Alênier
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Alênier, fabricant d’alênes. L’alêne est un poinçon droit ou courbe destiné à percer le cuir pour le coudre. Ce petit outil, peu important au premier coup d’œil, est cependant un exemple frappant de la perfection qu’amène successivement une industrie longtemps exercée, dans les instruments des arts, comme dans les produits des fabriques.
Les premières alênes étaient droites, c’étaient tout simplement de petites pointes de forme conique qui faisaient un trou rond dans le cuir. On ne tarda pas à s’apercevoir que cette forme était mauvaise, parce que, le trou n’étant jamais rempli qu’à moitié par les deux fils qu’on y fait entrer simultanément pour coudre le cuir, il restait de chaque côté un vide latéral qui rendait la couture lâche, peu adhérente et d’un effet désagréable à la vue.
Le premier perfectionnement fut d’aplatir le poinçon conique en lui donnant une forme ovale dans sa coupe. Ensuite on trouva plus avantageux de le limer à quatre faces en forme de losange, dont les angles sont tranchants, comme on les voit aujourd’hui ; l’outil perce mieux le cuir sans le forcer ni le déchirer, et le trou relient plus fortement la couture : mais l’alêne était toujours droite. On ne pouvait percer de trous sans refouler le cuir vers les bords, auxquels on donnait ainsi une forme ondulée ou festonnée que le tranchet redressait ensuite, mais aux dépens de la solidité. L’alêne droite d’ailleurs ne pouvait servir que pour les coutures saillantes ; elle devenait d’un usage incommode pour les autres, et surtout pour celles que l’on voulait masquer ; on imagina donc de courber l’alêne et de s’en servir en tournant sa convexité du côté opposé au bord du cuir. Il n’y eut plus de refoulement vers le bord, et l’alêne put pénétrer partout. Un autre perfectionnement non moins utile consisterait à donner exactement la même courbure à toutes les alênes. On éviterait par là un grave inconvénient qui se renouvelle toutes les fois qu’un ouvrier casse ou perd son alêne, et qu’il est obligé d’en prendre une autre qui se trouve très rarement de la même forme que la première : pour percer chaque trou, l’ouvrier est obligé de donner un tour de main particulier qui dépend de la courbure de son outil ; il en prend bientôt l’habitude, et la couture va très vite : mais s’il est réduit à changer d’alêne, celle-ci n’ayant pas la même courbure que la première, il faut qu’il change son tour de main ; il devient gauche, maladroit, et se désespère tout le temps que dure ce nouvel apprentissage. Il serait facile de lui épargner ce désagrément en donnant aux alênes une courbure uniforme ; ce qui ne souffre d’ailleurs aucune difficulté, comme on le verra.
Les alênes sont en acier et se font à la forge et à la lime ; on commence par les faire droites, et on les courbe ensuite. Pour cela les uns les frappent avec un petit maillet de bots sur un tasseau de plomb, mais ils n’obtiennent jamais par ce moyen des alênes d’une forme semblable. D’autres ont un mandrin creusé suivant la forme de l’alêne et qui leur sert de matrice ; ils les courbent dans ce mandrin à l’aide d’un petit maillet, et pour peu qu’ils y apportent de soin, les alênes qui sortent de la même fabrique ont à peu de chose près une courbure uniforme. Il serait à désirer que tous tes fabricants adoptassent ce dernier procédé, ainsi que l’usage d’une matrice parfaitement pareille.
Les alênes sont ensuite trempées, recuites, et redressées par l’ajusteur, lorsque la trempe en a altéré la forme. On les polit en les agitant dans des sacs de peau avec de l’émeri et de l’huile ; on répète cette opération, et on les dégraisse enfin en les faisant tourner dans un tonneau avec de la sciure de bois.