Anthrax

  • Médecine
  • A. Le Pileur
  • Encyclopédie moderne

Anthrax. On a donné ce nom à des maladies de natures différentes, dont les unes sont idiopathiques, les autres symptomatiques d’une affection principale. Ainsi on a nommé anthrax malin les tumeurs gangreneuses ou charbons qui surviennent dans la peste d’Orient ; on a désigné encore sous ce nom la pustule maligne, affection contagieuse qui parait se développer spontanément chez les animaux et se communique facilement de ceux-ci à l’homme. Cependant le mot anthrax s’applique surtout en médecine à l’anthrax bénin, tumeur analogue au furoncle, et qui n’a de commun que l’apparence extérieure, dans quelques cas, avec les accidents précités.

C’est de l’anthrax bénin seulement que nous parlerons ici ; les affections ou symptômes nommés par les auteurs anthrax malin seront décrits aux mots Peste et Pustule maligne.

L’anthrax consiste dans l’inflammation de plusieurs des prolongements que le tissu cellulaire sous-cutané envoie dans les aréoles fibreuses du derme pour accompagner les vaisseaux et les nerfs qui se rendent à la face superficielle de cette membrane. L’anthrax diffère du furoncle ence que ce dernier ne siège que dans un seul de ces prolongements. L’inflammation détermine le gonflement des parties qu’elle a envahies ; celles-ci distendent les parties voisines, qui, tout en cédant, resserrent, étranglent et amènent ainsi à se gangrener, les tissus enflammés, tandis qu’elles-mêmes, placées par leur extrême distension hors des conditions vitales, se gangrènent aussi. Le mal se borne quelquefois à une petite étendue, d’autres fois il gagne de proche en proche, ou, se déclarant tout d’abord sur une surface de quelques centimètres carrés, il fait de rapides progrès. Le professeur Sanson a vu un anthrax qui couvrait presque tout le dos, et formait une saillie d’environ vingt centimètres à son sommet. Quelquefois la tumeur est unique, quelquefois on eu observe en même temps plusieurs sur divers points. De même que le furoncle, l’anthrax siège ordinairement sur les points où la peau est le plus épaisse, à la nuque, au dos, aux fesses, etc.

Les causes de l’anthrax sont peu connues ; tout ce qui peut avoir une action ou une réaction violente sur la peau semble pouvoir amener l’anthrax, qui doit être évidemment rangé parmi les maladies du derme. La présence de corps irritants, d’un exutoire quelconque, amène l’anthrax comme l’érésipèle. Ce n’est pas le seul rapprochement qu’on puisse faire dans l’étiologie de ces deux affections si différentes de forme. L’anthrax succède quelquefois à l’érésipèle ; quelquefois, comme cet exanthème, il paraît sous l’influence de causes internes ; il semble quelquefois un effort critique de la nature, et remplace les autres symptômes, qui disparaissent à mesure qu’il s’établit ; d’autres fois, au contraire, en s’ajoutant aux autres maux du malade, il détermine une issue funeste.

Quoi qu’il en soit, on observe généralement à son début l’état saburral des premières voies et les autres symptômes de l’embarras gastrique ; bientôt le pouls s’élève, s’accélère, et les accidents inflammatoires, locaux et généraux, se développent et l’accompagnent de douleurs proportionnées à l’étendue du mal, mais toujours vives. Au bout de quelques jours, la suppuration s’établit au centre de la tumeur, qui se ramollit dans ce point, tandis que ses bords restent durs ; la peau se gangrène dans une certaine étendue, la tumeur s’ulcère, et le pus contenu dans les aréoles du derme se fait jour en entraînant des lambeaux de tissu cellulaire gangrené et un certain nombre de bourbillons, semblables à celui qui occupe le centre d’un furoncle. Puis la plaie marche vers la cicatrisation.

Le pronostic de l’anthrax varie suivant le siège, l’étendue et le nombre des tumeurs ; l’âge, la constitution du malade et les affections concomitantes sont aussi pour beaucoup dans sa terminaison heureuse ou funeste.

Le traitement doit tendre à faire avorter l’inflammation ou du moins à la circonscrire dans des limites peu étendues. Au début, et s’il y a état saburral, on donne avec avantage un émétique et quelques purgatifs. Des sangsues en grand nombre, appliquées autour de la tumeur commençante, des fomentations, des cataplasmes émollients et narcotiques combattent l’inflammation ; mais dès que l’anthrax est formé, dès que les signes d’une inflammation invincible se font voir, il faut, sans attendre plus longtemps, inciser cruciatement la tumeur dans toute son épaisseur. Peu après cette opération, la douleur cesse ; le malade, en quelques secondes, recouvre le repos, et le mal cesse presque toujours de s’étendre. Des pansements appropriés aux exigences de la plaie facilitent la cicatrisation, qui est généralement assez rapide.