Aérolithe
- Encyclopédie de famille
Aérolithe. On donne ce nom à des pierres tombées de l’atmosphère, et que l’on désigne encore quelquefois par les noms de bolides, de météorites, de céraunites, de pierres de foudre, de pierres tombées du ciel, de pierres de la lune, de pierres météoriques, d’uranolithes, de botilies, etc. La chute de ces pierres a été longtemps révoquée en doute, en raison de la singularité que présente un pareil phénomène et de l’impossibilité où nous sommes d’en donner une explication satisfaisante. Mais aujourd’hui des exemples nombreux et revêtus de tous les caractères de l’authenticité ne permettent plus d’hésiter à en admettre la réalité. L’analyse chimique démontre l’identité de composition des diverses pierres de cette nature recueillies dans des contrées diverses et à des époques plus ou moins éloignées.
Les aérolithes arrivent dans notre atmosphère sous forme d’une masse d’un volume peu considérable en général. Ce corps s’enflamme brusquement ; il paraît alors comme un globe lumineux qui se meut avec une extrême rapidité, et dont la grandeur apparente est souvent comparée à celle de la lune ; dans sa course il lance des étincelles, laisse après lui une trace brillante, qui paraît être la flamme retenue en arrière par la résistance de l’air ; la clarté très vive qu’il répand se soutient pendant une ou deux minutes environ ; en disparaissant il forme un petit nuage blanchâtre qui, semblable à de la fumée, se dissipe quelques instants après. Aussitôt la lumiere éteinte, deux ou trois détonations pareilles à celles d’un canon de gros calibre se font entendre ; puis elles sont suivies d’un roulement sourd. Ces faits se prolongent suivant la direction que prend l’aérolitne ; là où il passe, on entend dans l’air un sifflement provenant de la rapidité de sa chute. Les aérolithes, dont le nombre et la grosseur varient, sont brûlants à l’instant de leur chute, et répandent une odeur de soufre et de poudre à canon. Ces phénomènes ont lieu sous toutes les latitudes, même en mer. Selon M. Coulvier-Gravier les globes filants, ou bolides, diffèrent des aérolithes ; ils ne passent guère au-dessous de la région des nuages, éclatent sans bruit appréciable et ne montrent aucune trace de fumée. Les plus grands ont à peine six fois le diamètre de Vénus.
On est particulièrement frappé de l’air de famille que présentent les aérolithes tant par leur aspect que par leur composition intime. Leur forme est irrégulière ; leur surface souvent pleine d’aspérités, dont les angles sont émoussés par la fusion. Une sorte d’émail noir les recouvre jusqu’à un millimètre seulement de profondeur ; la cassure est grisâtre, d’un aspect terreux et grenu. Elles sont tantôt dures, tantôt friables ; leur densité moyenne est 3,50. Les substances qu’on a rencontrées dans les aérolithes sont le fer, le nickel, le cobalt, le manganèse, le chrome, le cuivre, l’arsenic, l’étain, la silice, la magnésie, la potasse, la soude, la chaux, l’alumine, le soufre, le phosphore, et le carbone. Le fer et la silice ne manquent dans aucun. « La composition des aérolithes, dit Lecouturier, est presque identique à celle de nos minéraux terrestres, et on y retrouve presque tous les corps qui ont concouru à tormer l’écorce du globe. Leur forme est généralement celle d’un prisme à quatre ou cinq pans inégaux, ou d’une pyramide oblique. En dehors, ils sont entourés d’une écorce noire qui paraît avoir la même composition chimique que le noyau, quoiqu’elle ait été réduite par l’action du feu à l’état de scorie. Cette écorce, d’une extrême minceur, peut présenter des inégalités ; elle est noire et peu brillante, au lieu d’un brun noirâtre, comme si la pierre avait été enduite d’un vernis ; quelquefois elle a un éclat métallique comme du fer fondu et peu oxydé, ou bien l’aspect du bitume ; elle est souvent tellement dure qu’elle fait feu sous le briquet. »
On divise les aérotithes en trois classes : 1° les aérolithes métalliques, composés de fer pur et qui tombent rarement ; 2° les aérolithes pierreux, qui ne renferment que des parcelles de fer disséminées dans une pâte pierreuse ; 3° les aérolithes charbonneux, dont on a encore peu d’exemples constastés.
Quatre théories ont été proposées pour expliquer la formation des areolithes. La première, due à Laplace, les considère comme des corps lances par les volcans de la lune jusque dans la sphère d’activité de l’attraction terrestre. La seconde suppose les éléments qui les composent existant à l’état de gaz et dissémines dans l’atmosphère jusqu’à ce qu’ils éprouvent une condensation subite sous l’influence de certaines causes ignorées de nous. Suivant la troisième, ces pierres se trouvent toutes formées dans les espaces célestes, où elles se meuvent avec une vitesse considérable en vertu des actions planétaires, et l’instant où elles tombent sur la terre est celui où son action sur elles vient à prédominer. Enfin la quatrième les présente comme des fragments de roche lances à une très grande hauteur par nos volcans, et qui, après avoir décrit plusieurs révolutions autour de notre globe, finissent par retomber. Quelque ingénieuses que soient ces théories, elles ne sont cependant que des hypothèses : aussi devons-nous avouer modestement que l’origine des aérolithes est un mystère resté jusqu’ici impénétrable pour nous. On a encore pensé que les aérolithes pouvaient devoir leur origine à quelque secousse convulsive d’une grande planète, ou qu’elles sont les débris de quelque petite planète brisée. « S’il fallait s’en rapporter à une opinion qui s’est fait jour au sein de l’Association britannique, dit Lecouturier, les comètes auraient leurs analogues parmi les phénomènes météorologiques qui frappent nos yeux tous les jours : les étoiles filantes savaient des amas vaporeux semblables aux comètes ; elles auraient l’inconsistance et l’instabilité de ces dernières, comme elles en ont en quelque sorte la forme. Quant aux bolides, ce seraient, au contraire, des corps solides se mouvant à la manière des satellites autour des grands corps planétaires. Suivant M. Petit, de Toulouse, la terre pourrait être, à l’heure qu’il est, accompagnée d’une centaine de bolides qui formeraient autant de lunes invisibles pour nous. Sir John Herschel admet l’existence de semblables satellites : il explique de plus que, brillant par l’éclat de la lumière réfléchie, ceux qui sont les plus rapprochés de la terre peuvent devenir visibles pour nos yeux pendant quelques instants, mais qu’en pénétrant dans l’ombre de notre planète ils se trouvent bientôt éclipsés. Les bolides deviendraient pour nous ces pierres tombées du ciel que nous appelons aérolithes, lorsque, déviés de leur orbite par l’attraction de la terre, ils sont attirés dans notre atmosphère, où ils s’enflamment par le frottement de l’air, et tombent définitivement sur notre sol sous forme de masses pierreuses. En général, un bolide éclate en l’air pour tomber sur le sol comme une pluie de pierres : tel fut le cas des aérolithes de Laigle ; mais il en est d’autres qui tombent sans se briser. Si quelques-uns de ces bolides sont de dimensions fort restreintes, il en est d’autres qui sont énormes. Ainsi celui qui tomba en 1807 dans l’État de Connecticut, aux États-Unis, était, dit-on, avant sa fracture trois ou quatre fois gros comme le bâtiment de l’Observatoire de Paris. »
Le chimiste anglais Howard a dressé une liste chronologique des pierres tombées du ciel depuis les temps les plus reculés jusques et y compris l’année 1818. Cette liste a été continuée jusqu’en 1824 par Chladni. Depuis, beaucoup d’autres chutes d’aérolithes ont été constatées. Nous citerons seulement quelques-unes de ces pierres.
Du temps d’Anaxagore une pierre noirâtre, de la dimension d’un enar, tomba près du fleuve Ægos-Potamos en Thrace. Cette pierre se voyait encore’ en ce lieu à l’époque de l’empereur Vespasien. Il y avait des pierres météoriques dans le gymnase d’Abydos, et dans la ville de Cassandre en Macédoine. Pline dit avoir vu lui-même une de ces pierres tomber dans la campagne des Vocontiens, dans la Gaule narbonnaise. Le 7 novembre 1492, entre onze heures et midi, presque sous les yeux de l’empereur Maximilien Ier, une pierre pesant 260 livres tomba à Ensisneim, en Alsace : l’empereur la fit processionnellement transporter dans le chœur de l’Église de cette ville, où elle resta jusqu’au moment où elle fut placée dans le musée national de Colmar, d’où elle retourna plus tard à Ensisheim. Elle est maintenant réduite au poids de 150 livres, probablement en raison du grand nombre de fragments qu’on en a successivement détachés. Klaproth ayant analysé un morceau de cette pierre, y trouva une grande quantité d’aluminium, substance qui n’avait pas encore été reconnue dans les analyses de ce genre. Le 26 mai 1751 deux masses de fer tombèrent à Hradschina, près d’Agram, capitale de la Croatie. De ces deux masses, l’une pesait 71 livres, et l’autre 16 livres seulement : la plus grosse est actuellement à Vienne. La pierre qui tomba, près de Lucé, le 13 septembre 1768, fut analysée par Lavoisier. Les douze pierres qui tombèrent aux environs de Sienne, le 16 juin 1794, furent analysées par Howard et Klaproth. Le 26 avril 1803 une pluie de pierres tomba en plein jour sur la petite ville de Laigle en Normandie. L’autorité locale dressa procès-verbal de l’événement, qui ne peut être mis en doute. On ramassa plus de deux mille aérolithes sur un espace de 11 kilomètres au-dessus duquel le météore avait passé. Plusieurs musées s’en procurèrent des échantillons. M. Biot, délégué par la classe des sciences de l’Institut, rédigea une relation des faits constatés par lui. L’explosion qui accompagna cette pluie de pierres se fit entendre avec violence et suivit l’apparition d’un globe enflammé qui parcourut l’atmosphère avec une très grande rapidité. Le 23 novembre 1810 il y eut encore une pluie de pierres à Charsonville, près d’Orléans. Il y en avait plusieurs du poids de 20 livres et une an poids de 40. Le 10 août 1818 une pierre tomba à Slobodka, dans la province de Smolensk, en Russie, et pénétra d’environ seize pouces dans le sol ; elle pesait 7 livres, et avait une croûte brune parsemée de taches plus foncées. Le 5 juin 1821 il tomba à Privas un aérolithe qui pesait 92 kilogrammes ; et qui s’enfonça de 2 décimètres en terre. On le conserve aujourd’hui dans la galerie minéralogique du Muséum d’histoire naturelle à Paris. Vers la fin de janvier 1824 il y eut une chute d’un grand nombre de pierres près d’Arenazzo, dans le territoire de Bologne. Une de ces pierres, pesant douze livres, est conservée dans l’observatoire de Bologne. Le 14 octobre 1824 il tomba près de Zébrack, cercle de Béraun, en Bohême, une pierre qui est conservée au muséum national de Prague.
Il existe aussi dans différentes collections des masses de fer auxquelles on peut attribuer une origine météorologique : tels sont la masse vue par Pallas à Krasnoïark, en Sibérie ; un fragment existant dans le cabinet impérial de Vienne, et venant peut-être de la Norvège ; une petite masse, du poids de 4 livres, conservée actuellement à Gotha. La seule chute connue de masses solides dans lesquelles le fer existe en rhomboïdes ou en octaèdres, et composées de couches ou feuilles parallèles, est celle qui eut lieu â Agram en 1751. Quelques autres masses semblables ont été trouvées sur la rive droite du Sénégal, au cap de Bonne-Espérance, et dans différentes localités du Mexique. Dans la province de Bahia, au Brésil, il y a une masse de ce genre de 2m,33 de long, 0m,66 de large, et 1m,33 d’épaisseur : son poids est d’environ 7,000 kg. Aux environs de Bitbourg, non loin de Trêves, on en a trouvé une qui pèse 1,650 kg. Dans la partie orientale de l’Asie, non loin de la source du fleuve Jaune, on dit avoir rencontré une masse d’environ 13 mètres de hauteur, et les Mongols, qui l’appellent khadasut filao, c’est-à-dire roche du pôle, prétendent qu’elle tomba à la suite d’un météore de feu. Une masse ne contenant pas de nickel, mais de l’arsenic, a été trouvée à Aix-la-Chapelle ; une autre, sur la colline de Brianza, dans le Milanais ; une autre, à Groskamsdorf : cette masse, oui, d’après Klaproth, contenait un peu de plomb et de cuivre, a été fondue, suivant toutes les apparences, de manière que les morceaux conservés à Freyberg et à Dresde ne sont que de l’acier fondu qu’on a substitué à la masse primitive.
Le 6 avril 1857 un aérolithe tomba, entre quatre et cinq heures du soir, dans les environs d’Andolsheim, arrondissement de Colmar. Au mois de novembre de la même année M. Séguier présenta à l’Académie des sciences un aérolithe de la grosseur du poing, tombé le 1er octobre dans la commune des Ormes (Loiret). Dans la soirée du 13 septembre 1858 on vit un énorme bolide à Hédé (Ille-et-Vilaine) et à Bernières, près Vire (Calvados). Le 9 décembre 1858, vers sept heures et demie du matin, deux aérolithes tombèrent dans le canton de Montréjeau, à Aussun et Clarac. En tombant dans une prairie avec la rapidité de la foudre, l’aérolithe d’Aussun fit voler la terre et le gazon et causa une secousse telle que les croisées et les murs d’une maison éloignée de 300 mètres en furent ébranlés. Il fit dans la terre végétale un trou de 30 à 40 centimètres de diamètre et de 1 mètre et quelques centimètres de profondeur. Il pesait de 40 à 45 kilogrammes avant d’être partagé. Celui de Clarac, dont le poids devait être de 8 à 10 kilogrammes, risa le chevron d’une maison sur laquelle il tomba. Il était tellement chaud que les gens du village, accourus en masse pour s’en emparer, ne purent y toucher. À peine refroidi, il fut brisé à coups de marteau ; il avait auparavant la forme d’un petit pain. Enfin, un trou semblable à celui de la prairie d’Aussun fut indiqué dans la commune de Cassaguabère, et d’autres bolides ont été vus le même jour et à la même heure dans plusieurs autres endroits. L’aérolithe d’Aussun, au moment où on l’a extrait de la terre, répandait une odeur forte et désagréable. Comme celui de Clarac, il paraissait formé d’une pâte assez semblable à celle des rochers volcaniques. Avant l’explosion du bolide qui a fourni ces deux aérolithes, on l’a vu s’arrêter et se balancer quelques instants dans le ciel, puis un jet considérable de fumée et de feu se dégagea du noyau avec quelques étincelles, source sans doute des petits fragments qui ont accompagné l’aérolithe de Clarac.
D’autres bolides furent observés à Martigues et à Aix le 18 février 1859, à onze heures et demie du soir ; à Mulhouse et à Thann le 20 janvier 1860, à quatre heures quarante-trois minutes du matin. Un autre bolide, de forme conique, de couleur jaunâtre et répandant un vif éclat, apparut à Cherbourg au mois d’août 1864, dans la région du sud, à peu de degrés au dessus de l’horizon. Son mouvement était peu rapide. Il éclata en l’air comme une fusée d’artifice en produisant un tourbillon d’étincelles. Le 24 septembre de la même année, on observa un bolide dans le département de la Creuse, à Mont-de-Marsan et aux îles Baléares. Il avait la forme d’une longue flamme et était près de l’horizon. Un autre bolide fut remarqué à Rodez le 11 novembre, à cinq heures quarante minutes du soir : sa vitesse était très considérable ; un nuage persistant cinq minutes s’est montré après le passage du projectile ; il était composé d’une multitude d’étincelles qui sont tombées lentement vers la terre ; leur couleur était d’abord celle du rouge cerise et ensuite elle est devenue rouge sombre. D’autres bolides ont été aperçus à Paris le 29 novembre, le 4 et le 9 décembre 1864, et le 18 février 1865. L’un avait l’apparence d’une grosse fusée, un autre la forme d’une grosse orange et laissa derrière lui une traînée d’étincelles multicolores.
En 1863 le Muséum d’histoire naturelle de Paris a fait appel à tous ceux qui ont connaissance de l’existence de fragments de pierres ou fers météoriques, tombés soit en France, soit à l’étranger, afin d’en réunir une collection aussi complète que possible. Parmi les pierres envoyées au Muséum de Paris, il faut citer l’aérolithe de Vouillé, tombé le 18 juillet 1831, et qui faisait un des plus curieux objets du musée de Poitiers. Le diamètre de cet aérolithe est de 66 centimètres. Sa chute fut accompagnée de trois détonations, suivies d’un sifflement. Le corps s’enfonça à 45 centimètres dans le sol, et la pierre du sous-sol fut brisée.
Trois capitales étrangères possèdent déjà des collections de ce genre, et l’intérêt de ces spécimens gagne beaucoup à leur réunion. Le Musée britannique contient un grand nombre de ces pierres ; le musée de Vienne, plus riche encore, en possède cent dix-neuf.
Le 14 mai 1864, à huit heures du soir, des bolides furent aperçus à Périgueux, à Agen, à Marmande et à Bordeaux. On trouva un aérolithe à Orgueil (Tarn-et-Garonne). Ce corps appartient à un type très rare dans les pierres météoriques, le type charbonneux. On n’en connaissait que trois de cette nature ; celui-ci est le quatrième : il renferme 6 pour 100 de carbone à l’état de graphite, 5 pour 100 de chlorures solubles dans l’eau, parmi lesquels prédomine le chlorhydrate d’ammoniaque. Une circonstance remarquable dans l’apparition de ce météore, c’est qu’il s’est écoulé un très long intervalle entre le moment où il a été vu et la détonation ; il est question de 3, 5 et même 10 minutes, après lesquelles trois détonations très violentes ont été entendues. Des échantillons importants de cet aérolithe ont été envoyés au Muséum d’histoire naturelle. Cet établissement s’est encore enrichi de morceaux de météorites provenant d’autres chutes et de différents pays, et notamment du principal morceau des météorites de Laigle, pesant 6 kg 170 g.
Le 17 novembre 1864 un aérolithe d’assez forte dimension tomba dans un bois situé près du village de Canquillac, et produisit en tombant une assez forte secousse, mais sans détonation» Enfin un aérolithe tombé à Cholula a été envoyé à Mexico à la fin de 1864, et placé au musée impérial. Il pesait 39 arobes ou 975 livres.