B
- Grammaire
- Léon Vaisse
- Encyclopédie moderne
B. Les grammairiens de Port-Royal ont proposé de nommer toutes les consonnes, en faisant suivre uniformément l’articulation que chacune d’elles représente, du son e tel qu’on l’entend dans les monosyllabes ce, de, etc., et de changer, par exemple, le nom de bé, que l’on avait toujours donné en France à la lettre qui nous occupe, en celui de be. Sans discuter ici la valeur de ce changement, comme moyen de faciliter l’épellation, dans l’enseignement de la lecture, nous dirons seulement que, dans tous les autres cas, il nous semble préférable, tant dans l’intérêt de l’euphonie que dans celui de l’étymologie, de conserver à nos lettres leur nom traditionnel, et de nommer, par conséquent, celle-ci bé.
Le B est la seconde lettre et la première consonne de notre alphabet, comme il l’est de l’alphabet grec et de tous ceux qui ont la même origine ; mais il occupe, dans l’ancien alphabel irlandais ou erse, la première place, et dans l’alphabet runique, la treizième. Le caractère qui lui correspond dans le syllabaire éthiopien, est le neuvième.
La lettre B est la labiale pure douce, ou, pour mieux dire, sonnante ; car ce qui différence l’articulation qu’elle représente de celle de P, ce n’est pas que la première soit le moins du monde, comme on l’a prétendu, un adoucissement de l’autre ; mais c’est que l’explosion de la voix, qui a lieu au moment où les lèvres se séparent, est précédée pour le B d’un frémissement du larynx, qui n’a pas lieu pour le P ni pour aucune des articulations qu’on a improprement qualifiées de fortes. Comme toutes les labiales, le B est une des consonnes dont l’émission est le plus facile ; aussi, trouve-t-il, comme on sait, un fréquent emploi dans le vocabulaire des enfants.
Notre B a pris son nom et sa forme du bêta des Grecs, dérivé lui-même du beth des Phéniciens et des Hébreux. Le nom de cette lettre dans la langue de ces deux derniers peuples signifie maison, enclos, boite, tout ce qui renferme, dit Court de Gébelin. Pour expliquer sa figure primitive, on a vu le dessin d’un toit ou d’un couvercle dans le trait qui forme sa partie supérieure. Les Grecs en fermant de la même manière la partie inférieure, en ont fait le B à la double panse, d’abord triangulaire, puis arrondie en demi-cercle, que nous avons retenue nous-mêmes pour notre majuscule.
Parmi les caractères auxquels on a reconnu la valeur du B, dans les hiéroglyphes phonétiques des Égyptiens, on voit la figure d’un bélier ou d’une brebis, animaux dont le bêlement fait entendre assez exactement cette articulation, et celle de divers autres objets du nom desquels le B forme l’initiale en cophte.
Cette consonne a, dans chaque langue, d’assez nombreux analogues avec lesquels elle peut permuter. Le beth hébraïque s’échange notamment avec le vav, le mim et le fé. Il devrait même, selon les rabbins, ne se prononcer b que quand il porte un daguesch ou point intérieur ; sa prononciation naturelle étant, dans leur opinion, celle de notre v.
Chez les Grecs, les Éoliens échangeaient entre elles les différentes labiales β, π, μ et φ, et remplaçaient, devant le ρ, le signe d’aspiration dit esprit rude par un β. Cette dernière lettre était encore substituée par les Macédoniens, nous dit Plutarque, au φ, et par les habitants de Delphes au π. Mais la plus singulière substitution de cette nature était celle que les Doriens faisaient du γ au β ; car ces deux lettres n’ont entre elles aucune analogie.
Les Latins, dans la transcription des noms étrangers, substituaient le b à la diphthongue grecque ου, ou. Dans les mots qu’ils ont tirés du grec, ils ont tantôt changé le bêta en p, ph, f, v et m, tantôt changé au contraire pi et phi en b. Il est assez naturel d’attribuer à l’influence de certaines prononciations locales une partie au moins des nombreuses substitutions de lettres faites par les copistes ou les graveurs latins. On connaît le jeu de mots que fit l’empereur Aurélien sur Bonose, un de ses généraux, qui, né en Espagne, confondait, selon l’habitude de ses compatriotes, le b et le v :
« Non ut vivat natus est, sed ut bibat. »
Les Espagnols de nos jours prononcent encore le b comme un v quand il est placé entre deux voyelles, et les Gascons leurs voisins apportent souvent dans le français ce vice de prononciation. Les variations qu’a subies l’orthographe ont quelquefois aussi tenu à des changements dans la prononciation dominante ; aussi peuvent-elles servir à fixer approximativement l’âge des monuments écrits. Ainsi, dans une fou le de cas, le b des anciens Romains est devenu un v sous la plume des copistes de l’époque postérieure, tandis que le p de l’antienne orthographe, s’est, dans la nouvelle, changé en b. Il y eut longtemps tant d’incertitude dans l’emploi des lettres b et v que l’on composa, au cinquième siècle, plusieurs traités spéciaux sur la simple question de savoir dans quel cas chacune de ces deux lettres devait être employée. Nos ancêtres les Francs ont souvent inséré le b entre la labio-nasale met les liquides b et r des mots latins qu’ils francisaient. C’est ainsi qu’ils ont fait de cumulus comble, de marmor marbre.
Les Arméniens ont donné, dans leur alphabet, à la lettre qui y occupe la place du bêta des Grecs anciens, la valeur de la muette correspondante p ; les Grecs modernes, comme aussi les Cophtes, ont changé en vita le nom de leur première consonne, et lui ont donné la valeur de notre v, ou quelquefois celle de notre f. Pour représenter l’articulation b des noms étrangers, ils réunissent les deux caractères μ et π. Les Slaves ont emprunté avec sa nouvelle valeur, le β des Grecs et ont inventé, pour l’ancienne valeur, une lettre qui diffère de l’autre en ce que la panse supérieure est ouverte. Le faou des Allemands, qui fait, dans sa prononciation, double emploi avec la lettre f, n’est, dans sa forme majuscule, qu’une légère modification du B.
La lettre B est une de celles que l’on rencontre le plus souvent dans les inscriptions latines, d’abord comme initiale de divers noms de villes ou de personnages, ensuite comme abréviation de mots tels que bonus, bene, bon, bien, etc. Accompagnant un titre d’emploi public, elle indique que celui qu’il qualifie en était revêtu pour la seconde fois.
Le beth des Hébreux, le bêta des Grecs, le ba des Arabes, ont, employés comme lettre numérale, la valeur de 2. Bêta valait 2,000, s’il était accompagné d’un trait à gauche ou audessous. Le B parait avoir eu aussi, chez les Romains, la valeur de chiffre : il désignait 300 ou 3,000, selon qu’il n’était pas, ou bien qu’il était surmonté d’un trait horizontal.
Le B est la lettre dominicale des années dont le premier dimanche tombe le 2 janvier.
En algèbre, le B désigne la seconde quantité connue.
En musique, lorsque l’on appliqua aux notes les noms des lettres, B servit à indiquer le second degré de l’échelle. Comme ce degré était double et avait deux cordes, dont l’une était d’un ton entier et l’autre d’un demi-ton seulement plus haute que la première, on indiqua par un grand B la corde la plus élevée et par un petit b la corde la plus basse. Ce fut l’expression du premier intervalle chromatique dans l’échelle musicale. Dans la gamme diatonique des modernes, l’ancien ton de B répond à la septième note du si.