Albatros
- Histoire naturelle
- Bory de Saint-Vincent
- Encyclopédie moderne
Albatros. Il est peu de relations de voyages de long cours où l’on ne trouve le nom de cet oiseau, désigné vulgairement par les matelots sous le non de mouton du Cap, que lui valurent sa taille et sa couleur. L’albatros est le plus gros des oiseaux de mer ; et malgré son volume, qui semblerait devoir le condamner à ne pas quitter la surface des eaux, où ses pieds palmés, lui facilitent les moyens de nager comme les canards, l’albatros est encore l’un, des oiseaux qui volent le mieux et le plus longtemps. C’est vers le tropique méridional et surtout lorsqu’on double le midi de l’Afrique, que les marins commencent à en rencontrer l’espèce la plus commune, espèce à laquelle Linné imposa le nom de Diomedea exulans. Ce grand naturaliste, qui fit un usage si heureux de la nomenclature des héros d’Homère et de tous les personnages de la mythologie, voulut faire allusion parce choix à la métamorphose des compagnons de Diomède ; en effet, l’on a vu souvent des albatros, fatigués d’un trajet de quatre cents lieues, se posant en grande quantité sur les agrès d’un vaisseau, y rappeler ces guerriers grecs que l’imagination brillante du poète fit sortir de leur flotte pour venger une divinité irritée, et qui furent métamorphosés en oiseaux.
L’albatros qu’on trouve au cap de Bonne-Espérance a le corps très gros, le bec très fort, le dos couvert de plumes roussâtres, et les parties inférieures, qu’il présente pendant son vol, d’un blanc assez pur ; ses ailes ont plus de quatre pieds d’ouverture d’une pointe à l’autre : l’animal ne craint pas, avec leur secours, de s’éloigner du rivage à d’énormes distances. Il est fort vorace et enlève les poissons volants au moment où, quittant la vague dans l’épaisseur de laquelle un autre ennemi les poursuivait, ils croyent échapper à la mort par les routes de l’air. L’albatros n’attend quelquefois pas que sa victime soit exondée ; il la saisit dans l’eau, quand il ne préfère pas s’emparer de la dorade ou du scombre qui poursuit une proie trop chétive.
Nous avons vu des albatros posés sur l’eau, non comme y sont ordinairement les oiseaux aquatiques avec les parties inférieures et les pattes plongées, mais leurs larges pieds ouverts, étendus à la surface des vagues comme ceux des autres palmipèdes le sont sur l’arène du rivage quand ils s’y arrêtent ; dans cette position, l’albatros peut reprendre aisément son vol, ce qu’il fait en étendant peu à peu ses ailes et en les agitant quelque temps pour prendre l’air nécessaire à son ascension sans mouiller ses remiges.
La chair de l’albatros est dure et son goût est désagréable ; cependant elle a quelquefois été d’un grand secours à des marins, qui, après de longues privations, préféraient la chair fraîche aux viandes salées, dont on se fatigue sitôt dans une traversée. L’albatros vient pondre sur les côtes désertes et s’y construit en argile de grands nids fort élevés, où la femelle dépose une plus grande quantité d’œufs que n’en pondent ordinairement les grands oiseaux, On connaît deux autres espèces de ces oiseaux, dont l’une habite les mers de la Chine.