Anne de Bretagne
- Dufey (de l’Yonne)
- Encyclopédie de famille
Anne de Bretagne, reine de France, fille unique de François II, duc de Bretagne, et de Marguerite de Foix, naquit à Nantes le 26 janvier 1476. Elle n’avait que cinq ans lorsqu’elle fut fiancée, en 1480, à Edouard, prince de Galles, fils d’Édouard IV, roi d’Angleterre, âgé de neuf ans. Ce prince fut assassiné deux ans après par le duc de Glocester, son oncle, qui s’empara du trône, sous le nom de Richard 111. Le duc François II confia l’éducation de sa fille à la dame de Laval. À peine âgée de treize ans.,. Anne se vit recherchée par plusieurs princes, entre lesquels on distinguait Alain, sire d’Albret ; le duc d’Orléans, qui fut depuis le roi Louis XII ; Maximilien d’Autriche, roi des Romains, héritier présomptif de l’Empire ; et le jeune comte de Richmond, dernier rejeton de l’illustre et malheureuse maison de Lancaster. Si Anne n’avait consulté que son cœur, le duc d’Orléans l’eût dès lors emporté ; mais l’ambition, et le vœu des états de Bretagne firent tourner la chance en faveur de l’archiduc Maximilien, qui l’épousa par procureur, eu 1490. Cette seconde alliance eut le sort de la première ; elle resta sans effet, et la Bretagne échappa à la maison d’Autriche. Après le traité de Coiron et la mort du duc François, Anne se trouva maîtresse de sa principauté et de son cœur. Le duc d’Orléans fut encore contraint de sacrifier ses plus chères espérances : Charles VIII, qui avait fait ses dispositions pour se rendre maître de la Bretagne, demanda la main de la princesse Anne. La réunion de la Bretagne à la France fut une des conditions de ce mariage. La paix de cette province et de la France en devint l’heureux résultat. Le contrat et la célébration nuptiale eurent lieu à Langeai, en Touraine, le 16 décembre 1491. Anne accompagna son époux au Plessis-lès-Tours, où ils séjournèrent quelque temps. Leur marche de Tours à Paris fut triomphale. La cérémonie du sacre de la jeune reine eut lieu à Saint-Denis, le 8 février 1492. Le lendemain elle fit son entrée à Paris, et prit le titre de reine-duchesse. La réunion de la Bretagne à la France était consommée ; mais tout ce qui rappelait cet événement lui déplaisait.
La mort du dauphin, son fils, rapprochait le duc d’Orléans du trône. La joie qu’il laissa éclater à cette occasion était une insulte à la douleur d’une mère. Peutêtre la reine se trompa-t-elle sur les véritables intentions du prince, plus galant qu’ambitieux ; mais ne sachant aimer ni haïr faiblement, elle employa tout son ascendant sur le roi pour lui rendre le duc d’Orléans suspect. Ce prince finit par être accusé d’attenter aux droits, à l’autorité du roi, et de conspirer dans son gouvernement de Normandie. Il dut quitter la cour et se retirer à Blois. Il ne dépendit pas de la reine qu’il ne fût exilé plus loin. Anne gouverna le royaume avec une grande habileté pendant l’expédition de Charles VIII en Italie. À la mort si prompte de ce prince, Anne parut inconsolable, et pendant les deux premiers jours elle refusa de prendre aucune nourriture. L’ambition avait sans doute une grande part à cette douleur. Elle prit le deuil en noir ; jusqu’alors les reines l’avaient porté en blanc. Elle ordonna elle-même les obsèques du feu roi, et lui fit construire un magnifique mausolée. Revêtue du titre purement honorifique de duchesse, elle se retira en Bretagne, y mena le train d’une souveraine, y fit battre monnaie à son coin, rendit lusieurs édits, accorda des lettres d’anolissement et de grâce, convoqua les états de la province à Rennes. C’était protester contre les clauses du traité qui avait réuni la Bretagne à la France. Louis XII avait oublié avec quel acharnement elle l’avait persécuté ; et à peine sur le trône il lui fit proposer sa couronne et sa main. Anne affecta des scrupules. Louis était marié depuis vingt-quatre ans ; mais il pouvait divorcer, et il était certain d’obtenir l’assentiment du pape : les négociations s’ouvrirent immédiatement entre ses agents et ceux d’Alexandre VI. La séparation et la dispense n’éprouvèrent aucune difficulté, sérieuse. Louis XII ne parut plus vivre que pour sa nouvelle epouse. Le mariage fut célébré à Nantes, le 8 janvier 1499. Louis lui abandonna tous les revenus de la Bretagne : elle les employait à faire les honneurs de sa cour, en cadeaux aux hommes de lettres, aux artistes et aux capitaines qui avaient perdu leurs équipages à la guerre. Louis tomba malade à Blois : Anne ne quitta pas le chevet de son lit. On désespéra de ses jours, et la première pensée de la reine fut de tout disposer pour son retour en Bretagne. Elle fit embarquer sur la Loire ses diamants, ses meubles, ses effets les plus précieux : quatre bateaux en étaient chargés. Elle expédia par la même voie sa fille Jeanne. Le maréchal de Gié fit arrêter le convoi entre Saumur et Nantes. Louis recouvra la santé, mais Anne ne put pardonner à Gié sa conduite. Le maréchal avait gagné ses grades sur les champs de bataille ; Louis XII l’appelait son ami ; il l’exila dans sa terre de Verger, l’accusa de péculat et de lèse-majesté, laissa requérir contre lui la peine de mort, le promena de tribunaux eu tribunaux, et souffrît qu’il fût dépouillé de tous ses emplois et suspendu de sa dignité de maréchal pendant cinq ans, avec défense d’approcher de la cour pendant ce laps de temps. Anne ne formait qu’un vœu : elle voulait à tout prix séparer à jamais la Bretague de la France. Cette province était la dot de la princesse Claude, sa fille ; elle s’opposa à son mariage avec le duc d’Angoulème, depuis François Ier. Elle lui destinait un autre époux, Charles d’Autriche, qui fut depuis Charles-Quint. Cette fois Louis XII résista, et le premier mariage projeté eut lieu. Jamais Anne ne montra la moindre sympathie pour la France, et le roi l’appelait sa Bretonne. Elle fut la première reine qui eut des gardes. Outre la compagnie française attachée à sa maison, elle avait une escorte d’honneur de cent gentilshommes bretons, qui l’accompagnaient partout. Presque tous ses officiers, presque tous ses domestiques étaient Bretons. Elle s’entourait de poètes, et visait à paraître savante, affectant de répondre aux ambassadeurs dans leur langue, grâce à son chevalier d’honneur Grignaux, qui avait beaucoup voyagé et les savait toutes. Elle tomba malade à Blois le 2 janvier 1514, et mourut sept jours après.