Aliment

  • Encyclopédie de famille

Aliment. On donne ce nom aux différents corps de la nature dont l’homme tire sa subsistance, et qui lui procurent les matériaux propres à son développement et à sa nutrition. Des trois règnes de la nature, il n’en est que deux qui fournissent des aliments à l’homme : ce sont les végétaux et les animaux ; quant aux minéraux, ils ne lui présentent que des condiments et des médicaments. Les aliments peuvent être définis : des substances susceptibles d’être digérées et servant à nourrir. Plusieurs classifications ont été proposées pour les aliments ; la plus simple et la plus pratique est celle qui distingue les substances alimentaires en végétales et animales. Dans les aliments végétaux se trouvent : les aliments sucrés, les aliments amylacés, les aliments mucilagineux, les aliments huileux. Dans les substances alimentaires animales se rangent : les aliments fibrineux, les aliments gélatineux, les aliments albumineux, les aliments gras, les aliments butyrocaséeux et caséeux. Dans la classification adoptée par M. Milne-Edwards, les aliments sont considérés sous le rapport : 1° des éléments qui les constituent ; 2° des combinaisons les plus simples qui les composent, et qu’il appelle principes alimentaires ; 3° de la combinaison des principes entre eux pour former les aliments que la nature nous présente, et qu’il désigne par le nom d’aliments composés. Les éléments qui entrent dans la composition des substances alimentaires sont l’oxygène, l’hydrogène, le carbone, l’azote, le phosphore, le chlore, le soufre, le potassium, le sodium, le calcium, le magnésium, le silicium, le fer, le manganèse, etc. ; les quatre premiers s’y trouvent en grande proportion, les autres n’y sont qu’en petites quantités : tous ces éléments peuvent former des combinaisons binaires, ternaires, quaternaires. Les corps ternaires sont formés d’oxygène, d’hydrogène et de carbone ; les quaternaires contiennent ces mêmes éléments unis à l’azote. Parmi les corps triples qui peuvent servir d’aliments ou qui entrent dans leur composition, se trouvent les acides organiques, les amers, l’alcool, les huiles essentielles, les résines et les corps gras. Sous le nom de principes neutres, M. MilneEdwards désigné les corps triples suivants : le sucre, la gomme, le ligneux, la fécule, la lichnine et l’énuline. Quant aux principes quaternaires, ils se trouvent en abondance dans le règne animal, et en moins grande quantité dans le règne végétal ; ce sont : la fibrine, l’albumine, la matière colorante du sang, la gélatine et le caséum. Les aliments composés sont tirés du règne animal ou du règne végétal ; les premiers sont la chair des animaux, leur sang et leur lait ; les seconds sont les tiges, les feuilles, les fleurs, les fruits et les racines.

L’introduction des aliments dans les cavités digestives ayant pour but la formation d’un fluide assimilable, on conçoit que les substances animales qui se rapprochent le plus de la nature de nos propres tissus devront jouir de cette propriété à un plus haut degré que les substances végétales, qui s’en éloignent davantage : c’est ce qui a lieu en effet ; car, à poids égaux, les matières animales nourrissent mieux que les végétales ; seulement on peut dire que ces dernières sont moins stimulantes que les premières. Aussi, lorsqu’un malade se trouve dans les conditions de pouvoir prendre des aliments solides, son estomac est moins fatigue de l’usage d’une petite quantité de viande maigre, comme celle du mouton, par exemple, que d’une quantité de légumes qui renferme la même proportion de matière alimentaire. On doit remarquer qu’il ne suffit pas que les matériaux alimentaires soient assimilables, il faut encore que le peu de cohésion de leur tissu, leur mollesse, les rendent facilement accessibles aux puissances digestives et aux fluides qui doivent les pénétrer pour les transformer en chyme et en chyle. Aussi plus l’aliment sera tendre et facile à diviser, plus les sucs gastriques auront de prise sur lui, et plus facilement il sera digéré. On sait maintenant, d’après des observations directes et positives, que les aliments les plus digestibles pour l’homme sont : la chair de veau, d’agneau et de volaille, les œufs frais à moitié cuits, le lait de vache, la plupart des poissons cuits à l’eau, sans autre assaisonnement que le sel et le persil, quelques poissons à l’huile ou frits ; et parmi les végétaux, les jeunes asperges, les artichauts, la pulpe cuite des fruits à noyau ou à pépins, le pain, le lendemain de sa cuisson, mais surtout le pain salé, et principalement encore le pain blanc, le riz, la gomme pure, les salsifis, les navets, les pommes de terre nouvelles, etc. Il faut, au contraire, ranger parmi les aliments les plus indigestes : la chair de porc et de sanglier, les œufs durs, les salades, les carottes, les assaisonnements au vinaigre, le pain tendre, la pâtisserie, les choux, les parties tendineuses des viandes, la graisse, le blanc d’œuf quand il est concret, les morilles, les champignons, les truffes, les pois, les haricots, les lentilles, les noix, les amandes, les olives, le cacao, les raisins secs, etc.

Suivant M. Payen, l’homme perd chaque jour, par la respiration, 250 grammes de carbone, par excrétion, 60 grammes, en tout 310 grammes, et par la digestion 130 grammes de substances azotées, dont 20 grammes d’azote et 60 de carbone. Il faut donc, pour réparer ses forces, qu’un homme retrouve dans son alimentation journalière ces 130 grammes de substances azotées et ces 310 grammes de carbone. On sait qu’aucun des principes immédiats, pris isolément dans le règne animal ou végétal, ne suffit entièrement à la nutrition de l’homme ; et dans toute ration alimentaire complète, il faut qu’il y ait des substances azotées, comme on en trouve dans les viandes, le fromage, le lait, les graisses ou les fruits des végétaux ; des matières amylacées, féculentes ou sucrées, comme en fournissent les céréales, les tubercules farineux, les châtaignes, etc. ; et des substances grasses aromatiques, que l’on trouve dans les animaux et les végétaux. En outre, il est utile d’introduire une certaine variété dans l’emploi des rations alimentaires qui réunissent toutes ces conditions. Le pain et la viande sont les meilleurs aliments pour obtenir la quantité de carbone et d’azote nécessaire à la subsistance en chargeant le moins possible l’estomac. On a formulé de la manière suivante les proportions dans lesquelles chacun de ces aliments doit entrer dans la ration journalière : Pain, 1,000 grammes ; viande, 286 grammes : le premier fournit 70 grammes de substances azotées, la seconde 60 grammes 26 ; le premier contient 300 grammes de carbone, la seconde 31 grammes 46. La réparation est donc ainsi complète. Dans son livre Des substances alimentaires, M. Payen donne un tableau intéressant des quantités d’azote, de carbone, de matière grasse et d’eau que l’on trouve dans les principales substances alimentaires.

Les Anglais consomment une plus grande quantité de viande que les Français, qu’ils appellent « mangeurs de grenouilles, » mais il n’y a pas que la viande qui nourrisse, et d’après M. Payen, il y aurait à poids égal, dans la morue, la carpe, le brocher, plus d’azote que dans le bœuf du pot au feu. D’après cela le régime du carême serait aussi nutritif que le régime gras. L’azote ne doit pas être toutefois la mesure unique de la qualité nutritive des aliments, ainsi que le prouve la gélatine. On doit tenir compte aussi de la constitution des individus et des habitudes des organes, et quoique quelques grammes de viande puissent contenir autant d’azote qu’un kilogramme de pain, il se pourrait bien que l’estomac qui s’arrangerait de ce kilogramme de pain, criât misère des quelques bouchées de viande qu’on voudrait lui substituer.

En droit, on nomme aliments ce qui est nécessaire à la nourriture et à l’entretien d’une personne. La valeur qui représente les aliments est essentiellement variable, suivant la position et les besoins de la personne qui les reçoit et les facultés de celle qui les doit. C’est aux tribunaux qu’il appartient d’apprécier toutes ces circonstances, de décider si la pension alimentaire demandée est vraiment nécessaire, et d’en régler la nature. Tout individu, à sa naissance, a droit à des aliments, qui doivent lui être fournis par ses parents jusqu’à ce qu’il soit luimême en état de subvenir à ses besoins ; ce qui lui permet bientôt à son tour d’acquitter la dette qu’il a contractée, en rendant à ses parents, dans leur vieillesse, par une juste réciprocité, les soins qu’il a reçus d’eux dans son enfance. Dans l’ordre civil, cette obligation à l’égard des enfants est restreinte aux ascendants légitimes ; elle ne s’étend plus, comme autrefois dans quelques provinces, aux frères et sœurs, oncles et tantes. À l’enfant naturel les aliments ne sont dus que par le père ou la mère qui l’ont reconnu légalement, et les enfants incestueux et adultérins ont également droit à des aliments contre leur mère, et même contre leur père dans des circonstances assez rares. Par le mariage, les époux, outre l’obligation qu’ils contractent envers leurs enfants, s’engagent à se fournir mutuellement des aliments. Le mariage a également pour effet d’assurer au gendre et à la belle-fille des aliments contre leur beaupère ou belle-mère, comme à ceux-ci contre leur gendre et leur fille ; mais l’obligation cesse à la dissolution du mariage lorsqu’il n’en existe pas d’enfants, ou lorsque après cette dissolution avec enfants, la belle-fille, devenue veuve, convole à de secondes noces. Des services rendus donnent également droit à des aliments : c’est ainsi que le donateur qui s’est librement et volontairement dépouillé en faveur d’un donataire qu’il a gratifié de ses biens, peut exiger une pension alimentaire de celui-ci s’il vient à se trouver dans le besoin. Quand la contrainte par corps est admise, le créancier qui, pour avoir le payement de sa créance, fait incarcérer son débiteur, est soumis à l’obligation de lui fournir des aliments.