Alemanni

  • Géographie et Histoire
  • Amédée Tardieu
  • Encyclopédie moderne

Alemanni. La première ligue que formèrent les peuples germains pour résister aux Romains fut celle des Alemanni. On trouve ce nom mentionné pour la première fois par Aurelius Victor et Spartien à l’occasion d’une expédition de Caracalla, au commencement du troisième siècle. Suivant Asinius Quadratus, historien de cette époque, qui avait traité des guerres de Germanie, et dont Agathias nous a conservé le témoignage, cette nation était un mélange de tous les peuples germains. Aucun autre écrivain de l’antiquité ne parle de l’origine de cette confédération ; et on a longtemps accepté l’opinion de Quadratus, que l’étymologie d’ailleurs semblait justifier et confirmer. Quelques savants cependant, remarquant que ce peuple habitait dans le principe vers les sources du Danube, l’ont fait descendre de ces Gaulois qui vinrent occuper le canton évacué par les Marcomans sous le règne d’Auguste, et appelé Decumates agri. C’est pour cela que Wachter, l’auteur du Glossarium Germanicum, et Adelung dérivent le nom des Alemanni du mot celtique elmyn, hôte, étranger. Mais d’Anville (États formés en Europe après la chute de l’empire romain en Occident, p. 12-15), s’appuyant sur deux passages positifs de Paul diacre (liv. II, c. 15 ; liv. III, c. 18), établit que les Alemanni étaient plutôt Suèves que Gaulois ; et cette opinion a prévalu parmi les historiens modernes. Ainsi Pfister, dans son Histoire d’Allemagne et dans le livre spécial intitulé Geschichte von Schwaben, a développé cette opinion de d’Anville. Il nomme cette confédération suève-alemannique, reconnaît dans les Alemanni ces hordes suèves, qui déjà, antérieurement au règne de Marc-Aurèle, avaient ravagé la Rhétie et pénétré en Italie, les distingue avec soin des Marcomans, des Cattes, et signale les Hermondures comme étant la tribu principale de cette confédération ; enfin, par la comparaison de leurs lois avec les autres codes barbares, il prouve que les Aleihanni, au lieu d’être une nation mélangée, représentent exactement les anciens Suèves. Entre autres tribus appartenant à cette confédération, on peut citer encore les Juthonges et les Bucénobantes. Des sources du Danube, les Aleinans s’avancèrent successivement sur les rives du Mayn et jusqu’à la frontière du Rhin, qu’ils ne cessèrent d’attaquer dans le troisième et le quatrième siècle ; d’un autre côté, ils se portèrent vers le lac de Constance et s’établirent dans la Vindélicie : de là ils pénétrèrent souvent en Rhétie et même en Italie. Ils devinrent ainsi limitrophes des Burgundes, qui occupaient l’Helvétie ; ils firent quelques courses dans ce pays, mais n’y formèrent aucun établissement ; et Servius s’est trompé en les plaçant dans le voisinage du lac Léman : populi habitantes juxta Lemanum lacum Alemanni dicuntur (ad Virg. Georg. IV. 278) ; quelques historiens modernes ont même aggravé cette erreur en cherchant dans ce passage de Servius la raison et l’étymologie du nom des Alemanni. Les empereurs parvinrent à protéger la frontière du Rhin contre leurs incursions, mais ne purent les chasser des environs du lac de Constance, et, au cinquième siècle, les Alemanni sont définitivement établis derrière les Burgundes, sur les deux rives du Rhin supérieur, jusqu’au confluent du Mayn, et quelques-unes des tribus suéviques, comme les Juthonges, se sont fixées dans la Rhétie et le Norique : Ammien Marcellin dit en parlant des Juthonges : Alamannorum pars italicis contermina tractibus (I. XVII). Les Alemanni avaient aussi envahi une partie de la Gaule, qui fut appelée au moyen âge Elisatia (Il sassen, habitants sur l’Ill) ; c’est ce qui fait dire à Guillaume le Breton, dans la vie de Philippe-Auguste, que l’Alemannie touchait aux Vosges : Vosegos tangens Alemannia fines. Ce fut de là que Clovis les chassa. Ou ne sait si, après la victoire de Tolbiac, il pénétra dans leur pays et le soumit entièrement, ou si les Alemanni s’associèrent volontairement aux conquêtes des Francs ; quoi qu’il en soit, sous les Mérovingiens, on les voit toujours mêlés aux armées frankes : ainsi ils accompagnent Théodebert en Italie ; Leutharis et Bucelin étaient Alemanni d’origine. Du reste, les seuls détails que donne l’histoire sur la situation de l’Alemannie une fois soumise aux Mérovingiens, se trouvent rassemblés et éclaircis dans l’ouvrage de J. Mascov (Geschichte der Deutschen bis zum Abgang der Mero ving. Kœnige. Leipzig, 1726-37). Cette province était, après la France orientale, celle que les rois de la seconde race aimaient le plus et où ils résidaient de préférence ; elle n’avait pas de capitale, mais un grand nombre de fermes royales, qui furent érigées ensuite en villes de l’empire et qui se trouvaient surtout dans les environs du lac de Constance. Ce fut aussi dans l’Alemannie que les messagers de la chambre impériale se maintinrent le plus longtemps. Quant au nom même d’Alemannie, il se conserva jusqu’au milieu du dixième siècle ; alors le nom de Souabes, Schwaben, qui reproduit l’ancien nom de Suèves, prévalut dans ce pays, en même temps que le pouvoir ducal s’y établissait sous le règne de Conrad Ier. Alors aussi, deux duchés sortirent de l’ancienne confédération suève-alemannique, celui de Souabe et celui de Bavière, séparés l’un de l’autre par le Lech ; mais la Souabe est le pays qui correspond précisément à l’ancienne Alemannia.