Anasarque

  • Médecine
  • A. Le Pileur
  • Encyclopédie moderne

Anasarque. On a ainsi nommé une infiltration de sérosité, une véritable hydropisie du tissu cellulaire, principalement dans sa partie sous-cutanée, qui commence ordinairement par les membres inférieurs, et se montre d’abord autour des malléoles. En général, l’infiltration est plus considérable vers les parties déclives ; quelquefois elle devient telle, que le corps acquiert un volume énorme. Les parties tuméfiées deviennent dures et conservent quelque temps l’empreinte du doigt qu’on a appuyé dessus. La peau s’amincit, devient luisante et d’un blanc mat, elle est quelquefois distendue au point de se rompre par places. Rarement l’infiltration est générale : le plus ordinairement elle siège aux membres inférieurs ; on la voit pourtant se produire aux membres supérieurs seulement. Le siège du mal varie avec la cause. L’augmentation de la sécrétion normale du tissu cellulaire, la diminution ou la cessation de l’absorption cellulaire ou de la perspiration, telles sont les causes directes de l’anasarque. On l’a nommée active ou passive, suivant qu’elle se rapporte à la première ou à la seconde. Bien souvent, du reste, ces deux causes agissent de concert, et il est toujours plus facile de démontrer l’action de la seconde que celle de la première, dont les effets sont d’ailleurs beaucoup plus rares. Parmi les causes premières de l’anasarque, on doit compter tout ce qui peut influer sur l’accumulation de sérosité dans le tissu cellulaire. Dance cite un cas d’anasarque, survenu à la suite d’une suppression des règles par un accès de colère ; on ne trouve guère dans les auteurs d’exemple plus positif d’anasarque active. L’action du froid humide citée par le professeur Bouillaud, avec l’abus des boissons aqueuses, et la répercussion de la transpiration comme causes de l’anasarque active, nous semblent se rapporter au moins autant à l’anasarque passive, puisque alors l’infiltration du tissu cellulaire a surtout lieu par suppression de la perspiration, l’évaporation étant presque nulle dans une atmosphère humide, et les fonctions de la peau se rétablissant avec peine, quand elles ont été brusquement suspendues.

C’est surtout à la suite de certaines affections éruptives, comme la rougeole et la scarlatine, que l’impression de l’air froid cause l’infiltration du tissu cellulaire. Mais la cause la plus commune de l’anasarque ce sont les obstacles au cours du sang. C’est au professeur Bouillaud qu’on doit d’avoir démontré la part que prend à l’anasarque symptomatique le rétrécissement des orifices du cœur et des gros vaisseaux ; certaines affections de viscères que le sang doit traverser pour y subir une modification, comme le foie, les reins et ta rate, amènent aussi l’anasarque.

Le pronostic de l’anasarque est plus ou moins grave suivant la cause qui la détermine. Parmi les moyens employés pour la combattre, les évacuants et les sudorifiques tiennent encore le premier rang. Quant aux scarifications, tentées dans quelques cas avec succès, la gangrène qu’on les accuse d’entraîner quelquefois, doit en faire rejeter l’emploi, sauf dans le cas où la suffocation devient imminente. La compression, les frictions, viennent aussi cn aide à la nature. On conçoit que l’anasarque a peu de chance de guérison quand elle tient à un vice organique de quelque viscère ; elle se dissipe ordinairement avec la maladie qui la cause, quand celle-ci vient à céder, ou quand le sang gêné dans son cours s’ouvre un passage par des vaisseaux collatéraux dilatés.