Ambulances
- Chirurgie
- E. Desmarest
- Encyclopédie moderne
Ambulances. Du latin ambutare. On nomme ainsi les établissements temporaires et mobiles formés sur le champ de bataille, et destinés à donner aux blessés les premiers secours que leur état réclame. Bien que dans les temps anciens et jusqu’au dix-septième siècle, on n’eût pas tout à fait mis en oubli les malheureux qui, dans les combats, tombaient atteints de blessures, le défaut d’une organisation régulière, l’insuffisance du personnel et du matériel rendaient à peu près nuls les secours d’un art encore bien peu avancé d’ailleurs, et qui, jusqu’à notre illustre Ambroise Paré, se composait de pratiques assez grossières et de moyens empiriques dont la plupart nuisaient plus au blessé qu’ils ne le soulageaient.
Les ouvrages de ce grand homme, justement nommé le Père de la chirurgie, nous apprennent que vers le milieu du seizième siècle les seuls médecins qui suivissent les armées étaient ceux que les chefs attachaient à leur personne, et lui-même accompagnait, en qualité de chirurgien particulier, le comte de Montéjan, lorsque après l’affaire du pas de Suse il découvrit les inconvénients de la pratique barbare qui consistait à cautériser avec l’huile bouillante les plaies d’armes à feu, considérées jusqu’alors comme empoisonnées. On fait généralement remonter au temps de Henri IV l’institution d’un service de santé régulier dans les armées en campagne ; mais, bien qu’alors, et dans le siècle suivant, les secours aux blessés fussent mieux entendus et donnés avec plus de régularité, on était, sur ce point, bien près encore de la barbarie ; car les peintres sont restés fidèles à l’histoire en représentant Louis XV parcourant aux flambeaux le champ de bataille de Fontenoy couvert de blessés, au milieu de la nuit. De nos jours, peu d’heures après l’affaire la plus grave, tous les blessés sont déjà secourus, et la plupart, enlevés sous le feu de l’ennemi, sont transportés à l’ambulance, opérés et pansés quelques minutes après leur chute et longtemps avant la fin du combat ; c’est au point que rarement un soldai blessé attend les secours de la médecine, même dans nos guerres difficiles des montagnes de l’Algérie, aussi longtemps qu’un homme qui, dans les rues de Paris, fait une chute grave ou est écrasé par une voiture. Cette amélioration immense a été apportée dans le service de santé des années par deux hommes, tous deux grands par leur mérite et leur caractère : Percy, l’une des gloires de notre chirurgie ; Larrey, qui fit tant pour la science et mérita que Napoléon, mourant à Sainte-Hélène, dit de lui ; « C’est l’homme le plus vertueux que j’aie connu. »
Ce fut à l’armée du Rhin que Percy fit le premier essai des ambulances volantes. Une voiture légère, dans le genre du wurst de l’artillerie, recevait six officiers de santé, assis sur un coffre, dans lequel étaient contenus les médicaments, les instruments et les pièces d’appareil. Cette voiture se portait rapidement sur tous les points où les secours du chirurgien étaient nécessaires ; mais elle ne donnait pas le moyen de transporter le blessé et le chirurgien qui l’avait secouru. Cette idée première fut ainsi modifiée par M. Larrey. Tous les officiers de santé furent mis à cheval. La voiture fut transformée en un caisson léger, bien suspendu et dont une partie contient l’appareil, tandis que le reste, convenablement installé, est destiné à recevoir les blessés qu’on y place dans la position horizontale. La planche dont nous donnerons plus loin la description peut donner une idée de ce qu’étaient les moyens de transport des ambulances volantes au temps de l’empire, et dès la campagne d’Égypte. Ces moyens se sont perfectionnés depuis : dans les pays de montagnes, en Algérie par exemple, on a substitué au caisson d’ambulance des cacolets en fer, sur lesquels les blessés sont transportés à dos de mulet aussi commodément que possible. Quel que soit le mode de transport employé, les blessés enlevés du champ de bataille, après y avoir reçu, quand cela est nécessaire, les premiers secours de la chirurgie, sont dirigés sur l’ambulance établie autant que possible à l’abri du feu de l’ennemi, dont elle n’est le plus souvent séparée que par un pli de terrain, un pan de mur, ou un épaulement. Là, tous les soins nécessaires sont donnés, les opérations sont pratiquées, les pansements faits, et, suivant leur état, les blessés sont renvoyés à leur corps ou dirigés vers l’hôpital sédentaire le plus rapproché.
Le matériel des ambulances, dit M. Bégin, doit être séparé en deux divisions bien distinctes : l’une, légère ou volante, suit immédiatement les corps d’armée et comprend tout ce qui est nécessaire à la formation instantanée des ambulances proprement dites sur le champ de bataille : l’autre division, dite de réserve, peut rester à quelque distance en arrière avec le train des équipages ; elle doit renfermer tout ce qui est nécessaire pour entretenir l’approvisionnement de la première division, ou pour installer les hôpitaux temporaires, qu’on est quelquefois obligé de créer dans des lieux dépourvus de ressources.
Les principaux objets dont il importe d’avoir un assortiment complet dans les appareils ou caisses d’ambulance, sont les suivants : du linge confectionné en compresses, bandes, bandages de corps, écharpes, suspensoirs, bandages en T, de la charpie, du sparadrap diachylon bien agglutinatif, du cérat, de l’agaric, de la colophane en poudre, des éponges fines, du gros fil écru, de la cire, de la bougie à éclairer, du ruban de fil, des attelles, des draps fanons, des appareils à fractures tout confectionnés. Il faut y joindre du sous-acétate de plomb liquide, de l’alcool, du vinaigre, du vin, quelques flacons d’une solution concentrée d’opium, des vases en fer battu, propres à recevoir les liquides employés pour les pansements ou les boissons des malades ; enfin, quelques brancards, et les instruments que 1 expérience a fait reconnaître comme les plus utiles.
L’étoupe choisie, coupée sur une longueur de 0m,15 à 0m,17, blanchie au chlorure et transformée ainsi en une charpie fine, douce et parfaitement absorbante, doit être substituée à la charpie ordinaire, qui prend souvent des qualités nuisibles dans les tonneaux où elle est empilée. Outre les instruments contenus dans l’appareil de l’ambulance, chaque officier de santé porte dans une giberne, analogue à celle des officiers de cavalerie, les instruments principaux de la trousse du chirurgien, et les objets de première nécessité, comme du fil ciré, des aiguilles, etc.
Le personnel, des ambulances se compose, outre les officiers de santé, de membres de l’administration des hôpitaux militaires, directeurs, employés, infirmiers ; ces derniers étaient jadis des hommes engagés de bonne volonté, que l’appât du gain seul retenait à l’armée et qu’on soumettait difficilement à la discipline ; aujourd’hui le recrutement les classe, comme les autres soldats, sous les drapeaux ; leurs grades correspondent à ceux de l’armée, et ils forment une troupe modèle sous le rapport de la tenue et du dévouement.
Les officiers de santé attachés à une division d’ambulance sont ordinairement un chirurgien-major, un ou deux aide-majors, et six à huit sous-aides. Divisés encore en médecins, chirurgiens et pharmaciens, par l’uniforme et par le titre, ces officiers ont maintenant les mêmes attributions sur le champ de bataille et remplissent indistinctement ces diverses fonctions, suivant que le besoin du service l’exige.