Bayer
- Dictionnaire infernal
Bayer. En 1726, un curé du diocèse de Constance, nommé Bayer, pourvu de la cure de Rutheim, fut inquiété par un spectre ou mauvais génie qui se montrait sous la forme d’un paysan mal vêtu, de mauvaise mine et très puant. Il vint frapper à sa porte ; étant entré dans son poêle, il lui dit qu’il était envoyé par le prince de Constance, son évêque, pour certaine commission qui se trouva fausse. Il demanda ensuite à manger. On lui servit de la viande, du pain et du vin. Il prit la viande à deux mains et la dévora avec les os, disant : « Voyez comme je mange la chair et les os ; faites-vous de même[1] ? » Puis il prit le vase où était le vin, et l’avala d’un trait ; il en demanda d’autre qu’il but de même. Après cela il se retira sans dire adieu ; et la servante, qui le conduisait à la porte, lui ayant demandé son nom, il répondit : « Je suis né à Rutsingue, et mon nom est Georges Raulin ; » ce qui était faux encore.
Il passa le reste du jour à se faire voir dans le village, et revint, le soir à minuit, à la porte du curé, en criant d’une voix terrible : Mynheer Bayer, je vous montrerai qui je suis…
Pendant trois ans, il revint tous les jours vers quatre heures après midi, et toutes les nuits avant le point du jour. Il paraissait encore sous diverses formes, tantôt sous la figure d’un chien barbet, tantôt sous celle d’un lion ou d’un autre animal terrible ; quelquefois sous les traits d’un homme, sous ceux d’une femme ; certains jours il faisait dans la maison un fracas semblable à celui d’un tonnelier qui relie des tonneaux ; d’autrefois on aurait dit qu’il voulait renverser le logis par le grand bruit qu’il y causait. Le curé fit venir comme témoins un grand nombre de personnes. Le spectre répandait partout une odeur insupportable, mais ne s’en allait pas. On eut recours aux exorcismes, qui ne produisirent aucun effet ; on résolut de se munir d’une branche bénite le dimanche des Rameaux, et d’une épée aussi bénite, et de s’en servir contre le spectre.
On le fit deux fois, et depuis ce temps il ne revint plus.
Ces choses, rapportées par dom Calmet, peuvent-elles s’expliquer, comme le proposent les esprits forts, par les frayeurs qu’un garnement aura causées au curé, frayeurs qui ont dû lui donner des visions ?…