Anges
- Dictionnaire infernal
Anges. Saint Augustin prouve que les anges ont été créés dans l’œuvre des six jours, car ils ne l’ont pas été avant, puisqu’il n’existait alors aucune créature ; ils ne l’ont pas été après, puisque Dieu dit dans l’Écriture : « Quand les astres furent formés, tous mes anges me louèrent à haute voix. » Ils ont probablement reçu l’existence quand le Créateur dit : « Que la lumière soit ! » parole qui s’applique toujours tout ensemble, suivant le grand évêque d’Hippone, au monde visible et au monde invisible.
Quel est leur nombre ? Daniel en vit mille millions qui servaient le Seigneur, et dix mille millions qui étaient devant lui. Les bienheureuses armées des esprits supérieurs forment, dit l’Aréopagite, une multitude que nous ne pouvons compter. Puisque Dieu veut la perfection dans ses ouvrages, poursuit l’Ange de l’école, plus une chose est parfaite, plus elle est multipliée ; de sorte que les substances immatérielles sont incomparablement plus nombreuses que les substances matérielles.
La théologie a donné des ailes aux anges, dit saint Dénis l’Aréopagite, pour marquer la célérité de leur mouvement. Tertullien reprend : Ils peuvent se transporter partout en un moment. Albert le Grand signale quelques erreurs sur le mouvement angélique. « Les uns croient, dit-il, que les anges se meuvent par la pensée. Opinion fausse. Quand je me représente Constantinople, Calcutta, Canton, ma pensée ne traverse pas les régions de l’Orient ; elle trouve là, dans mon cerveau, les idées qui fixent son regard. Si donc les esprits célestes se mouvaient comme la pensée, ils resteraient dans le même lieu. » Albert le Grand continue : « D’autres pensent que les anges se meuvent par l’effet des vertus qui leur obéissent. Cette opinion va droit à l’hérésie : elle est contraire à l’enseignement des livres saints. Commander à des forces actives, leur donner l’impulsion, les diriger en quelque sorte à travers l’espace, ce n’est pas se mouvoir soi-même. Or, l’Écriture sainte attribué en mille endroits le mouvement personnel aux célestes intelligences, D’autres disent enfin que les anges se meuvent par la faculté qu’ils ont d’être en même temps dans plusieurs lieux, même partout quand ils le désirent. Mais cette opinion mérite aussi la note d’hérésie. L’être qui est partout ne se meut point, et un esprit supérieur qui pourrait être partout serait immense, infini : il serait Dieu[1].
Les Juifs, à l’exception des sadducéens, admettaient et honoraient les anges, en qui ils voyaient, comme nous, des substances spirituelles, intelligentes, les premières en dignité entre les créatures, et qui, pour nous, n’ont au-dessus d’eux que la sainte Vierge.
Les rabbins, qui depuis la dispersion ont tout altéré, et qui placent la création des anges au second jour, ajoutent qu’ayant été appelés au conseil de Dieu, lorsqu’il voulut former l’homme, leurs avis furent partagés, et que Dieu fit Adam à leur insu, pour éviter leurs murmures. Ils reprochèrent néanmoins à Dieu d’avoir donné trop d’empire à Adam. Dieu soutint l’excellence de son ouvrage, parce que l’homme devait le louer sur la terre, comme les anges le louaient dans le ciel. Il leur, demanda ensuite s’ils savaient le nom de toutes les créatures ? Ils répondirent que non ; et Adam, qui parut aussitôt, les récita tous sans hésiter, ce qui les confondit.
L’Écriture sainte a conservé quelquefois aux démons le nom d’anges, mais anges de ténèbres, anges déchus ou mauvais anges. Leur chef est appelé le grand dragon et l’ancien serpent, à cause de la forme qu’il prit pour tenter la femme.
Zoroastre, enseignait l’existence d’un nombre infini d’anges ou d’esprits médiateurs, auxquels il attribuait non-seulement un pouvoir d’intercession subordonné à la providence continuelle de Dieu, mais un pouvoir aussi absolu que celui que les païens, prêtaient à leurs dieux[2]. C’est le culte, rendu à des dieux secondaires que saint Paul a condamné[3].
Les musulmans croient que les hommes ont chacun deux anges, gardiens, dont l’un écrit le bien qu’ils font, et l’autre le mal. Ces anges sont si bons, ajoutent-ils, que, quand celui qui est sous leur garde fait une mauvaise action, ils le laissent dormir avant de l’enregistrer, espérant qu’il pourra se repentir à son réveil. Les Persans donnent a chaque homme cinq anges-gardiens, placés : le premier à sa droite pour écrire ses bonnes actions, le second à sa gauche pour écrire les mauvaises, le troisième devant lui pour le conduire, le quatrième derrière pour le garantir des démons, et le cinquième, devant son front pour tenir son esprit élevé vers Prophète. D’autres en ce pays portent le nombre des anges gardiens de chaque homme jusqu’à cent soixante ; ce qui est une grande vanité.
Les Siamois divisent les anges en sept ordres, et les chargent de la garde des planètes, des villes, des personnes. Ils disent que c’est pendant qu’on éternue que les mauvais anges écrivent les fautes des hommes.
Les théologiens admettent neuf chœurs d’anges, en trois hiérarchies les séraphins, les chérubins, les trônes ; — les dominations, les principautés, les vertus des cieux ; — les puissances, les archanges et les anges.
Parce que des anges, en certaines occasions où Dieu l’a voulu, ont secouru les Juifs contre leurs ennemis, les peuples modernes ont quelquefois attendu le même prodige. Le jour de la prise de Constantinople par Mahomet II, les Grecs schismatiques, comptant sur la prophétie d’un de leurs moines, se persuadaient que les Turcs n’entreraient pas dans la ville, mais qu’ils seraient arrêtés aux murailles par un ange armé d’un glaive, qui les chasserait et les repousserait jusqu’aux frontières de la Perse. Quand l’ennemi parut sur la brèche, le peuple et l’armée se réfugièrent dans le temple de Sainte-Sophie, sans avoir perdu tout espoir ; mais l’ange n’arriva pas, et la ville fut saccagée.
Cardan raconte qu’un jour qu’il était à Milan, le bruit se répandit tout à coup qu’il y avait un ange dans les airs au-dessus de fa ville. Il accourut et vit, ainsi que deux mille personnes rassemblées, un ange qui planait dans les nuages, armé d’une longue épée et les ailes étendues. Les habitants s’écriaient que c’était l’ange exterminateur ; et la consternation devenait générale, lorsqu’un ecclésiastique fit remarquer que ce qu’on voyait n’était que la représentation dans les nuées d’un ange de marbre blanc placé au haut du clocher de Saint-Gothard.