Action
- Art dramatique
- St. A. Choler
- Encyclopédie moderne
Action. L’action est le développement, la mise en œuvre des moyens qui doivent conduire à bonne fin un drame, une épopée, un roman, toute œuvre littéraire, enfin, qui raconte, chante ou représente un événement vrai ou faux, appris ou inventé, dans son ensemble et dans ses détails, avec ses causes et ses effets. Au reste, on peut appliquer plus exclusivement ce terme à la marche et aux développements du drame : c’est là en effet surtout que les personnages agissent. Dans le roman, dans l’épopée, l’auteur est toujours là : c’est lui qui parle, et si, de temps en temps, il permet à ses héros de s’avancer en scène, et de prendre la parole à leur tour, son intervention ne tarde pas à se faire de nouveau sentir ; il ne laisse pas longtemps oublier qu’il est présent, et que c’est à lui qu’on a affaire. Il n’y a là qu’une fable, développée, il est vrai, et conduite par toutes ses phases, mais où rien ne se montre aux yeux, où tout se raconte à l’esprit : le récit remplace l’action.
Dans le théâtre grec, l’action est une et simple. Et comment en eût-il été autrement ? La tragédie grecque consistait en une représentation, faite devant le peuple assemblé, de choses et d’événements qu’il connaissait aussi bien que le poète. Ainsi pas de secret, pas de surprises, pas de frais d’imagination. Aux premiers mots prononcés par l’acteur, le spectateur disait : « Voici Agamemnon ; il va condamner sa fille. Celui-ci est Œdipe : il faut qu’il tue son père et qu’il épouse sa mère. » L’action n’était donc pour le poète qu’un canevas sur lequel il brodait, qu’une toile qu’il couvrait de couleurs ; c’était un prétexte dont il profitait pour répandre à flots l’or de sa poésie, le miel de son éloquence, les trésors de sa morale. De là il sortait quelque chose de grand, de beau, de magnifique ; mais, disons-le, l’intérêt manquait, du moins l’intérêt qui ressort d’une attente vivement excitée, d’une curiosité tenue en éveil. La situation, présentée avec art, les caractères, habilement tracés, les vers, pleins de pompe et de charme, tout cela pouvait saisir et émouvoir ; l’action laissait l’esprit calme et froid, et quelques efforts qu’elle eût faits, elle n’eût pu obtenir un autre résultat, puisque c’était son histoire et sa religion que le peuple voyait sur le théâtre. On comprend que dans ces conditions, la marche du drame était simple, et qu’Aristote, en recommandant l’unité d’action aux poètes tragiques, leur faisait presque une recommandation inutile.
Corneille et Racine, qui ne firent subir au théâtre antique qu’un seul changement pour ainsi dire, en supprimant les dieux et en se contentant des héros, n’oublièrent pas, en adoptant les trois unités d’Aristote, la plus importante et la plus raisonnable, l’unité d’action. Les conditions du théâtre à leur époque leur eussent imposé la simplicité s’ils eussent eu quelque velléité de s’en affranchir. L’intérêt et l’émotion, résultant de complications habiles, ne vont guère sans l’illusion ; et comment l’illusion eût-elle pu se produire sur un théâtre encombré de jeunes seigneurs, souvent bruyants et agités, sur un théâtre où les spectateurs étaient presque mêlés aux acteurs ? La fiction y coudoyait la réalité, et ce voisinage trop immédiat ne pouvait manquer de lui faire tort. Aussi Corneille abandonna-t-il bientôt les complications, qu’il imita d’abord du théâtre espagnol, pour se renfermer dans la simplicité grecque. Racine et ses successeurs prirent le même parti, et cette fois encore la tragédie ne fut qu’une épopée dialoguée.