Déisme
- Philosophie, Métaphysique
- Satur
- Encyclopédie moderne
Déisme. Système religieux de ceux qui rejettent formellement tout culte extérieur et toute révélation. Les mots déisme et théisme, l’un latin, l’autre grec, ont la même racine ; mais l’usage leur attribue un sens différent : le théisme, opposé au polythéisme, fut le culte épuré de plusieurs nations anciennes, comme les indiens, les Chaldéens, les Perses ; le déisme, étant l’exclusion de toute religion révélée ou positive, ne fut jamais que l’opinion particulière de quelques esprits. Les controverses qui divisèrent l’Église chrétienne au seizième siècle, et plus tard les attaques dirigées contre le christianisme en général, firent donner le nom de déistes aux libres penseurs qui faisaient profession de ne reconnaître aucune autorité et de soumettre toutes les doctrines religieuses à l’examen de la raison. C’est à Socin que se rapporte le premier germe de ce rationalisme ; il abandonna la critique du texte sacré des Écritures suivie par les théologiens protestants, il en appela au jugement de la lumière naturelle, et n’admit d’autres dogmes que ceux qu’il trouva conformes aux principes de la raison ; or, les principes de la raison n’étaient point les mêmes chez tous les hommes en malière de croyance, il se trouva conduit, par son mépris de l’autorité historique, à l’indifférence de tous les dogmes et de tous les cultes chrétiens. Les esprits forts que nous voyons paraître dans le siècle religieux de Louis XIV étaient des épicuriens dont l’incrédulité était plus dans la licence des mœurs que dans la liberté des opinions. Frappés du luxe et de la mollesse d’une cour qui affichait les formes austères de la dévotion, ils ne voyaient dans les pratiques du culte que des démonstrations hypocrites, et ils passaient facilement du mépris des ministres à celui de la religion. L’impiété répandue de tout temps en Italie dans toutes les classes n’a pas d’autres sources. L’incrédulité froide et raisonnée naquit, en Angleterre, de la multitude des sectes enfantées par le protestantisme, et du mépris où tombèrent les puritains à la restauration de Charles II. La licence de la régence en favorisa l’introduction en France, et les querelles religieuses, les prétentions du sacerdoce, lui donnèrent, pendant le long règne de Louis XV, un degré d’éclat et d’énergie dont les écrivains profitèrent pour discuter les points fondamentaux du christianisme, sonder les bases de la législation et de la morale, et agiter toutes les questions que la philosophie embrasse dans ses vastes applications. Les déistes anglais avaient laissé peu de points de philosophie morale sans les soumettre à la subtilité de l’analyse et à la sévérité du raisonnement. Les déistes français y ajoutèrent la discussion de toutes les questions de philosophie naturelle, et réunirent ainsi dans l’étendue de leurs recherches l’existence et la génération des êtres, l’origine et la constitution de la société civile, les sources et les principes de la morale et de la religion. Il manquait à ce tableau l’étude de l’esprit humain ; Locke s’en occupa, et le déisme français s’enrichit de cette nouvelle branche.
A considérer le développement du déisme moderne, la liberté de penser en est donc le principe ; le socinianisme en fut l’origine en Europe, la réformation en Angleterre, en France la licence des hautes classes et l’influence du clergé sur les dissensions civiles et les troubles de l’État. Bayle, par l’immense étendue de son érudition et la force de sa dialectique, ayant ouvert un vaste arsenal aux disputes philosophiques, les déistes français y puisèrent ce goût de métaphysique générale qu’on remarque dans leurs écrits, et que Bayle avait emprunté à la subtilité des Grecs. Cependant le déisme grec fut plus retenu et plus circonspect que le déisme moderne. Si nous en exceptons les sophistes qui faisaient profession de fronder le culte et les opinions consacrées, et qui la plupart furent mis pour cela au nombre des athées, ceux qui représentaient dans la Grèce la dignité de la philosophie professaient en secret le pur théisme et les vérités morales et spéculatives enseignées dans les grands mystères païens, et respectaient en public les croyances populaires et les cérémonies de la religion. Il y avait trop de danger pour le polythéisme à porter des regards éclairés sur ses dogmes, ses rites et sa morale ; mais le christianisme n’offrant rien de licencieux et de contraire au sentiment moral, son ensemble pouvait être livré au grand jour de la discussion et de la critique, jusqu’à ce que le sentiment moral, lui-même, fût nié ou misen problème,et que les principes de la religion naturelle eussent cessé d’être pour les déistes un objet de respect.