Anatomie

  • Histoire naturelle
  • Bory de Saint-Vincent
  • Encyclopédie moderne

Anatomie. C’est la partie de la science qui a pour objet la détermination de la nature, du nombre et des relations des organes ou des tissus qui constituent les êtres vivants. Longtemps imparfaite, et considérée comme une science indépendante, elle ne fut appliquée qu’à l’étude de l’homme. En restreignant à lui seul ce que l’anatomie doit faire connaître, l’homme lui avait ôté la plus grande partie de son importance et les moyens comparatifs nécessaires pour apprécier le jeu de toutes les fonctions du corps même dont l’anatomie s’occupait spécialement. Ce n’est que de nos jours que, prônant un essor véritablement philosophique, abandonnant des voies longtemps et routinièrement suivies, et recherchant la vérité sans s’astreindre aux limites dans lesquelles trois mille ans d’habitude emprisonnèrent le génie humain, l’on a vu de bons esprits généraliser leurs idées en anatomie, et reconnaître combien on était loin du but de cette science, quand on n’avait examiné que la contexture d’un seul animal. Sous le nom d’anatomie comparée, aujourd’hui à peu près abandonné, on commença d’abord, vers la fin du dernier siècle, l’examen de quelques êtres voisins de l’homme par des rapports extérieurs, ou que diverses relations en rapprochent. Les parties constitutives de ceux-ci furent observées, et, grâce à de pareilles recherches, une foule d’erreurs et de conjectures disparurent pour faire place à des idées exactes.

L’étude de l’anatomie dut originairement être déterminée par le besoin qu’on éprouva de porter remède aux lésions d’organes et aux maladies qui affligent l’humanité. Par une singularité remarquable, lorsque l’anatomie naissante n’était, en quelque sorte, qu’un auxiliaire de l’art de guérir, des préjugés religieux s’opposaient à la dissection du corps humain, qui seule cependant pouvait fournir à l’anatomie les moyens d’opérer et de chercher le fond des choses ; la dissection n’était permise que sur les animaux : on eût cru commettre un sacrilège en interrogeant, le fer à la main, le corps de son semblable. Il est certain que les anciens ne disséquèrent que des animaux, et que c’est d’après des recherches faites sur le singe qu’ils jugèrent la conformation de leurs pareils. Ce n’est que depuis peu de siècles que l’homme a interrogé l’organisation de l’homme pour se connaître enfin lui-même ; les corps des suppliciés furent les premiers et longtemps les seuls sur lesquels on osa s’exercer, et la difficulté de se procurer ces objets d’étude retarda les progrès d’une branche de nos connaissances qui ne commence guère à prendre une forme qu’au temps de ce Vésale dont l’illustre et vénérable Portai a fait un éloge si mérité dans l’histoire de la science qui nous occupe.

Si l’on recherche des traces de l’anatomie chez les anciens, on n’en trouve que de fort confuses. Il est probable que les embaumeurs égyptiens furent les premiers qui portèrent leur attention sur cette partie essentielle des connaissances humaines ; il n’est pas possible que l’exercice des sinistres fonctions de tels préparateurs ne leur eût donné les connaissances que des opinions religieuses ne permettaient guère qu’à eux d’acquérir, et qu’ils n’aient employé ces connaissances pour pratiquer l’art de soulager leurs semblables. A la même époque, les prêtres, inondant du sang des victimes les autels de leurs dieux, et sacrifiant, presque partout, des hommes en expiation, durent, comme les embaumeurs, se familiariser avec la contexture des victimes qu’ils dépeçaient ; aussi devinrent-ils les premiers médecins des peuples grossiers, en fondant sur eux un empire presque indestructible, à l’aide des terreurs dont ils tourmentaient leur esprit, et du soulagement qu’ils procuraient à leurs souffrances physiques. Si les prêtres juifs ne furent pas les premiers des anatomistes, ils durent au moins devenir les plus habiles des bouchers ; l’un des principaux livres attribués au fondateur de leur loi peut être considéré comme un traité sur l’art d’égorger des bêtes, de couper proprement la viande, et d’en séparer les os, afin de réserver les parties les plus délicates pour le culte de l’autel.