Accusation
- Législation
- H. Bordier
- Encyclopédie moderne
Accusation. Accuser un criminel, c’est-à-dire le dénoncer à la justice et poursuivre devant les tribunaux le châtiment de sa coupable action, était chez les peuples de l’antiquité le droit de tout citoyen. Dans sa république idéale, Platon voulait qu’on punît ceux qui, connaissant un coupable, ne le livraient point aux magistrats. Il nous est resté dans le procès intenté par Eschine à Ctésiphon un exemple célèbre de l’exercice du droit d’accusation à Athènes et en même temps de la sévérité des lois athéniennes à l’égard du dénonciateur qui n’avait pu réunir contre l’accusé les quatre cinquièmes des suffrages : Eschine, vaincu par Démosthène, fut frappé d’une amende de 5,000 drachmes. Aussi, les mêmes lois donnaient-elles à l’accusateur qui triomphait le tiers des biens confisqués sur le coupable. Ce caractère public du droit d’accusation n’était point particulier aux républiques de la Grèce ; il était le même dans les États si diversement organisés des Égyptiens, des Juifs et des Perses.
À Rome, le droit d’accusation appartenait aussi à tout citoyen. On le refusait seulement aux femmes, aux impubères, aux soldats, à quelques officiers remplissant des fonctions judiciaires, aux gens notés d’infamie ou condamnés pour faux témoignage et à ceux qui s’étaient laissé corrompre pour intenter une accusation ou s’en désister ; enfin il n’était pas permis aux affranchis d’accuser leurs patrons, et ceux qui avaient moins de 50 aurei de fortune ne pouvaient accuser personne. Ces prohibitions cessaient cependant lorsque celui qui se portait accusateur avait un intérêt personnel à le faire ; par exemple, lorsqu’il poursuivait en justice le meurtrier d’un de ses parents. On comprendrait difficilement que les Romains eussent été obligés d’apporter tant d’entraves à ce droit d’accuser, qui de sa nature ne semble pas de ceux dont on est disposé à faire abus, si l’on ne savait que lorsque l’accusateur gagnait son procès, il acquérait en même temps une partie des biens de celui qu’il avait accusé. L’accusation était devenue sous les empereurs un métier dont Tacite fait une peinture effrayante, mais qui assurait à ceux qui ne craignaient pas l’infamie des richesses et la faveur du prince.
Vers la fin de la république romaine, un certain nombre de lois avaient été rendues qui déféraient à des tribunaux permanents, présidés par quatre préteurs (prœtores perpetuarum quæstionum), les personnes accusées de crimes contre l’État, d’adultère, de meurtre, d’empoisonnement, d’altération de testament, de violence à main armée, de péculat, d’attentat à la liberté d’un citoyen, de brigues dans les élections, de concussions ; la connaissance des autres crimes demeura soumise au jugement du peuple lui-même. La publicité des débats, la liberté sous caution et la garantie de tous mauvais traitements assurées à l’accusé, le droit des juges de prononcer, comme nos jurés, en ne suivant d’autre règle que l’inspiration de leur conscience, étaient autant de principes essentiels de la procédure criminelle des Romains sous la république et les premiers empereurs. Pour être reçue, il fallait que l’accusation fût faite dans les formes suivantes. L’accusateur se rendait devant le préteur, et demandait la permission de lui remettre le nom (nomen deferre) de celui qu’il voulait accuser. Le magistrat fixait le jour où il consentait à recevoir cette délation et, le jour venu, la recevait en présence de l’accusé. L’accusateur prêtait serment de sa foi à la justice de sa cause, en déclarant se soumettre à la rigueur du talion s’il ne parvenait à faire prononcer contre son adversaire la peine qu’il demandait ; puis il remettait le libelle d’accusation entre les mains du préteur. La formule de ce libelle nous a été conservée dans un passage du Digeste tiré des écrits du jurisconsulte Paul, qui vivait sous Alexandre Sévère.
L’accusateur donnait ensuite caution de suivre le procès jusqu’à la fin, et le préteur fixait le jour des débats à un terme plus ou moins éloigné, suivant que l’avait ordonné la loi sur laquelle se fondait le demandeur : c’était quelquefois le dixième jour ; d’autres fois le délai était beaucoup plus long. Au jour fixé, l’accusateur plaidait sa cause, présentait ses titres et faisait entendre ses témoins. Quelquefois il prononçait son discours tout entier, et passait ensuite à la production des témoins et des documents dont il voulait l’appuyer ; quelquefois, au contraire, il scindait sa plaidoirie, et après chaque chef de l’accusation montrait les preuves qui s’y rattachaient ; puis il résumait toute la cause dans un dernier discours ; c’est ainsi que Cicéron procéda contre Verrès. Quelquefois, enfin, la loi elle-même avait tracé à l’accusateur la marche que sa plaidoirie devait suivre ; ainsi l’accusateur de Milon avait été obligé de faire entendre ses témoins avant de prendre lui-même la parole. L’exposé de l’accusation ne pouvait se prolonger au delà du délai fixé par la loi, mais ordinairement assez long ; il paraît que c’était environ vingt jours : ce qu’il faut avoir soin d’entendre en réfléchissant que les jours néfastes et plusieurs autres causes empêchaient souvent les tribunaux romains de siéger.
Voilà un aperçu de la manière dont l’accusation était conduite devant les tribunaux criminels de Rome. Ces formalités différaient beaucoup lorsque c’était devant le peuple lui-même que l’accusation était portée. Citer quelqu’un devant le peuple était un droit réservé aux magistrats, et dont pouvaient user même les simples questeurs et les édiles. Puis, ces accusations plus solennelles pouvaient être intentées contre des magistrats de la république et les enlever à leurs fonctions, tandis qu’une accusation ordinaire n’était jamais reçue contre un officier de la république pendant l’exercice de sa charge. Le consul ou le tribun qui voulait porter une accusation montait à la tribune aux harangues, et après avoir fait assembler le peuple par les hérauts, il annonçait que tel jour, telle personne eût à se présenter pour répondre de tel crime. L’accusé était obligé de donner immédiatement caution d’obéir à la citation, sinon il était emprisonné. Au jour marqué, le magistrat accusateur développait sa proposition devant une nouvelle assemblée du peuple, et concluait en prononçant la peine qu’il estimait devoir être prononcée. Sa conclusion restait affichée dans le forum pendant trois jours de marché consécutifs, et le troisième jour de marché, le magistrat accusateur reprenait sa plaidoirie ; c’était seulement alors qu’il permettait à l’accusé de parler pour sa défense. L’accusé ou son patron, c’est-à-dire son avocat, montait à la tribune à son tour, plaidait sa cause, et faisait venir ses témoins. Le peuple prononçait la condamnation ou l’acquittement en la forme usitée pour l’admission ou le rejet des projets de loi.
Ces jugements populaires, dont l’origine était vraisemblablement fort ancienne, cessèrent sous les premiers empereurs. Quant aux Quœstiones perpetuae, elles ne furent abolies que sous Caracalla, qui fit passer la juridiction criminelle entre les mains du préfet de la ville. Grâce aux successeurs d’Auguste, le rôle d’accusateur étant devenu un métier infâme, il fallut sous les Antonins que l’empereur ou le sénat désignassent d’office et pour chaque procès, une personne chargée de ce ministère. Telle fut l’origine du principe adopté par le droit canonique, puis par nos législations modernes, et d’après lequel nous considérons le droit d’accuser comme une magistrature publique.
Chez les barbares de la Germanie, le droit d’accusation avait un caractère particulier, moins noble, il faut l’avouer, qu’il n’était chez les anciens. La condamnation du coupable consistait en une amende une composition payée à la victime ou à ses parents ; de là ce principe que les parents de l’offensé pouvaient seuls, à défaut de l’offensé lui-même, se porter accusateurs, parce qu’ils avaient seuls droit au bénéfice du procès. Quant à la forme que l’accusation devait avoir sous l’empire des coutumes germaniques apportées et naturalisées dans la Gaule par les Francs, les formules mérovingiennes qui nous ont été conservées montrent que le plaignant était tenu de demander à la chancellerie royale une permission d’assigner la personne qu’il voulait accuser ; cette permission, appelée indiculus ou signaculum, commençait par l’exposé de la plainte et fixait un jour à l’accusé pour se présenter au plaid, c’est-à-dire au tribunal. Là, les adversaires plaidaient leur cause, et en certains cas il fallait que l’accusateur, subît le jugement de Dieu, qu’il soutînt ses allégations par les épreuves de l’eau, du feu, ou du duel.
Malgré de notables modifications dont il est très difficile de suivre la trace dans ces temps obscurs, on aperçoit ces usages se perpétuant à travers le moyen âge ; et dans le dur et simple langage des jurisconsultes du treizième siècle on les voit s’animer d’un air d’énergie qui n’est pas sans quelque beauté. Voici comment parle à ce sujet l’auteur des Assises de Jérusalem : « Qui veut faire appeler quelqu’un de meurtre, doit faire apporter le corps du meurtri devant l’hôtel du seigneur, ou au lieu qu’il est établi qu’on porte les meurtres. Après, doit venir devant le seigneur et demander conseiller. Quant il aura un conseiller, que son conseiller dise : « Sire, mandez faire voir ce corps qui là bas gît, qui a a été meurtri. » Et le seigneur y doit alors envoyer trois hommes, l’un pour tenir sa place, les deux autres comme cour de justice, et ces trois hommes doivent aller voir ce corps et puis revenir devant le seigneur et lui dire en présence de la cour : « Sire, nous avons veu ce corps que vous mandâtes voir et avons vu les coups que il a. » Et doivent dire quants coups il a et en quel lieu il les a, et de quelle chose il leur semble que ils aient été faits. Maintenant après ce, celui qui veut faire l’appel doit dire par son conseiller au seigneur : « Sire, tel se clame à vous de tel qui a tel meurtri ; faites le venir en votre présence, ainsi ouïrez comme il portera son clam contre lui. » Et l’avocat doit nommer tous les trois par leur nom et leur surnom s’il le sait. Et maintenant le seigneur doit faire quérir celui à qui on met sus le meurtre et mettre le en sa prison ; et maintenant que il l’aura en son pouvoir doit le faire savoir au clamant. Et il me semble que si le seigneur veut bien faire, il doit mander à celui qui est arrêté trois de ses hommes dont l’un lui doit dire : « L’on te met tel meurtre sus ; comment et pourquoi le fis tu ? et qui fut avec toi à faire le. » Et si il le reconnoît, le seigneur doit faire celui pendre comme meurtrier. Et si il nie le meurtre, il le doit faire garder an et jour en sa prison ; et si celui qui se clama de lui du meurtre, ou autre qui appeler l’en puisse par raison, ne l’appelle, le seigneur le doit faire laisser aller et il est quitte de tel meurtre, si que il n’est plus tenu de répondre à nul qui l’en appelât. » Philippe de Beaumanoir, qui écrivait en 1283, s’exprime tout à fait de la même manière dans ses Coutumes du Beauvoisis.
Plus d’un siècle après, les formalités de l’accusation étaient encore les mêmes dans nos tribunaux. Bouteiller (Somme rur., liv. I, tit. 34) indique la même procédure à suivre qu’indiquaient les Assises et Beaumanoir ; seulement, au lieu du langage bref et précis dont on vient de lire un exemple, il emploie le style redondant et diffus des praticiens de son temps.
C’est ainsi que l’accusation était déférée devant un tribunal laïque. Mais devant les tribunaux ecclésiastiques, on avait toujours été soumis à la procédure écrite. « En cour de chrétienté, dit Beaumanoir (ibid., § 10), on baille à la partie sa demande en écrit dès que la demande est de quarante sous ou de plus. Et aussi baille-t-on les errements du plaid ou copie du dit aux témoins. Mais de tout ce, ne fait-on rien en cour laie, selon notre coutume, car on n’y plaide pas par écrit ; mais il faut faire sa demande ou requête sans écrit et redire de mémoire toutes les fois qu’on se représente devant la cour, si la partie le requiert, jusqu’à tant que les paroles soient couchées en jugement. Et il faut que les hommes par qui le jugement doit être fait retiennent en leurs cœurs ce sur quoi ils doivent juger. »
La procédure par écrit fut étendue des tribunaux ecclésiastiques à tous les tribunaux de France par une ordonnance de Pan 1539. Les anciennes formes avaient plus d’un inconvénient ; mais la procédure écrite était secrète, et l’on sait combien les publicistes modernes se sont élevés avec force, contre l’exercice occulte de la justice. Cependant un savant jurisconsulte de la fin du seizième siècle, Charondas le Caron ; s’applaudit de cette réforme « tant à fin que les procès criminels soient plus mûrement et prudemment instruits qu’afin que le criminel ne s’étonnât de l’accusation contre lui faite, mais pût répondre plus librement et s’excuser et justifier. » C’est une question que nous retrouverons au mot Procédure.
Il nous reste à dire quelques mots de ce qu’a été l’accusation dans les derniers temps de notre ancienne jurisprudence.
L’accusation était portée ou par la partie lésée, et alors elle portait plus spécialement le nom de plainte, ou par le ministère public ; quelquefois le juge poursuivait d’office les coupables. Entre l’action poursuivie parle ministère public et celle qu’intentait un particulier était cette différence capitale que le ministère public seul demandait l’application de la peine. Cette ancienne définition n’était plus vraie depuis longtemps, quoiqu’on la trouve reproduite dans les lexiques de droit jusqu’à la fin du dernier siècle, que « l’accusation est l’imputation qu’on fait à quelqu’un d’un crime pour en poursuivre contre lui la vengeance. » La partie civile pouvait seulement conclure à des dommages-intérêts, avec cette clause : « Sauf à M. le procureur du roi (ou devant une justice seigneuriale : à M. le procureur fiscal) à prendre pour la vengeance publique, telles conclusions qu’il avisera bon être. » C’est une distinction consacrée depuis par le premier article de notre code d’instruction criminelle.
Certaines personnes ne pouvaient se porter accusatrices de certaines autres : la femme ne pouvait accuser son mari, ni le mari sa femme. Le ministère public lui-même n’avait pas le droit de poursuivre d’office le vol commis par le fils au préjudice de son père, ni la femme adultère contre laquelle il n’y avait pas plainte du mari. À l’inverse, la loi punissait dans quelques cas particuliers la négligence à accuser les coupables qu’on connaissait comme tels. Ainsi elle punissait la veuve, le fils, le frère qui ne se portaient point accusateurs du meurtrier de leur époux, de leur père ou de leur frère ; l’héritier qui, instruit du meurtre de celui dont il devait hériter, gardait le silence était repoussé de la succession comme indigne. La plupart de ces dispositions ont été conservées par nos codes.
Dans notre législation actuelle, l’accusation est l’action publique intentée et suivie pour l’application de la peine contre un ou plusieurs individus par le procureur général du roi, sur laquelle un arrêt de la cour royale a ordonné leur mise en accusation et leur traduction devant la cour d’assises, après qu’il a été reconnu, 1° qu’ils n’ont pas détruit les charges portées contre eux ; 2° que le fait qui leur est imputé est de nature à entraîner l’une des peines portées par nos lois, depuis la plus grave jusqu’à l’une des peines infamantes inclusivement.
C’est s’exprimer improprement que de donner aujourd’hui le nom d’accusation soit aux dénonciations et aux plaintes, soit aux premières poursuites qui ne sont que des actes de la police judiciaire. On est et l’on reste simplement inculpé lorsque les dénonciations, les plaintes, les informations ne fournissent ni indices, ni présomptions ; on n’est encore que prévenu lorsqu’après les mandats d’amener, de dépôt et d’arrêt, et les premiers interrogatoires, la cour royale n’a encore reçu aucun réquisitoire, ni rien prononcé. Enfin le prévenu ne devient accusé que lorsque, sur le réquisitoire du procureur général, la cour royale a ordonné sa mise en accusation et sa traduction devant la cour d’assises.
Avant l’arrêt de mise en accusation, les magistrats chargés de la première instruction examinent dans la chambre du conseil, au nombre de trois juges au moins, si Je fait est de nature à être puni de peines afflictives ou infamantes, et si la prévention contre la personne poursuivie est suffisamment établie. Lorsque les juges ou l’un d’eux sont de cet avis, ils décernent une ordonnance de prise de corps. Le procès est ensuite envoyé au procureur général près la cour royale, et, s’il y a lieu, celui-ci requiert la mise en accusation du prévenu.
Pendant ce temps, la partie civile et le prévenu peuvent fournir tels mémoires qu’ils estiment convenables. Le prévenu peut soutenir que le fait qui lui est imputé n’est défendu par aucune loi, ou qu’antérieurement il a été condamné ou amnistié pour le même fait, ou que la cour royale ayant antérieurement décidé qu’il n’y avait pas lieu à l’en accuser, il n’est survenu aucune nouvelle charge contre lui. Il peut soutenir que le crime a été effacé par le pardon du chef de l’État, ou qu’il en a été acquitté, ou que le crime est prescrit. Il peut soutenir, sur le fond de l’accusation, qu’il n’existe aucune charge contre lui ; il peut enfin donner telles explications et fournir telles pièces qu’il croira utiles pour sa justification. Toutes ces exceptions, tous ces moyens, il pourra les reproduire à toutes les phases du procès.
Aussitôt que la première instruction est transmise au procureur général, il en fait son rapport à la cour royale.
La cour peut ordonner une instruction plus ample et se faire apporter les pièces servant à conviction jusque-là restées au greffe du tribunal de première instance.
Enfin, lorsque l’instruction est complète, la cour passe à l’examen du procès en Ja chambre du conseil. Le greffier fait lecture de toutes les pièces en présence du procureur général ; elles sont laissées sur le bureau, ainsi que les mémoires des parties. Le procureur général dépose son réquisitoire écrit et signé, et se retire ainsi que le greffier.
Si la cour n’aperçoit aucune trace d’un délit prévu par la loi, ou si elle ne trouve pas d’indices suffisants de culpabilité, elle ordonne la mise en liberté du prévenu ; ce qui est exécuté sur-le-champ, s’il n’est retenu pour une autre cause.
Dans ce cas, il ne peut plus être recherché à raison du même fait, à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges. Ces nouvelles charges sont des déclarations de témoins, des pièces et procès verbaux, qui n’ayant pu être soumis à l’examen de la cour royale, sont cependant de nature soit à fortifier les preuves que la cour aurait trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité.
En ce cas, on procède de nouveau contre le prévenu, et l’on remet en question s’il y a lieu de prononcer l’accusation.
Si le fait est qualifié crime pav la loi, et que la cour trouve des charges suffisantes pour motiver la mise en accusation, elle ordonnera le renvoi du prévenu à la cour d’assises ; et si le crime est mal qualifié dans l’ordonnance de prise de corps, elle l’annulera et en décernera ne nouvelle.
Un ou plusieurs prévenus peuvent être accusés d’être auteurs ou complices du même crime, ainsi que de plusieurs crimes et délits connexes. Les délits sont connexes, soit lorsqu’ils ont été commis en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu’ils ont été commis par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d’un concert formé à l’avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les uns pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l’exécution, ou pour en assurer l’impunité.
L’arrêt de mise en accusation doit être signé par chacun des juges au nombre de cinq au moins. Il y est fait mention, à peine de nullité, tant de la réquisition du ministère public que du nom de chacun des juges : l’ordonnance de prise de corps y est insérée.
Aussitôt le procureur général rédige un acte d’accusation, où il expose, 1° la nature du crime qui forme la base de l’accusation ; 2° le fait et les circonstances qui peuvent aggraver ou diminuer la peine. Le prévenu y est dénommé et clairement désigné. Il est terminé par le résumé suivant : En conséquence, N… est accusé d’avoir commis tel meurtre, tel vol, ou tel autre crime, avec telle ou telle circonstance.
Jusqu’ici nous n’avons qu’une procédure secrète, une instruction lue et écoutée sans solennité, sans confrontation, sans débats, en l’absence du prévenu et des témoins, où la loi ne veut et ne doit rien voir que d’imparfait, et dont il ne peut sortir, même dans les cas les plus graves, que des indices suffisants, mais jamais des preuves de culpabilité. Un procureur général commettrait donc une faute très grave envers l’accusé, qu’il doit présumer innocent et qui peut-être sera acquitté, s’il avançait dans son acte d’accusation que d’une procédure aussi informe il résulte que tels ou tels-faits sont prouvés.
Nous ne dissimulerons cependant pas que c’est là une opinion controversée. On peut alléguer en effet que par la décision de la chambre du conseil, quoiqu’elle soit fondée sur de simples indices, le prévenu devient accusé, qu’il n’est plus présumé innocent, que l’acte d’accusation est le manifeste produit par le ministère public pour démontrer la force des preuves et le fondement des poursuites, que cette démonstration ne peut résulter que de l’interprétation des faits et par conséquent de l’expression d’une opinion sur la culpabilité de l’accusé. À l’inverse, une cour royale ne peut décider en la chambre du couseil qu’un prévenu doit être mis en liberté parce que le crime n’est pas suffisamment établi. Au jury seul appartient de déclarer que le crime est ou n’est pas prouvé, en d’autres termes : que l’inculpé est ou n’est pas coupable ; c’est seulement faute de présomptions suffisantes de culpabilité que la chambre des mises en accusation peut renvoyer libre un prévenu.
L’instruction, qui fut secrète jusqu’à l’arrêt de mise en accusation, sera désormais manifestée par l’acte d’accusation et les débats qui le suivront, mais à l’égard des accusés seulement, et dans le seul intérêt de l’accusation. Quant aux personnes qui n’ont été qu’inculpées, et contre qui aucun mandat d’amener ou d’arrêt n’a été délivré ; quant à celles contre qui il a été déclaré qu’il n’y avait pas lieu à accusation, s’il n’est pas survenu de nouvelles charges, la justice est satisfaite ; le procès leur est devenu étranger. Pour eux il doit rester secret, parce que pour eux il est considéré comme non avenu. Un procureur général commettrait donc une faute non moins grave s’il les impliquait dans son acte d’accusation, qui est fait pour être lu et discuté lors d’un débat public où ils ne seraient pas admis à se justifier. Mais pourrait-on se pourvoir en cassation contre cet acte d’accusation ? — Non ; car un pourvoi ne peut être dirigé contre un simple acte de procédure, il n’est jamais admissible qu’autant qu’il est formé contre une décision. Et il est bien douteux qu’on pût faine admettre un pourvoi contre l’arrêt, sous prétexte que l’un des actes d’instruction qui te précèdent serait entaché de nullité. Mais il reste un moyen de réparation à la personne ainsi attaquée : la plainte en diffamation ou en calomnie.