Alphonse X
- Encyclopédie de famille
Alphonse X, le Savant, fils de Ferdinand III, né en 1221, monta sur le trône de Castille en 1252. Il forma le projet de se faire élire empereur d’Allemagne, en vertu des droits de sa mère, Béatrix, fille de Philippe de Souabe ; mais ses prétentions furent repoussées. Les nobles castillans mécontents se liguèrent avec le Portugal, la Navarre, les émirs de Grenade et de Maroc, et Alphonse dut céder à tant d’ennemis ; mais Sanche, son second fils, releva le courage des Castillans, et organisa une résistance énergique. L’émir Joussouf se retira sans avoir pu prendre une seule ville. Don Sanche exigea que son père le reconnût, dans les cortès de Ségovie, pour son successeur au trône, au préjudice des fils de son frère défunt, les infants de La Cerda. Alphonse se prononça avec chaleur pour son fils contre ses petits-fils, et fit même étrangler sans forme de procès son frère, don Ferdinand, qui avait pris hautement le parti des infants (1277). Alphonse vint ensuite assiéger Algésiras ; ce siège finit par une honteuse retraite. Le roi de France, Philippe, parent des infants dépossédés, prit leur cause en main, et la querelle se termina par une guerre dont la Navarre fut le théâtre, ce qui n’empêcha pas Alphonse d’en faire en même temps une autre à l’émir de Grenade. Don Sanche saisit ce moment pour se révolter ; la plupart des villes de la Castille embrassèrent son parti, ainsi que le roi d’Aragon et de Portugal. Les cortès de Valladolid ratifièrent l’usurpation de ce prince, qui se contenta du titre d’infant héritier. Alphonse se jeta dans les bras de l’émir Joussouf. Tous deux vinrent assiéger don Sanche dans Cordoue ; mais l’infant résista avec courage, et les deux alliés furent obligés de lever le siège. Cependant une réaction s’opérait en Castille en faveur du malheureux père, qui, révoquant toutes ses dispositions, déclara Sanche maudit et déshérité à jamais, lui et ses descendants, de la succession au trône. Joussouf repassa le détroit à la tête de forces imposantes, pour défendre la cause du vieux roi, que le pape Martin IV venait d’embrasser ouvertement en lançant contre le fils rebelle et ses partisans les foudres de l’Église. L’infant étant tombé gravement malade, Alphonse, oublieux des torts de son fils, sentit se réveiller pour lui toute son affection ; mais, épuisé lui-même par les chagrins, qui plus que les années avaient hâté le terme de ses jours, il mourut en 1284, en pardonnant au fils ingrat qui lui avait fait tant de mal et à tous ceux qui l’avaient offensé.
Alphonse était doux et bienveillant ; mais ses faiblesses furent fatales à la Castille. Du reste, nul roi ne mérita mieux le surnom de Savant, qu’il a gardé. On lui doit une chronique rédigée sous son nom et par son ordre, sinon par lui, romanesque compilation où sont réunies pêle-mêle toutes les légendes fabuleuses sur les origines de l’histoire d’Espagne. Poëte aussi bien que savant, il a laissé bon nombre de poésies en dialecte galicien. Mais le grand monument de son règne, ce sont les Siete Partidas, code national de l’Espagne, écrit sous la double inspiration du droit canonique et du droit romain. Cette œuvre législative ne fut cependant adoptée par la Castille que sous le règne d’Alphonse XI, qui aux cortès d’Alcala de 1348 la reconnut comme code complémentaire du royaume, destiné à combler les lacunes de la loi gothique des fueros nationaux et de l’ordenamiento d’Alcala.
On a retrouvé en Espagne des manuscrits d’Alphonse X, et la reine Isabelle a ordonné leur impression à ses frais. Cette publication, poursuivie par l’Académie de Madrid, doit comprendre cinq volumes, trois avaient déjà paru en 1864. On y trouve des renseignements curieux sur la fabrication des instruments d’astronomie. On y voit aussi la trajectoire de Mercure figurée par un ovale.
Alphonse X, roi de Castille et de Léon, se livra avec ardeur à l’étude de l’astronomie. Les hypothèses embarrassées qu’il fallait admettre pour concilier tous les phénomènes célestes, lui faisaient dire : « Si Dieu m’avait consulté lorsqu’il créa l’univers, les choses eussent été dans un ordre meilleur et plus simple. » Copernic n’avait pas encore paru, mais on était déjà vivement frappé de voir la théorie admise s’écarter de plus en plus des observations nouvelles. Alphonse X résolut de corriger les tables de Ptolémée, et, dans ce but, dès 1248 il réunit à Tolède un grand nombre d’astronomes chrétiens, juifs et arabes. Après quatre ans de travail, les tables nouvelles parurent, et furent nommées à juste titre Tables Alphonsines. Elles ne coûtèrent pas moins de 40,000 ducats. Les connaissances astronomiques d’alors étaient insuffisantes pour faire une œuvre exempte d’erreurs ; ces Tables apportèrent cependant de nombreuses améliorations ; ainsi elles donnèrent plus exactement que celles qui les avaient précédées le lieu de l’apogée du soleil, et elles déterminèrent à 28 secondes près la durée de l’année. Leur première édition parut en 1492, elles ont été réimprimées depuis.