Anne d’Autriche
- Dufey (de l’Yonne)
- Encyclopédie de famille
Anne d’Autriche, fille de Philippe III, roi d’Espagne, était née le 22 septembre 1601, cinq jours avant Louis XIII, qu’elle épousa à Bordeaux le 9 novembre 1615. Ce mariage, projeté sous Henri IV, et contre son gré, n’avait pu avoir lieu ; mais à peine le roi eut-il fermé les yeux que sa veuve, Marie de Médicis, renoua les négociations pour une double union entre l’héritier du trône et l’infante, et entre le frère de l’infante, depuis Philippe IV, et Élisabeth de France. Cette double alliance réussit par les intrigues de Concini et de sa femme. Selon Mme de Motteville, Anne d’Autriche « était grande, et avait la mine haute sans être fière ; elle avait dans l’air du visage de grands charmes, et sa beauté imprimait dans le cœur de ceux qui la voyaient une tendresse toujours accompagnée de vénération et de respect. » Malgré cela elle ne se fit point aimer du roi ; elle fut toujours liée avec les mécontents, et rendit suspecte son affection pour le roi d’Espagne, son frère, en ne lui écrivant qu’en cachette et par l’entremise de gens souvent ennemis de la France.
Richelieu dut sa haute fortune politique à la reine. L’extrême bienveillance qu’il obtint et qui lui ouvrit l’entrée du conseil n’était peut-être que l’effet de la faveur du maréchal d’Ancre et de sa femme. Parvenu à son but, et maître absolu, sous le nom d’un roi sans caractère et sans énergie, la politique seule et son intérêt l’avaient pu déterminer à éloigner Anne d’Autriche, pour n’avoir pas toujours à combattre une influence rivale. Cette influence surtout pouvait être redoutable depuis que Louise de La Fayette, alors retirée dans son couvent, avait, avec autant d’adresse que de bonheur, rapproché les deux époux. Soit réalité, soit calomnie, le nom d’Anne d’Autriche se trouvait compromis dans toutes les conspirations contre le roi ou son premier ministre. Anne ne cessait de commettre des imprudences, et elle avait eu connaissance de la conjuration de CinqMars.
Deux fils étaient nés depuis quelques années à Louis XIII lorsque ce prince mourut. Ses dernières dispositions pour la régence établissaient un conseil sans lequel la régente ne pouvait agir. Ce testament fut cassé par le parlement, et la régente resta souveraine absolue. L’habitude d’être gouvernée la rendait incacable d’agir seule, et son nouveau favori, Mazarin, régna sous son nom. Les premiers jours de la régence furent signalés par de folles prodigalités. Anne jetait à pleines mains l’or et les emplois. Le trésor fut bientôt épuisé, et la curée des emplois consommée. Toute la France se souleva contre la nomination d’un favori étranger. La guerre de la Fronde éclata ; jamais régence n’avait été plus orageuse. Les puissances étrangères, les princes du sang et les seigneurs de la cour, tout ce que Richelieu avait si fortement comprimé, se souleva contre elle. Son énergie ne fut pas au-dessous du danger. Richelieu lui manquait, car, disait-elle, « il serait aujourd’hui plus puissant que jamais ; » mais elle avait Mazarin. La guerre civile et la guerre extérieure liguées ensemble ne l’épouvantèrent pas ; elle vainquit la maison d’Autriche et la Fronde, Turenne et Condé, la noblesse et la démocratie ; elle conserva à la France son ascendant, à l’autorité royale sa force, et, grâce à elle seule, Louis XIV hérita de la monarchie nouvelle que Richelieu avait fondée. Anne, qui, avec une inconcevable légèreté, avait sacrifié sans regret, sans le moindre signe de pitié, ses plus fidèles serviteurs, s’associa à tous les dangers de Mazarin : l’expulsion de ce favori hors de la France, sa proscription, ne purent la détacher de lui. Pour lui elle exposa sa vie, son avenir, l’avenir de ses enfants et le trône de France. Dans ses dernières années elle se livra aux pratiques de la plus minutieuse dévotion. Elle mourut au Louvre le 20 janvier 1666. Son corps n’était qu’une plaie. Elle avait toujours été si passionnée pour la parure qu’on ne pouvait trouver dé batiste assez fine pour elle ! Mazarin lui disait que si elle allait en enfer, son unique supplice serait d’être couchée dans des draps de toile de Hollande. Elle aimait les parfums et les fleurs, et avait une antipathie insurmontable pour les roses, qu’elle ne pouvait souffrir, même en peinture. Elle chargea Mignard de peindre la coupole du dôme du Val-de-Grâce, fondé par elle, et toutes les fresques de ce beau monument. Elle encouragea également quelques littérateurs.