Anet
- Le Roux de Lincy
- Encyclopédie de famille
Anet, joli petit village de l’Île-de-France, à quelques kilomètres de Dreux, au milieu d’une vallée qu’arrosent l’Eure et la Vègre, et environné de toutes parts des paysages les plus frais. Là s’éleva jusqu’à la fin du dix-huitième siècle un château aussi remarquable par l’élégance et la perfection de ses détails que par la position qu’il occupait. C’était l’œuvre de deux architectes célèbres, Philibert et Jean De Lorme, qui, pour obéir aux ordres de Henri 11, avaient prodigué dans cette royale demeure toutes les merveilles du luxe unies à l’art le plus parfait. Auparavant le château d’Anet était une vieille forteresse féodale, habitée depuis le douzième siècle par de puissants barons : Anet avait fait partie du douaire assigné à Marie de Brabant, seconde femme de Philippe le Hardi. En 1318, Louis, comte d’Évreux, frère de Philippe le Bel, en était propriétaire ; Charles le Mauvais le possédait vers 1340. Il en avait augmenté les fortifications, que Charles V, n’étant que régent, ordonna de détruire. Charles VII, pour reconnaître les services de Pierre de Brezé, qui l’avait aidé à chasser les Anglais de la Normandie, lui donna la seigneurie d’Anet avec le vieux donjon féodal. Pierre de Brezé fut tué à la bataille de Montlhéry, en 1465, et le château devint la propriété de son fils Jacques. Ce dernier avait épousé Charlotte de France, fille d’Agnès Sorel et de Charles VII. Emporté par la jalousie, il tua sa femme dans le château même d’Anet. Son fils, Louis de Brezé, épousa en secondes noces, en 1514, la célèbre Diane de Poitiers. Lorsqu’il mourut, en 1531, sa veuve, malgré le rôle important qu’elle jouait à la cour, crut devoir se retirer à son château d’Anet. Elle le quittait encore quelquefois pour venir au Louvre ou à Saint-Germain. Après la mort de François Ier elle se vit bientôt élevée au premier rang, sous Henri II. Le donjon gothique et le vieux manoir d’Anet ne pouvaient lui convenir, et les frères De Lorme élevèrent un peu plus loin cette demeure célèbre, dont les débris font encore notre admiration.
Le château d’Anet présentait dans son ensemble tout ce que l’art de la renaissance a de parfait, d’élégant et d’harmonieux. Le portique, la galerie, les fenêtres ornées de superbes vitraux, le grand escalier, l’intérieur des appartements, décorés de sculptures dues au ciseau de Jean Cousin et de Jean Goujon ; les tapisseries, les meubles, tout concourait à faire de cette résidence un palais enchanté. La façade principale, composée de trois ordres d’architecture l’un sur l’autre, d’un style pur, d’un beau dessin, et ornée de sculptures par Jean Goujon, servait d’entrée dans l’intérieur du château. Sauvée de la destruction par Alexandre Lenoir, elle fut placée dans la première cour du Musée des Monuments français, et se trouve aujourd’hui dans la grande cour de l’école des Beaux-Arts. Le chiffre de Henri II s’y voit partout mêlé à celui de Diane, formé de plusieurs croissants. La chapelle renfermait aussi de précieux objets de peinture et de sculpture.
Après la mort de Diane de Poitiers, Anet devint la propriété de Louise de Brezé, sa fille aînée, qui avait épousé Claude de Lorraine, duc d’Aumale. Celleci fit élever à sa mère le beau mausolée qui décora longtemps la grande chapelle du château ; le sarcophage de marbre noir, supporté par quatre sphinx et orné d’allégories, d’arcs brisés et de flèches rompues, était surmonté de la statue de Diane de Poitiers, sculptée en marbre blanc par Boudin. Elle était représentée à genoux, de grandeur naturelle. Charles de Lorraine, fils de Louise de Brezé, posséda le château d’Anet après sa mère ; il le céda par créance à Marie de Luxembourg, douairière du duc de Mercœur, Philippe-Emmanuel, dont la fille unique épousa le duc de Vendôme. Ce dernier fit dans la disposition générale du château d’Anel des changements qui n’ajoutèrent rien à sa beauté. Après la mort du duc de Vendôme, la princesse de Conti, la duchesse du Maine, le prince de Dombes, le comte d’Eu et Louis XV furent successivement propriétaires du château d’Anet. Louis XV le donna au duc de Penthièvre, qui le possédait quand la révolution éclata. Cette résidence fut alors vendue et démolie pièce à pièce, à l’exception de la porte d’entrée, d’un bâtiment construit par le duc de Vendôme et de la chapelle. Lenoir acheta aussi le tombeau de Diane de Poitiers, qui orna pendant quelques années le jardin du Musée des Monuments français. Le comte Adolphe de Caraman, propriétaire des ruines du château d’Anet, en a fait une restauration aussi complète que possible.