Annonce
- Encyclopédie de famille
Annonce. C’est, dit l’Académie, l’avis par lequel on fait savoir quelque chose au public, verbalement ou par écrit. On voit que l’annonce comprend de nombreuses variétés, tant sous le rapport de son objet que sous celui de ses procédés. Le prêtre fait des annonces au prône, l’autorité fait faire des annonces à son de trompe ou de tambour dans les communes rurales ; le saltimbanque annonce son spectacle à la porte de son théâtre ; le charlatan annonce sa marchandise de cent façons ; enfin il y a des annonces légales et judiciaires. Affiches, écriteaux, enseignes, cris, distribution d’imprimés, etc., tout cela c’est de l’annonce. Mais celle qui doit surtout nous occuper ici, c’est l’annonce dans les journaux.
C’est en Angleterre et en Amérique que les annonces des journaux ont pris la plus grande extension. Leur accroissement a amené l’agrandissement exagéré des formats. Le Times, le plus grand consommateur de papier qui existe, publie tous les jours quarante colonnes d annonces : la civilisation moderne, sous toutes ses formes, se trouve représentée dans cette immense mêlée.
En France la chose n’est pas aussi nouvelle qu’on pourrait le croire : dès l’origine, à côté des nouvelles politiques, les gazettes enseignaient les livres qui venaient de paraître, les découvertes qu’on venait de faire. Le vieux Mercure de France ne se prive pas d’indiquer où l’on vend certains sirops ou quelques bonbons pour le rhume, des modes et nouveautés, des remèdes contre les cors, des mouches, des cuirs, admirables, et d’enseigner des demoiselles anglaises qui s’offrent pour dames de compagnie. Mais avant que le journalisme devint une puissance, la librairie, qui n’avait pas encore découvert le secret de vendre n’importe quoi en raison seulement de l’argent dépensé en annonces, se contentait d’adresser deux exemplaires de chaque livre nouvellement imprimé aux journaux, qui en rendaient compte gratuitement. Un exemplaire restait au directeur, l’autre appartenait au laborieux collaborateur qui devait l’analyser. Dans un discours à propos d’une loi sur la presse, M. de Villèle indiqua aux journaux le moyen de se faire un grand revenu en vendant leur publicité. Ils profitèrent de l’avis. Les lois sur le timbre les poussèrent à augmenter leur format, et à vendre la place qui leur restait. Des courtiers d’annonces, des entrepreneurs de publicité s’organisèrent. La révolution de juillet donna une nouvelle importance à la presse, les journaux eurent bien plus de lecteurs. L’instruction primaire se répandit, les moyens d’exécution typographique se perfectionnèrent, le format des journaux put s’agrandir outre mesure, leur quatrième page se remplit de plus en plus d’avis au public. Quelques spéculateurs adroits tirèrent un grand profit des annonces ; d’autres, moins heureux, furent plus entreprenants encore. En 1834 l’annonce rapportait de 200 à 250,000 francs au Journal des Débats et à la Gazette de France, qui avaient à peu près chacun 10,000 abonnés. En dépensant 60,000 f r. de publicité, M. Émile de Girardin était parvenu à donner 120,000 abonnés au Journal des connaissances utiles. Il établit qu’en diminuant le prix des journaux on aurait plus d’abonnés, et que plus on aurait de lecteurs, plus on aurait d’annonces ; c’est là-dessus qu’il basa la combinaison des journaux à prix réduits, qui demandent à peine aux abonnés la rétribution du timbre, du papier et de l’impression, afin d’en avoir un plus grand nombre. Les faits répondirent à ses espérances. Le Siècle et la Presse réussirent sur cette donnée.
D’abord les journaux recevaient euxmêmes les annonces dans leurs bureaux. Une compagnie se forma en 1845 pour exploiter l’annonce, et moyennant un prix fixe payé à chaque journal, elle concentra une grande partie de la publicité des journaux entre ses mains. Elle eut la prétention d’avoir rendu un service important aux journaux, celui d’avoir entièrement et publiquement dégagé la rédaction du journal de tout ce qui pouvait s’y mêler de mercantile et de parasite. « N’est-il pas juste, en effet, disait la société Duveyrier, que tout ce qui doit tirer de la publicité un profit quelconque la paye, et la paye hautement, afin qu’à son tour le journal puisse payer largement le personnel de sa rédaction et établir sur tous les points du globe des correspondants soigneusement choisis, sans qu’il ait à se mettre patemment ou clandestinement à la solde d’aucun parti, d’aucun cabinet, d’aucun intérêt, d’aucune passion ? L’annonce, judicieusement comprise et régulièrement constituée, est et doit être à la rédaction d’un journal quotidien ce que l’impôt judicieusement assis et librement voté est au gouvernement d’un pays : la source de son existence, le principal agent du développement de toutes ses forces. Pas d’impôt, pas de gouvernement ; pas d’annonces, pas de journal. » Les journaux ne suivirent, bien entendu, que ce qui leur plut de ce programme.
On vit alors la société Duveyrier prendre beaucoup de peine pour donner le goût de l’annonce à la société française. Des bureaux furent établis dans tous les quartiers de Paris. On créa l’annonce omnibus à 30 centimes la ligne, on offrit des remises aux concierges ; il ne devait plus y avoir d’autres avis au public que les annonces dans les journaux ; plus d’affiches, plus d’écriteaux ; aviez-vous un appartement à louer, un poêle à vendre, un chien perdu, un ami disparu : pour moins d’un franc vous le faisiez savoir au monde entier, et vous ne pouviez manquer de trouver un locataire, un acheteur, ou de revoir votre chien ou votre ami. Vouliez-vous correspondre avec n’importe qui, au loin, à bon marché : vite une insertion dans le journal. Enfin l’annonce allait supplanter la poste aux lettres. Malheureusement l’annonce n’était pas dans nos habitudes ; on eut beau citer l’exemple des Anglais et des Américains, l’annonce omnibus ne fut pas assez lue, à ce qu’il paraît : elle disparut. La société générale d’annonces se contenta d’avoir concentré le service de la publicité entre ses mains, et la révolution de Février amena sa dissolution. D’autres sociétés se formèrent pour l’exploitation des annonces de chaque journal. Le prix des avis se releva, et plusieurs sociétés d’annonces fusion* nèrent. Les tribunaux ont décidé qu’elles, avaient le droit d’admettre ou de refuser les annonces à leur volonté. L’affiche et le prospectus de commerce payaient en général un timbre pour chaque annonce, le journal n’en payait qu’un pour toutes celles qu’il renfermait. Plusieurs fois on demanda l’établissement d’un droit sur les annonces des journaux, comme en Angleterre, ou seulement l’accroissement du timbre ; aucun gouvernement ne s’y décida en France, et l’Angleterre ellemême finit par renoncer au droit sur les annonces.
En 1857 le droit de timbre fut supprimé sur les avis imprimés et distribués à la main ; mais il resta appliqué aux affiches collées au mur. Le journal exempté par son contenu du droit de timbre peut recevoir seulement des annonces relatives aux matières qu’il traite. Il y a des journaux qui ne contiennent pas autre chose que des annonces. Le plus ancien journal de ce genre, le Journal général d’affiches, plus connu sous le nom des Petites-Affiches, remonte au 14 octobre 1612. Il obtint de Louis XIII, par lettres patentes, des privilèges qui lui furent confirmés par d’autres lettres de 1628 à 1635. Deux siècles et demi se sont écoulés sans que les Petites-Affiches aient changé ni leur titre ni la nature de leur publicité. Elles ont eu depuis bien des concurrences. Vers 1834 se fonda le Gratis, qui devait se distribuer pour rien, et qui se donna même à un moment dans les omnibus. Il y eut aussi la Voie publique, qui se donnait dans les rues.
L’annonce envahit tout. Elle possède la dernière page de tous les journaux politiques et littéraires, et quelquefois au delà. Le grave Moniteur lui-même, journal officiel de l’Empire français, lui emprunte de bons revenus. L’annonce s’ajoute en cahiers à beaucoup de livres, aux revues, aux annuaires, aux almanachs. Elle orne les murs des lieux publics, des bureaux de voitures, des cafés, des gares de chemins de fer, des vestibules d’hôtels, etc. Elle a même des boutiques spéciales. Elle illustre et décore les petites maisons des marchands de journaux. Elle règne au-dessus de nos têtes en omnibus. Elle se promène à pied, à cheval et en voiture. Elle a produit des merveilles, fasciné l’or, amené l’argent par monceaux à tous les feux de la spéculation. Elle restera une des grandes choses de notre temps.
La loi exige l’insertion d’une foule d’actes judiciaires dans un journal de la localité. À Paris cette publicité a des organes spéciaux non politiques, ce sont d’anciens privilèges, partagés depuis 1858 par le Moniteur. En province il n’en est pas de même : l’annonce ne suffirait pas au. journal. Il s’occupe de politique ; mais alors un journal d’opinion contraire se forme et dispute l’annonce au premier. En 1841, une loi donna aux cours royales le droit de déclarer dans quel journal seraient placées les annonces judiciaires. On se plaignit que les annonces judiciaires fussent données aux journaux ministériels, sans tenir compte du nombre de leurs lecteurs. En 1848 un décret du gouvernement provisoire permit aux parties de choisir le journal du département où elles voudraient faire leurs insertions. Le décret du 17 février 1852 porte que c’est le préfet qui désigne le journal ou les journaux de l’arrondissement, et à défaut du département, où sont reçues les annonces judiciaires.