Acrocérauniens

  • Géographie
  • Amédée Tardieu
  • Encyclopédie moderne

Acrocérauniens. Les monts Acrocérauniens n’ont pas été décrits dans l’antiquité ; les poètes ont attaché à leur nom une célébrité toute mythologique, les historiens et les géographes n’ont mentionné avec quelques détails que les villes du littoral de cette partie de l’Épire. Les voyageurs modernes eux-mêmes n’ont exploré cette chaîne que fort tard. Avant M. Pouqueville on manquait entièrement de détails sur l’étendue et l’élévation des monts Acrocérauniens, sur les ruines, les habitations, les peuples qu’ils renfermaient ; et pour cette raison les deux chapitres qu’il a consacrés à la description de l’Acrocéraune sont peut-être les plus curieux de son livre : il semble y raconter une découverte.

La chaîne des monts Acrocérauniens, appelés aujourd’hui monts de la Chimère, se dirige du Sud-Est au Nord-Ouest sur une longueur d’environ 16 lieues, dans la partie méridionale du Sandjak d’Aulone ; elle se termine au Nord-Ouest au cap de la Linguetta, qui ferme au Sud le golfe d’Aulone, et s’étend au Nord jusqu’à l’embouchure de la Voïoussa ; au Sud :, elle vient finir aux environs de Delvino ; à l’Est, le cours de la Voïoussa (anc. Aoüs) et celui de l’Argyro Castro, un de ses affluents, la suivent et la limitent. Cette chaîne est une des branches de la chaîne hellénique et elle tient au Mezzovo ou Pinde, qui est le centre des montagnes de la péninsule grecque. Le versant occidental des monts Acrocérauniens présente des précipices affreux, des pics élevés et sombres, une végétation aride ; l’aspect du versant opposé est tout différent.

Les bourgades citées par le voyageur dans la partie occidentale de l’Acrocéraune sont Chimara, chef-lieu d’une juridiction qui comprend la plus grande partie de la Chaonie maritime des anciens, Vouno, à deux lieues plus loin, Liatis, Drimadez, Palœassa et le port de Condami. M. Pouqueville a découvert sur ce versant diverses ruines ; entre autres, près de Chimara, une enceinte pélasgique. Nous ne rappellerons pas ici les considérations de géographie ancienne qu’il a exposées à cette occasion : M. Letronne (Journal des Savants, 1828) a suffisamment montré combien elles manquaient de justesse ; mais il a déterminé avec plus de bonheur le lieu où César aborda pour aller combattre Pompée, et reconnu, près du val d’Orso, l’emplacement probable de la ville des Daorsi, peuple qu’on ne connaissait que par les médailles.

La partie orientale de l’Acrocéraune est appelée aujourd’hui Japourie, dénomination qui dérive du nom ancien d’Iapygie ; le chef-lieu en est Dukates, dont on attribue la fondation à Michel Ducas. À une lieue et demie de Dukates, M. Pouqueville a reconnu les ruines de la ville d’Oricum, mentionnée souvent par les historiens anciens. Les autres cantons de la Japourie sont celui de Canina (peut-être l’ancienne Œneus), qui renferme les lieux de Dragiales, de Radima, de Mavrona, de Crionero ; et le canton de Coudessi, qui comprend quatorze villages répandus autour de la vallée que baigne la Suchista, le territoire ancien d’Apollonie et ces fameuses mines de bitume décrites si poétiquement par Plutarque dans la vie de Sylla.

Dans la partie septentrionale de l’Acrocéraune ; M. Pouqueville a encore signalé l’emplacement de plusieurs villes anciennes, Amantia, que Cicéron, César, Pline ont nommée comme une ville importante, Byllis, la ville des Bylliones qui habitaient, suivant Strabon, depuis Épidamne et Apollonie jusqu’aux monts Cérauniens ; il a aussi reconnu la voie romaine qui remontait d’Apollonie par Byllis et Amantia à Buthrotum avec des embranchements sur Oricum, Paleste et le port de Panorme. M. Pouqueville termine la description de l’Acrocéraune par le tableau le plus triste de la barbarie, de l’ignorance et de la misère des quarante-cinq mille individus qui en composent la population.