Betterave
- Dictionnaire infernal
Betterave, plante potagère. Le Register de Newark, à l’occasion de la mort d’un jeune homme noyé dans les puits argileux d’Olivierstreet, raconte un fait qui s’est passé il y a quelques années au même endroit.
« Un manœuvre allemand travaillait dans un jardin situé près d’un de ces puits. Tout à coup il aperçut une feuille blanche croissant sur une plante de betterave. Les Allemands regardent cette rencontre comme un signe de malheur, et le superstitieux ouvrier en eut l’esprit extrêmement frappé. En rentrant à la maison, il fit part à sa femme du nouveau présage et des sinistres pressentiments qui s’y rattachaient dans son esprit. Celle-ci entraîna aussitôt son mari dans le petit enclos qui entourait leur demeure et lui montra une seconde feuille blanche de betterave qu’elle avait également trouvée dans la matinée. Les deux époux, de plus en plus convaincus qu’un affreux malheur allait fondre sur eux, rentrèrent tout tristes dans leur maison, et dînèrent silencieusement, livrés aux plus sombres pensées.
« Après le repas, l’ouvrier retourna à son travail. Au commencement de la soirée, quelques personnes passant par là remarquèrent des vêtements au bord de l’eau. N’apercevant pas de baigneur, ils supposèrent qu’un malheur était arrivé. L’eau fut draguée, et l’on retira le corps du malheureux Allemand. On suppose qu’en se baignant il sera tombé dans quelque trou profond, et que, ne sachant pas nager, il y aura trouvé la mort.
« Mais voici le fait le plus curieux de cette singulière histoire. Le malheureux noyé avait une sœur à Brooklyn. Dans l’après-midi de la fatale journée, elle fut frappée tout à coup d’une espèce de sommeil somnambulique ; elle vit son frère lutter contre l’eau qui allait l’engloutir ; elle l’entendit appeler au secours. Quand elle se réveilla, elle avait la figure brillante et portait les signes de la plus grande terreur. Elle raconta son rêve à son mari ; elle lui dit qu’elle était décidée à aller à Newark s’informer de son frère.
« Son mari tâcha de retenir sa femme, dont l’état d’excitation lui inspirait des inquiétudes. Il lui représenta la folie de prêter ainsi foi à un songe et de s’alarmer sans sujet. Mais rien n’y fit. La sœur partit pour Newark, et elle arriva précisément au moment où le cadavre du pauvre noyé était transporté dans sa demeure. Ses pressentiments ne l’avaient point trompée ! »