Agrigente
- Géographie et Histoire
- L. Renier
- Encyclopédie moderne
Agrigente. Cette ville, l’une des plus célèbres de celles que les Grecs fondèrent en Sicile, occupait une position avantageuse au pied des montagnes qui regardent la mer d’Afrique, et au sommet d’un escarpement situé au confluent de deux petites rivières, l’Hypsas et l’Acragas, qui l’entouraient presque entièrement de leurs eaux ; elle possédait, à l’embouchure de la seconde, qui lui avait donné son nom, un port de commerce, et était ornée d’un grand nombre de temples, de tombeaux, de statues et de monuments de toute espèce, dont il reste encore des ruines imposantes. Voici la description que Polybe a faite de cette ville, à la fin de la troisième guerre punique : « Située à dix stades de la côte, Agrigente jouit de tous les avantages que procure le voisinage de la mer ; la nature et l’art ont admirablement fortifié son enceinte : ses murs sont assis sur un rocher élevé, dont l’escarpement naturel a été augmenté encore par le travail. Deux fleuves l’entourent ; l’un, qui se nomme comme elle Acragas, la baigne à l’orient ; l’autre, l’Hypsas, coule au couchant, et du côté du vent d’Afrique. La citadelle domine la ville au midi. Elle est entourée du côté extérieur, de précipices infranchissables ; un seul chemin y conduit de la ville. Au sommet se trouvent le temple de Minerve et celui de Jupiter Atabyrius. Agrigente étant une colonie de Rhodes, on ne doit pas s’étonner que Jupiter y soit adoré sons le même nom que dans cette ville. Du reste, Agrigente contient d’autres temples et de nombreux et magnifiques portiques. Le temple de Jupiter Olympien n’est pas encore achevé ; mais il est d’une étendue et d’une élévation étonnantes ; aucun édifice de la Grèce ne peut lui être comparé sous ce rapport. »
Un autre écrivain de l’antiquité, Diodore de Sicile, nous a laissé de ce temple une description que nous croyons devoir aussi reproduire : « La construction des temples des Agrigentins, dit cet historien, et particulièrement de celui de Jupiter Olympien, fait connaître quelle était la magnificence des hommes de cette époque. La plupart des autres temples ont été rasés ou brûlés dans les prises fréquentes de cette ville, et les mêmes guerres renouvelées jusqu’à sa destruction entière ont toujours empêché qu’on ait posé le comble sur le temple de Jupiter. Ce monument a 340 pieds de longueur, 160 pieds de largeur, et 120 pieds de hauteur, jusqu’à la naissance du comble. Il est le plus grand de tous les temples de la Sicile, et on peut à cet égard le comparer avec les plus beaux qui existent ; car, bien qu’il n’ait jamais été achevé, il paraît parfait dans son ensemble. Mais au lieu que les autres temples sont soutenus seulement par des murs ou par des colonnes, on a réuni dans celui-ci les deux pratiques d’architecture sans les séparer ; en effet, on a placé dans l’épaisseur des murs, d’espace en espace, des piliers qui ressortent en dehors, comme des colonnes arrondies, et qui en dedans ont la forme de pilastres taillés carrément. En dehors, les colonnes ont 20 pieds de tour ; elles sont cannelées, et un homme peut se placer dans une de ces cannelures. Les pilastres intérieurs ont 12 pieds de largeur. Les portes (ou, suivant une autre version, les portiques) sont d’une beauté et d’une magnificence prodigieuses. Sur la façade du côté de l’orient, on a représenté en sculpture un combat de géants, admirable par la grandeur et l’élégance des figures. Du côté de l’occident, on voit la prise de Troie et on y distingue les héros par la différence de leurs habillements et de leurs armes. » L’examen des ruines de cet édifice a démontré l’exactitude de cette description, à laquelle il manque cependant un trait : l’historien ne parle pas de magnifiques cariatides de 20 pieds de haut, que l’on a retrouvées parmi les décombres. Trois de ces figures colossales, encore debout au quatorzième siècle, avaient fait donner à ces ruines le nom de temple des Géants, et fourni le sujet des armes de Girgenti, où l’on remarque des géants avec cette légende :
Signat Agrigentum mirabilis aula Gigantum.
Sur l’emplacement du temple de Vulcain, on ne voit plus que deux colonnes à demi abattues ; le temple d’Hercule est un amas, de décombres, entassés au pied d’une cotonne cannelée, encore debout. Presque tous les autres monuments sont dans une dégradation pareille : ceux qui sont demeurés dans le meilleur état sont le temple de la Concorde, entouré d’un portique d’ordre dorique, et semblable, du moins pour l’apparence générale, au Parthénon d’Athènes ; et le temple de Junon Lucine, dont une grande rangée de colonnes subsiste encore en entier. Le monument connu sous le nom de tombeau de Théron est presque intact ; c’est un édifice carré, orné de colonnes aux quatre angles, et d’un style élégant, quoique d’une époque relativement récente. Un très grand nombre de tombeaux, creusés pour la plupart dans le rocher, sont dispersés sur la pente des collines. Quant au fameux réservoir de sept stades de circuit et de vingt coudées de profondeur, qui formait comme un lac artificiel dans la partie occidentale de la ville, on n’en retrouve pas même la place. Cette piscine était alimentée par un courant d’eau vive ; de nombreux poissons se jouaient dans son bassin limpide, et des cygnes, entretenus au dépens de la ville, habitaient en paix sur ses flots ; les habitants venaient se promener sur ses bords et goûter dans ce bel endroit, qui n’était pas un des moindres ornements de leur ville, une agréable fraîcheur ; mais déjà au temps de Diodore, les ravages de la guerre avaient renversé l’aqueduc qui amenait les eaux ; le bassin était à sec, et des jardins en occupaient la place.
Nous avons vu Polybe donner à Agrigente une origine rhodienne. Une autre opinion attribue la fondation de cette ville aux habitants de Gela, qui y auraient envoyé une colonie vers la cinquantième olympiade (environ 580 ans av. J. C.).