Almoravides
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Almoravides. Vers le milieu du onzième siècle, alors que les provinces de l’Afrique occidentale, tour à tour soumises à des conquérants étrangers, semblaient livrées à l’anarchie la plus complète, une pauvre et ignorante tribu de Berbers préparait, dans le silence du désert, une révolution à laquelle devaient se soumettre et l’Espagne musulmane tout entière, et la partie du continent africain qui forme aujourd’hui l’empire de Maroc. A la prière d’un scheïkh de la tribu de Lamtouna qui, pendant un voyage à la Mecque, avait compris tout ce qui manquait encore à son peuple sous le rapport de l’intelligence, un Arabe d’une haute piété et d’une vaste érudition, nommé Abdallah-ben-Yaçim, avait consenti à enseigner aux Benou-Lamtouna les vérités de la religion. Ardent dans sa foi comme dans ses discours, Abdallah s’empara sans peine de ces cœurs vierges qui reçurent avidement sa doctrine. Bientôt l’enthousiasme n’eut plus de bornes ; tous les chefs de ces populations errantes se groupèrent autour de lui, et cette armée de disciples l’ayant aidé à convaincre par la force ceux qui n’avaient pas voulu céder à 1a persuasion, il se trouva le guide spirituel et temporel de nombreux sectateurs, auxquels il donna le nom de Al-Morabethin ou Almoravides, c’est-à-dire consacrés au Seigneur.
Un succès aussi facile éveilla l’ambition au cœur du nouveau prophète ; il résolut d’exploiter à son profit la crédulité de ces peuples superstitieux, conquit le pays de Daza entre le désert du Sahara et l’ancienne Gétulie ; et bientôt son empire, incessamment agrandi par le dévouement fanatique de ses soldats, s’étendit depuis les bords de la Méditerranée jusqu’aux frontières de la Nigritie. Si Abdallah avait scellé sa puissance du sang de ses disciples, il n’avait pas du moins épargné le sien ; et, vers l’année de J. C. 1058 ou 59, il mourut sur le champ de bataille, laissant le pouvoir à Abou-Bekr-ben-Omar, chef dévoué dont les talents ne répondaient pas toutefois au noble fardeau qui lui était imposé. Les commencements de son règne, il est vrai, furent heureux et faciles ; il s’empara de la province de Fez, conquit Méquinez et Lewata, et fonda Maroc ; mais, rappelé dans les montagnes de l’Atlas par les dissensions de quelques tribus, il commit la faute de nommer lieutenant pendant son absence un ambitieux, plus habile que lui. Youçouf-ben-Tachfin, cousin d’Abdallah, réunissait toutes les qualités du conquérant et du législateur. Actif, sobre, brave de sa personne, sévère dans son administration, indifférent à la vie des hommes pourvu qu’il marchât à son but, puissant par sa parole, il voulait régner et devait réussir : séduites par sa libéralité, par ses promesses, les troupes qu’il commandait n’eurent bientôt plus confiance qu’en lui seul. Aussi, lorsque Abou-Bekr, après avoir rétabli la paix chez les Berbers de l’Atlas, revint sous les murs de Maroc, qui s’élevait comme par enchantement à la voix de Youçouf, il comprit aux murmures de son armée, aux acclamations de celle de son rival, que celui qu’il croyait son lieutenant était devenu son successeur, et, se soumettant à un destin désormais inévitable, il abdiqua en sa faveur.
A peine seul maître de l’empire, Youçouf rêvait déjà d’autres conquêtes ; il se prépara sérieusement à passer en Espagne. Ce n’était plus alors le temps de cette splendeur des Ommiades qui avait jeté un si vif éclat sur toute le péninsule : leur dynastie était éteinte ; Cordoue, le siège de leur empire, était descendue au rang d’une ville secondaire, et les cités principales, devenues chefs-lieux de petites principautés, offraient à un conquérant, par leur division, une proie facile. Déjà les princes chrétiens profitaient de cet affaiblissement de la puissance musulmane ; ils attaquaient de tous côtés les émirs arabes, les pressaient chaque jour davantage, et ceux-ci, prévenant les désirs de Youçouf, lui envoyèrent de nombreux messages pour le prier d’amener à leur secours ses indomptables tribus. Ce fut avec une joie vive que le chef des Almoravides passa le détroit. Mohammed, l’émir de Séville, l’attendait sur la rive, et, dans son aveuglement, ouvrait à celui qui devait le dépouiller de ses États les portes de ses meilleures forteresses. Les premières actions de Youçouf en Espagne furent toutefois conformes au plan avoué de son expédition : à la tête de son armée, renforcée de toutes les troupes des émirs qui s’étaient partagé l’empire des Ommiades, il marcha contre Alonzo VI, le plus puissant des princes chrétiens. Ce monarque réunissait sous son pouvoir le royaume de Castille et celui de Léon, la Galice, les Asturies, la Biscaye et tout le nord du Portugal. Habile et vaillant capitaine, il avait fait, en apprenant l’arrivée d’un nouvel ennemi, de grands préparatifs de défense, et les deux armées, dont chacune montait à plus de cent mille hommes, se rencontrèrent dans les plaines de Zalaca, à quatre lieues de Badajoz. La bataille fut terrible ; les Arabes d’Andalousie plièrent d’abord devant ies efforts de la chevalerie chrétienne ; mais le zèle impétueux des Almoravides l’emporta bientôt. Youçouf et ses Berbers pénétrèrent jusqu’au camp des chrétiens, y mirent le feu, et, découragées à cette vue, les troupes d’Alonzo prirent la fuite. La nuit seule mit un terme au carnage, et des têtes coupées on éleva une tour du haut de laquelle le muezzin annonça la prière. Confiée à l’aile des pigeons, cette nouvelle se répandit dans toute l’Espagne musulmane avec la rapidité de l’éclair ; de toutes parts on rendait grâces au ciel de cette éclatante victoire ; on portait aux nues la gloire du puissant chef des Almoravides, et dès ce moment il aurait réuni sous son pouvoir toutes ces populations arabes, qui ne demandaient pas mieux que de se rallier à sa voix ; mais la mort d’un de ses fils le rappela à Maroc.