Alma
- Encyclopédie de famille
Alma, petite rivière de la Crimée qui a donné son nom à la première victoire remportée en 1854 par les alliés sur les Russes, quelques jours après leur débarquement dans la presqu’île.
L’armée française, après avoir bivouaqué deux ou trois mois à Varna, à Gallipoli et aux environs, dans un pays dont le climat meurtrier lui avait enlevé 6 à 7,000 de ses meilleurs soldats, et environ 150 officiers de tous grades, partit, le 30 août 1854, pour Baldschik, port de mer bulgare, où elle rencontra les trois flottes anglaise, française et turque réunies, qui devaient la transporter en Crimée. Le 2 septembre toute la troupe était à bord de nos vaisseaux ; mais les Anglais n’étant pas prêts, on ne put appareiller que le 7 au matin. Quatre à cinq cents bâtiments naviguaient de conserve, sur trois à quatre ligues, dans un ordre parfait. L’avant-garde mouilla, le 9, à 80 kilomètres environ de Sébastopol, pour rallier la flotte, et croisa jusqu’au 15 au matin, envoyant quelques bordées dans les camps russes pour dissimuler l’endroit du débarquement. Sur ces entrefaites, descendaient à terre les Anglais et les trois premières divisions françaises ; la quatrième suivait de près, sans obstacle, quoique la mer fût houleuse et que les canots ne pussent arriver jusqu’au rivage. Bientôt cependant toute l’année. Anglais, Français et Turcs, fut campée sur la grève, près d’Eupatoria.
Le 19 on quitta le camp du Vieux-Fort, dans un ordre admirable, par une chaleur étouffante, ayant à traverser uu pays dépourvu d’arbres. Arrivé au bivouac, on entendit le canon et la fusillade d’assez près : c’étaient les Russes qui s’avançaient ; quelques balles et quelques boulets les arrêtèrent, et la nuit fut calme. Le lendemain, à six heures du matin, on se remit en marche, et l’on fit halte à 1,500 mètres environ de Sébastopol. Les Anglais à gauche y devaient attaquer l’aile droite des Russes ; la 2e division française et une partie de la 1re, l’aile gauche. Au centre, en première ligne, était massée une brigade de la 1re division, et en plein centre la 4e. À droite des Anglais se trouvait la 3e division, avec le 2e de zouaves et l’infanterie de marine : l’artillerie avait sa place de bataille dans les intervalles séparant les divisions.
Ce jour-là, 20 septembre, à midi, toute la ligne s’ébranla en colonne serrée. Toutes les hauteurs étaient déjà couronnées par l’armée russe, avec de l’artillerie sur les crêtes, dominant l’infanterie échelonnée sur les élévations, les ravins, les mamelons, derrière les murailles des jardins, au pied desquels coule l’Alma, très tortueuse et très escarpée. L’armée alliée était tout à fait à découvert et entièrement exposée au feu de l’ennemi. La division Bosquet, qui attaquait l’extrême gauche des Russes, devait la tourner en suivant le bord de la mer, où elle avait pour auxiliaires plusieurs bâtiments de la flotte. À une heure et demie, le premier coup de canon fut tiré par les Russes. Ce ne fut bientôt que feux croisés, mouvements en tous sens. Les colonnes du centre défilèrent devant le maréchal Le Roy de Saint-Arnaud, déjà gravement malade, et s’avancèrent en bon ordre vers l’Alma, où elles s’arrêtèrent un instant ; mais tout à coup les deux ailes russes sont attaquées par les Français et les Anglais, avec une intrépidité extraordinaire. Ceux des ennemis qui sont pris en flanc par la division Bosquet ne tardent pas à être vigoureusement balayés par l’artillerie de la flotte. Les zouaves enlèvent pied à pied tous les obstacles qu’ils rencontrent de l’autre côté de l’Alma. Les Russes perdent du terrain et se replient sur les collines. Mais ils reviennent à la charge, et les zouaves, à leur tour, déployés en tirailleurs, commencent à faiblir, quand la tête de colonne du 39e accourt, et repousse l’ennemi. En ce moment, des escadrons moscovites affluent de toutes parts ; une batterie française arrive, et les Anglais apparaissent à gauche ; l’ennemi ne tient plus, il bat en retraite, la victoire est aux armées alliées ; cependant, elles subissent pendant une heure encore le feu bien nourri de l’artillerie russe, embusquée derrière un énorme tumulus. Enfin l’artillerie anglaise, entrée en ligne, lance ses fusées à la congrève, et toute résistance cesse. Le dernier coup de canon retentit à quatre heures trois quarts. Avant de commencer, le général russe Mentchikoff écrivait à son empereur : « J’occupe une position formidable : dans six semaines les Français ne m’auront pas débusqué de là, fussent-ils 100,000 encore ; c’est plus difficile à prendre que Sébastopol ; » puis il dit : « Je tombe de sommeil, je vais me coucher ; j’ai le temps de dormir avant que l’ennemi arrive. » Plus tard, il s’écriait : « Mais il faut qu’ils soient fous ! »
Les Français eurent 1,600 hommes hors de combat, tant tués que blessés ; les Anglais 2,096, dont 96 officiers. Les Russes étaient au nombre de 46,000 à 47,000 combattants : ils en perdirent environ 7,000. Les Français et les Anglais qui prirent part à l’action s’élevaient à peine à 35,000. Le général Canrobert reçut une balle à l’épaule ; le sous-intendant Blanc, un boulet à la cuisse, et il fut amputé ; l’aumônier en chef, l’abbé Parabère, eut un cheval tué sous lui. Il est à regretter que les alliés n’aient pas eu de cavalerie : avec quelques escadrons, ils eussent pris toute l’artillerie des Russes, leur eussent fait 10 à 15,000 prisonniers, et seraient entrés peut-être pêle-mêle avec eux dans Sébastopol. Quelques jours après le maréchal de Saint-Arnaud était forcé de se rembarquer pour Constantinople, et mourait durant la traversée. Avant de s’éloigner, il avait dû remettre le commandement de l’armée française an général Canrobert. Après la victoire de l’Alma les armées alliées, contournant, par l’intérieur des terres, le périmètre de Sébastopol, à travers de profondes vallées, allèrent établir leur place d’armes et leur port militaire à Balaclava et à Kamiesch.