurs ou lâchés au milieu des forêts. Elle a contribué au peuplement de nos lacs et de nos cours d’eau. Elle s’est aussi procuré des plantes et des graines qui promettent les plus heureux résultats.

En 1858, sous l’impulsion du prince Napoléon, la Société d acclimatation organisa en Auvergne, par les soins de M. Richard du Cantal, un premier dépôt de reproducteurs, spécialement destine aux animaux de montagne, tels que les yaks, les lamas et les chèvres d’Angora : c’est aujourd’hui la ferme de Souliard. En 1857 la Société d’acclimatation obtint de la ville de Paris la concession d’un terrain de vingt hectares au bois de Boulogne, où elle put établir un Jardin zoologique d’acclimatation. Cet établissement a été fondé par une société spéciale, dont l’objet, d’après l’acte de constitution, est d’appliquer et de propager les vues de la Société impériale zoologique d’acclimatation, avec le concours et sous la direction de cette société, et par couséquent d’acclimater, de multiplier et de répandre dans le public les espèces animales et végétales qui sont ou qui seront par la suite nouvellement introduites en France, et qui paraîtraient dignes d’intérêt par leur utilité ou leur agrément. Le Jardin d’acclimatation fut ouvert le 9 octobre 1860. Le public y est admis moyennant rétribution. Ce jardin est placé dans le bois de Boulogne, entre la porte des Sablons et la porte de Neuilly. Une rivière y a été amenée. À droite de l’entrée se trouvent les bâtiments de l’administration et les magasins. À gauche s’élève la serre splendide qu’on avait déjà vue au Palais des Fleurs à Villiers. Une spacieuse avenue conduit à un vaste carrefour, d’où le regard embrasse la rivière, le petit lac et les plus beaux points de vue du jardin. Sur les pelouses et sur les eaux vaguent toutes sortes d’oiseaux aquatiques : céréopses, bernaches, oies des Sandwich, de Magellan, du Canada, de Gambie, du Danube, de Toulouse ; canards de toutes espèces, parmi lesquelles on remarque les races mignonnes d’Aylesbury, de Hollande, du Labrador, etc. Au milieu de ces palmipèdes trônent des cygnes blancs, noirs, et blancs à col noir de l’Amérique du Sud. En avançant par l’allée de gauche, on arrive eu face du pare où broutent paisiblement toutes sortes de cerfs. Un peu plus loin est l’abri rustique des antilopes, des hémiones, puis celui des gazelles. À quelques pas, un rocher gigantesque est escaladé par des mouflons à manchettes de l’Algerie et du Maroc, des chèvres du Sénégal, du cap de BonneEspérance, d’Égypte et d’Angora. Un parc réunit des moutons de la race mérinos, dite Graux de Mauchamp. Un autre renferme les lamas, alpacas et vigognes. Un autre, des zébus ou bœufs à bosse du Soudan et du Sénégal ; des zébus nains de l’Inde, des yaks du Thibet, des métis d’yaks et de vaches. Vis-à-vis des antilopes, à gauche, se trouve l’aquarium, achevé en 1861. Plus loin, les rennes, puis les kangurous, des marsupiaux, un cabiai, un paca de la Guyane, un agouti, un tapir. En revenant par la grande allée de droite, on rencontre la poulerie, où s’ébattent les plus belles espèces d’oiseaux de basse-cour indigènes et étrangères, une élégante volière qui renferme des faisans, des euplocomes, des grues, des flamants, des ibis sacrés. Enfin voilà des autruches, des nandous, des casoars, des grues, des outardes, etc. La maguanerie renferme des vers à soie de toutes espèces. Un chenil, construit en 1864, contient des chiens des races les plus curieuses. Depuis 1863 le Jardin d’acclimatation s’occupe aussi des chameaux. En 1864, M. Fery d’Escland a envoyé à ce jardin une précieuse collection d’animaux vivants de Bourbon et de Madagascar. La volière d’hiver est placée dans une des serres annexes du jardin d’hiver. Le jardin contient des arbres rares et curieux, entre autres un gigantesque sequoia de la Californie. Des horticulteurs y exposent leurs plus belles fleurs. Des savants tiennent au Jardin zoologique d’acclimatation des conférences sur différents sujets d’histoire naturelle. L’administration procure des graines, des œufs, etc.

Le 13 novembre 1864 le Jardin d’acclimatation a inauguré la statue de Daubenton, due au ciseau de M. Godin.

Cet établissement a obtenu des produits curieux de ses animaux ; mais pour propager les espèces qu’il possède, il faut le concours des particuliers placés dans les conditions favorables. Le jardin zoologique offre donc et prête son assistance aux amateurs pour leur procurer les animaux dont ils veulent tenter l’acclimatation. En 1862 et 1863, il y a eu au Jardin d’acclimatation une exposition des volatiles de tous les pays. En 1863, il y eut au même endroit une exposition générale de chiens, qui s’est renouvelée au Cours la Reine, à Paris, en 1865. Un concours d’huîtres a eu lieu au Jardin d’acclimatation en 1864.

En 1863 le Jardin d’acclimatation a dépensé 175,901 francs 88 centimes et reçu 254,363 francs 40 centimes ; mais il fallait déduire de l’excédant des recettes 12,784 francs 47 centimes pour constructions nouvelles, et 15,000 francs pour l’amortissement du prix des serres. Parmi les recettes on voit figurer la vente d’animaux pour 105,097 francs 30 centimes, la vente des œufs pour 10,306 francs 95 centimes ; la vente des animaux avait produit 73,000 francs en 1862, et 37,000 en 1861. Le nombre des visiteurs du jardin, qui était en 1861 de 240,278, en 1862 de 291,774, s’est élevé en 1863 à 343,873, grâce à l’exposition des races canines, qui a été visitée par 72,624 personnes. Le total des ventes en 1864 s’est élevé à 105,060 francs 65 centimes, pour 704 faisans ordinaires, 33 panachés, 19 blancs, 34 cendrés, 10 métis, 389 dorés, 288 argentés, 165 de l’Inde, 5 de Cuvier, etc., 225 canards mandarins, 452 carolins, 301 cygnes blancs, 87 cygnes noirs, 75 cigognes blanches, 250 pierruches ondulées, 89 cerfs, etc.