Alcibiade

  • Encyclopédie de famille

Alcibiade, fils de Clinias et de Dinomaque, naquit à Athènes vers l’an 450 avant J.-C. Il perdit son père à la bataille de Chéronée, et fut ensuite élevé dans la maison de Périclès, son grand-père maternel. Alcibiade annonça dès son premier âge ce qu’il serait dans la suite. Un jour il jouait aux dés dans la rue avec quelques enfants de son âge ; un chariot survient : il prie le conducteur d’arrêter ; et, sur le refus de celui-ci, il se jette devant la roue, et s’écrie : « Avance maintenant, si tu l’oses ! » Il s’essaya avec succès dans tous les genres d’étude et dans tous les exercices gymnastiques. Sa beauté, sa noblesse, le rang de Périclès, son tuteur, lui attirèrent une foule d’amis et d’admirateurs. Socrate lui avait accordé son amitié, et espérait par ce moyen le diriger vers le bien. En effet, il obtint une grande influence sur lui, et, au milieu de sa vie dissipée, Alcibiade revenait toujours vers le philosophe. Il fit ses premières armes dans l’expédition entreprise contre Potidée, et il y fut blessé ; Socrate, qui combattait à ses côtés, le défendit et le ramena. À la bataille de Délium, il se distingua dans les rangs de la cavalerie, qui combattit victorieusement ; mais après la défaite de l’infanterie, il fut obligé de fuir avec le reste de l’armée. Dans sa fuite, il rencontra Socrate, l’accompagna et veilla à sa sûreté.

Tant que vécut Cléon, Alcibiade ne se fit connaître que par son luxe et sa prodigalité. Après la mort de Cléon (422 ans avant J.-C.), Nicias réussit à faire conclure la paix entre les Athéniens et les Lacédémoniens, Alcibiade, jaloux de l’influence de Nicias, parvint à la faire rompre. Il commanda à diverses reprises les flottes athéniennes qui ravageaient le Péloponnèse. À son retour, il se livra plus que jamais à toutes sortes d’excès. Un jour, il fit le pari de donner un soufflet au riche Hipponicus, et il le lui donna en effet ; mais Alcibiade se rendit ensuite chez l’offensé, et l’invita à le punir à coups de verges. Ce repentir apaisa Hipponicus, qui dans la suite lui donna en mariage sa fille Hipparète, avec une dot de dix talents. Le mariage ne le corrigea pas de sa légèreté et de sa prodigalité. Celle-ci éclata surtout aux jeux Olympiques, où il parut dans la lice, avec sept chars, et où il remporta les trois premiers prix. Il triompha aussi aux jeux isthmiques et aux jeux Néméens. Il passait les jours et les nuits en banquets et se parait avec ostentation de magnifiques robes de pourpre. Il avait un chien qui lui avait coûté fort cher. Quand tout le monde l’eut admiré, il lui coupa la queue. On lui demandait pourquoi il avait privé son chien d’un si bel ornement, « Tant que les Athéniens s’occuperont de mon chien, répondit-il, ils ne diront rien de pis sur mon compte. » Il s’attira la haine d’un grand nombre de ses concitoyens, et il aurait succombé à l’ostracisme. si, de concert avec Nicias et Phœax, qui craignaient le même sort que lui, il n’avait si bien pris ses mesures qu’il fit condamner à l’exil celui-là même qui comptait le renverser.

Peu de temps après, les Athéniens résolurent une expédition contre la Sicile, et le nommèrent général en chef, avec Nicias et Lamachus. Pendant qu’on faisait les préparatifs, les statues de Mercure furent toutes mutilées en une seule nuit. Les ennemis d’Alcibiade firent tomber sur lui le soupçon de ce crime. Alcibiade avait déjà obtenu de brillants succès en Sicile lorsqu’il reçut l’ordre qui le rappelait pour passer en jugement. Il obéit, et s’embarqua ; mais arrivé à Thurium, il descendit à terre et se cacha. Athènes le condamna à mort. « J’apprendrai aux Athéniens que je vis encore, » s’écria-t-il. Il passa d’abord à Argos, puis à Sparte, où il sut si bien se plier aux mœurs sévères du pays que là aussi il devint le favori du peuple. Il réussit donc à engager les Lacédémoniens dans une alliance avec le roi de Perse, et, après l’issue malheureuse de l’expédition des Athéniens contre la Sicile, il les détermina à secourir les habitants de Chios pour les délivrer du joug d’Athènes. Il s’y rendit lui-même. À son arrivée dans l’Asie Mineure, il souleva toute l’Ionie contre les Athéniens. Mais Agis et les premiers personnages de Sparte furent jaloux de ce succès, et ordonnèrent aux généraux qui commandaient en Asie de le faire tuer. Alcibiade découvrit leur projet, et se rendit auprès de Tissapherne, satrape du roi de Perse. Là, il changea encore une fois de mœurs, se plongea tout entier dans le luxe de l’Asie, et sut se rendre indispensable au satrape. Il représenta à Tissapherne qu’il serait contraire aux intérêts du grand roi d’épuiser entièrement les Athéniens ; qu’il vidait bien mieux affaiblir Athènes et Sparte l’une après l’autre. Tissapherne suivit ce conseil, et laissa quelque répit aux Athéniens. Ces derniers avaient alors des forces assez considérables à Samos. Alcibiade fit dire aux généraux que s’ils promettaient d’arrêter la licence du peuple et de remettre l’autorité aux mains des grands, il leur concilierait l’amitié de Tissapherne, et empêcherait la jonction de la flotte phénicienne avec la flotte des Lacédémoniens. Ces conditions furent acceptées par les généraux, et ils envoyèrent à Athènes Pisandre, l’un d’eux, qui fit remettre le gouvernement à un conseil composé de quatre cents personnes ; mais comme les membres de ce conseil ne songeaient pas à rappeler Alcibiade, l’armée de Samos lui déféra le commandement, et le chargea d’aller à Athènes pour renverser les tyrans. Auparavant il attaqua la flotte des Lacédémoniens, et la battit complètement. Il retourna ensuite auprès de Tissapherne, et ce satrape le fit arrêter à Sardes pour n’être pas soupçonné par le roi de Perse d’avoir pris part à cette expédition ; mais Albiciade trouva moyen de s’échapper, se mit à la téte de l’armée, défit les Lacédémoniens et les Perses près de Cyzique, sur terre et sur mer, enleva Cyzique, Chalcédoine et Byzance, rendit aux Athéniens l’empire des mers, et retourna enfin dans sa patrie, où il avait été rappelé sur la proposition de Critias. Il y fut reçu avec un enthousiasme universel, parce que les Athéniens avaient considéré son exil comme la source de tous leurs malheurs.

Cependant ce triomphe fut de courte durée. On l’envoya de nouveau en Asie avec cent vaisseaux ; mais comme il ne recevait pas d’argent pour la solde de ses troupes, il se vit contraint d’aller chercher des secours en Carie, et confia le commandement pendant son absence à Antiochus, qui se laissa attirer par Lysandre dans une embuscade, où il perdit la vie avec un grand nombre de ses vaisseaux. Les ennemis d’Alcibiade profitèrent de cet accident pour l’accuser et pour foire nommer d’autres généraux. Alcibiade se rendit à Pactyes, dans la Thrace, y rassembla des troupes, et fit la guerre aux peuples libres de cette contrée. Il étonna par son intempérance les rois de ce pays, jaloux de voir qu’il supportait encore mieux qu’eux l’excès du vin. Il fit un butin considérable, et assura le repos des villes grecques voisines. La flotte athénienne était alors à Ægos-Potamos. Il avertit les généraux du danger qui les menaçait, leur conseilla d’aller à Sestos, et leur offrit son secours pour forcer le général Spartiate Lysandre à une bataille ou à la paix ; mais ils n’écoutèreut pas ces propositions, et furent bientôt complètement battus. Alcibiade, qui craignait la vengeance des Lacédémoniens, se retira en Bithynie, d’où il voulait passer à la cour du roi de Perse. Les trente tyrans que Lysandre avait établis à Athènes après la conquête de cette ville avaient prié ce général de faire tuer Alcibiade ; Lysandre refusa de se rendre à ce désir, jusqu’à ce qu’il reçût le même ordre de sa patrie. Il en confia l’exécution à Pharnabase. Alcibiade se trouvait alors en Phrygie. Les émissaires de Pharnabaze mirent le feu à sa demeure pendant la nuit, et le tuèrent à coup de flèches au moment où il venait d’échapper à l’incendie.

Ainsi mourut Alcibiade, 404 ans avant J.-C. La nature l’avait orné de ses dons les plus rares ; il possédait à un haut point le talent de séduire et de dominer les hommes, et son éloquence était entraînante, quoiqu’il ne pût prononcer la lettre r et qu’il bégayât.