Deuil
- Dictionnaire infernal
Deuil. Les premiers poètes disaient que les âmes, après la mort, allaient dans le sombre empire ; c’est peut-être conformément à ces idées, dit Saint-Foix, qu’ils crurent que le noir était la couleur du deuil. Les Chinois et les Siamois choisissent le blanc, croyant que les morts deviennent des génies bienfaisants. En Turquie, on porte le deuil en bleu ou en violet ; en gris chez les Éthiopiens ; on le portait en gris de souris au Pérou quand les Espagnols y entrèrent. Le blanc, chez les Japonais, est la marque du deuil, et le noir est celle de la joie. En Castille, les vêtements de deuils étaient autrefois de serge blanche. Les Perses s’habillaient de brun et se rasaient avec toute leur famille et tous leurs animaux. Dans la Lycie, les hommes portaient des habits de femme pendant tout le temps du deuil. Chez nous, Anne de Bretagne, femme de Louis XII, changea en noir le deuil, qui jusque-là avait été porté en blanc à la cour. À Argos on s’habillait de blanc et on faisait de grands festins. À Délos on se coupait les cheveux, qu’on mettait sur la sépulture du mort. Les Égyptiens se meurtrissaient la poitrine et se couvraient le visage de boue. Ils portaient des vêtements jaunes ou feuille-morte. Chez les Romains, les femmes étaient obligées de pleurer la mort de leurs maris, et les enfants celle de leur père, pendant une année entière. Les maris ne pouvaient pleurer leurs femmes ; et les pères n’avaient droit de pleurer leurs enfants que s’ils avaient au moins trois ans. Le grand deuil des Juifs dure un an ; il a lieu à la mort des parents. Les enfants ne s’habillent pas de noir ; mais ils sont obligés de porter toute l’année les habits qu’ils avaient à la mort de leur père, sans qu’il leur soit permis d’en changer, quelque déchirés qu’ils soient. Ils jeûnent tous les ans à pareil jour. Le deuil moyen dure un mois ; il a lieu à la mort des enfants, des oncles et des tantes. Ils n’osent pendant ce temps, ni se laver, ni se parfumer, ni se raser la barbe, ni même se couper les ongles ; ils ne mangent point en famille. Le petit deuil dure une semaine : il a lieu à la mort du mari ou de la femme. En rentrant des funérailles, l’époux en deuil se lave les mains, déchausse ses souliers et s’assied à terre, se tenant toujours en cette posture, et ne faisant que gémir et pleurer, sans travailler à quoi que ce soit jusqu’au septième jour. Ces usages n’ont lieu que chez les Juifs pur sang. Les Chinois en deuil s’habillent de grosse toile blanche, coupent leur queue et pleurent pendant trois mois. Le magistrat n’exerce pas ses fonctions ; le plaideur suspend ses procès. Les jeunes gens vivent dans la retraite, ne peuvent se marier qu’après trois années et n’écrivent qu’à l’encre bleue pendant un an. Le deuil des Caraïbes consiste à se couper les cheveux et à jeûner rigoureusement jusqu’à ce que le corps du défunt qu’ils pleurent soit pourrir ; après quoi ils font la débauche pour chasser toute tristesse de leur esprit. Chez certains peuples de l’Amérique, le deuil était conforme à l’âge du mort. On était inconsolable à la mort des enfants et on ne pleurait presque pas les vieillards. Le deuil des enfants, outre sa durée, était commun, et ils étaient regrettés de tout le canton où ils étaient nés. Le jour de leur mort, on n’osait pas approcher des parents, qui faisaient un bruit effroyable dans leur maison, se livraient des accès de fureur, hurlaient comme des désespérés, s’arrachaient les cheveux, se mordaient, s’égratignaient tout le corps. Le lendemain ils se renversaient sur un lit qu’ils trempaient de leurs larmes. Le troisième jour ils commençaient les gémissements qui duraient toute l’année, pendant laquelle le père et la mère ne se lavaient jamais. Le reste de la ville, pour compatir à leur affliction, pleurait trois fois le jour, jusqu’à ce qu’on eût porté le corps à la sépulture[1]. (Voyez : Funérailles).