Augures
- Dictionnaire infernal
Augures. Les augures étaient, chez les Romains, les interprètes des dieux. On les consultait avant toutes les grandes entreprises : ils jugeaient du succès par le vol, le chant et la façon de manger des oiseaux. On ne pouvait élire un magistrat, ni donner une bataille, sans avoir consulté l’appétit, des poulets sacrés ou les entrailles des victimes. Annibal pressant le roi Prusias de livrer bataille aux Romains, celui-ci s’en excusa en disant que les victimes s’y opposaient. — « C’est-à-dire, reprit Annibal, que vous préférez l’avis d’un mouton à celui d’un vieux général. »
Les augures prédisaient aussi l’avenir par le moyen du tonnerre et des éclairs, par les éclipses et par les présages qu’on tirait de l’apparition des comètes. Les savants n’étaient pas dupes de leurs cérémonies, et Cicéron disait qu’il ne concevait pas que deux augures pussent se regarder sans rire.
Quelques-uns méprisèrent, il est vrai, la science des augures ; mais ils s’en trouvèrent mal, parce que le peuple la respectait. On vint dire à Claudius Pulcher, prêt à livrer bataille aux Carthaginois, que les poulets sacrés refusaient de manger. — « Qu’on les jette à la mer, répondit-il, s’ils ne mangent pas, ils boiront. » Mais l’armée fût indignée de ce sacrilège, et Claudius perdit la bataille[1].
Les oiseaux ne sont pas, chez nos bonnes gens, dépourvus du don de prophétie. Le cri de la chouette annonce la mort ; le chant du rossignol promet de la joie ; le coucou donne de l’argent, quand on porte sur soi quelque monnaie le premier jour qu’on a le bonheur de l’entendre, etc.
Si une corneille vole devant vous, dit Cardan, elle présage un malheur futur ; si elle vole à droite, un malheur présent ; si elle vole à gauche, un malheur qu’on peut éviter par la prudence ; si elle vole sur votre tête, elle annonce la mort, pourvu toutefois qu’elle croasse ; si elle garde le silence, elle ne présage rien…
On dit que la science des augures passa des Chaldéens chez les Grecs, et ensuite chez les Romains. Elle est défendue aux Juifs par le chapitre xxix du Lévitique.
Gaspard Peucer dit que les augures se prenaient de cinq choses : 1° du ciel ; 2° des oiseaux ; 3° des bêtes à deux pieds ; 4° des bêtes à quatre pieds ; 5° de ce qui arrive au corps humain, soit dans la maison, soit hors de la maison.
Mais les anciens livres auguraux, approuvés par Maggioli dans le deuxième colloque du supplément à ses Jours caniculaires, portent les objets d’augures à douze chefs principaux, selon le nombre des douze signes du zodiaque : 1° l’entrée d’un animal sauvage ou domestique dans une maison ; 2° la rencontre d’un animal sur la route ou dans la rue ; 3° la chute du tonnerre ; 4° un rat qui mange une savate, un renard qui étrangle une poule, un loup qui emporte une brebis, etc. ; 5° un bruit inconnu entendu dans la maison, et qu’on attribuait à quelque lutin ; 6° le cri de la corneille ou du hibou, un oiseau qui tombe sur le chemin, etc. ; 7° un chat ou tout autre animal qui entre par un trou dans la maison : on le prenait pour un mauvais génie ; 8° un flambeau qui s’éteint tout seul, ce que l’on croyait une malice d’un démon ; 9° le feu qui pétillé. Les anciens pensaient que Vulcain leur parlait alors dans le foyer ; 10° ils Liraient encore divers présages lorsque la flamme étincelait d’une manière extraordinaire ; 11° lorsqu’elle bondissait, ils s’imaginaient que les dieux Lares s’amusaient à l’agiter ; 12° enfin, ils regardaient comme un motif d’augure une tristesse qui leur survenait tout à coup.
Nous avons conservé quelques traces de ces superstitions, qui ne sont pas sans poésie.
Les Grecs modernes tirent des augures du cri des pleureuses à gages. Ils disent que si l’on entend braire un âne à jeun, on tombera infailliblement de cheval dans la journée, — pourvu toutefois qu’on aille à cheval. (Voyez : Ornithomancie, Aigle, Corneille, Hibou, Aruspices, etc.).