Anagramme

Anagramme, transposition arbitraire des lettres d’un nom de manière à leur faire former par leur nouvelle combinaison un sens avantageux ou désavantageux à la personne dont le nom fournit matière à l’anagramme. Ainsi, l’anagramme de Lorraine est alérion, et l’on dit que c’est pour cela que la maison de Lorraine porte des alérions dans ses armes. C’est Calvin qui fut l’introducteur de l’anagramme en France. À la tête de ses Institutions, imprimées à Strasbourg en 1538, il prit le nom d’Alcuinus, qui est l’anagramme de Calvinus. On trouve aussi dans François Rabelais plusieurs exemples d’anagrammes : lui-même se revêt du pseudonyme Alcofribas Nasier, composé exactement des mêmes lettres. Mais ce fut Dorât, poète français, qui mit ce genre en honneur sous le règne de Charles IX.

On a accusé les anciens de n’avoir pas cultivé l’anagramme : c’est une calomnie. Lycophron, qui vivait du temps de Ptolémée Philadelphe, quelques cents ans avant la naissance de Jésus-Christ, a obtenu des succès éclatants dans l’anagramme.

Que manque-t-il à la gloire de l’anagramme ? Lorsque Pilate, interrogeant Jésus-Christ, lui fit une question que le latin rend par ces mots : Quid est veritas ? (Qu’est-ce que la vérité ?) le Christ n’aurait-il pas pu répondre dans la même langue : Est vir qui adest (C’est l’homme ici présent) ? anagramme parfaite. Belle est encore celle qu’on a imaginée sur le meurtrier de Henri III, frère Jacques Clément, et qui porte : C’est l’enfer qui ma créé. Les cabalistes, parmi les juifs, l’emploient fréquemment. De Pierre de Ronsard on a fait rose de Pindare ; de Verniettes, pseudonyme de J.-B. Rousseau rougissant de son père le savetier, tu te renies ; de révolution française, un Corse la finira ; de Lamartine, enfin, montant au pouvoir en 1848, mal t’en ira.

Le vers rétrograde est aussi une espèce d’anagramme.

Bachet a composé, sous le titré d’anagrammeana, un poème de douze cents vers, dont chacun contient une anagramme.

Le pasteur Pineton de Chambrun a fait ces deux anagrammes sur Cornélius Jansenius et sur Joannes Calvinus : Calvini sensus in ore (Le sens de Calvin est dans sa bouche) et An non es via lucis ? (N’es-tu pas le chemin de la lumière ?)

Colletet n’aimait pas les anagrammes. Il dit dans une épigramme :

J’aime mieux sans comparaison,
Ménage, tirer à la rame,
Que d’aller chercher la raison
Dans les replis d’une anagramme.
Cet exercice monacal
Ne trouve son point vertical
Que dans une tête blessée,
Et sur Parnasse nous tenons
Que tous ces renverseurs de noms
Ont la cervelle renversée.

Les auteurs cachent souvent leur nom sous une anagramme, comme De Maillet, qui avait pris le pseudonyme de Telliamed.