Jean Bodin
- Dictionnaire infernal
Bodin (Jean), savant jurisconsulte et démonographe angevin, mort de la peste en 1596. L’ouvrage qui fit sa réputation fut sa République, que la Harpe appelle le germe de l’Esprit des lois. Sa Démonomanie lui donne ici une place. Mais il est difficile de juger Bodin. On lui attribue un livre intitulé Colloquium heptaplomeron de abditis rerum sublimium arcanis, dialogues en six livres, où sept interlocuteurs de diverses religions disputent sur leurs croyances, de manière que les chrétiens cèdent souvent l’avantage aux musulmans, aux juifs, aux déistes. Aussi l’on a dit que Bodin était à la fois protestant, déiste, sorcier, juif et athée. Pourtant, ces dialogues sont-ils vraiment de lui ? On ne les connaît que par des copies manuscrites, car ils n’ont jamais été imprimés. — Sa Démonomanie des sorciers parut in-4o, à Paris, en 1501 ; on en a fait des éditions sous le titre de Fléau des démons et des sorciers (Niort, 1616). Cet ouvrage est divisé en quatre livres ; tout ce qu’ils contiennent de curieux est cité dans ce dictionnaire.
L’auteur définit le sorcier celui qui se pousse à quelque chose par des moyens diaboliques. Il démontre que les esprits peuvent s’associer et commercer avec les hommes. Il trace la différence d’humeur et de formes qui distingue les bons esprits des mauvais. Il parle des divinations que les démons opèrent, des prédictions licites ou illicites.
Dans le livre II, il recherche ce que c’est que la magie ; il fait voir qu’on peut évoquer les malins esprits, faire pacte avec le diable, être porté en corps au sabbat, avoir, au moyen des démons, des révélations par extase, se changer en loup-garou ; il termine par de longs récits qui prouvent que les sorciers ont pouvoir d’envoyer les maladies, stérilités, grêles et tempêtes, et de tuer les bêtes et les hommes.
Si le livre II traite des maux que peuvent faire les sorciers, on voit dans le livre III qu’il y a manière de les prévenir : qu’on peut obvier aux charmes et aux sorcelleries ; que les magiciens guérissent les malades frappés par d’autres magiciens. Il indique les moyens illicites d’empêcher les maléfices. Rien ne lui est étranger. Il assure que, par des tours de leur métier, les magiciens peuvent obtenir les faveurs des grands et de la fortune, les dignités, la beauté et les honneurs.
Dans le livre IV, il s’occupe de la manière de poursuivre les sorciers, de ce qui les fait reconnaître, des preuves qui établissent le crime de sorcellerie, des tortures, comme excellent moyen de faire avouer. Un long chapitre achève l’œuvre, sur les peines que méritent les sorciers. Il conclut à la mort cruelle ; et il dit qu’il y en a tant, que les juges ne suffiraient pas à les juger ni les bourreaux à les exécuter. « Aussi, ajoute-t-il, n’advient-il pas que de dix crimes il y en ait un puni par les juges, et ordinairement on ne voit que des bélîtres condamnés. Ceux qui ont des amis ou de l’argent échappent. »
L’auteur consacre ensuite une dissertation a réfuter Jean Wierus, sur ce qu’il avait dit que les sorciers-sont le plus souvent des malades ou des fous, et qu’il ne fallait pas les brûler. — « Je lui répondrai, dit Bodin, pour la défense des juges, qu’il appelle bourreaux. »
L’auteur de la Démonomanie avoue que ces horreurs lui font dresser le poil en la tête, et il déclare qu’il faut exterminer les sorciers et ceux qui en ont pitié, et brûler les livres de Wierus[1].