Jetzer

  • Dictionnaire infernal

Jetzer. L’affaire des jacobins de Berne a fait un grand bruit ; et les ennemis de la religion l’ont travestie avec une insigne mauvaise foi. Voici toute l’histoire :

Les dominicains ou jacobins ne s’accordaient pas entièrement avec les cordeliers sur le fait auguste de l’immaculée conception de la très sainte Vierge. Les dominicains ne l’admettaient pas absolument. Or, au commencement du seizième siècle, il y avait au couvent des dominicains de Berne, alors fort relâché, quatre mauvais moines, qui imaginèrent une affreuse jonglerie pour faire croire que la sainte Vierge se prononçait contre les cordeliers, qui défendaient une de ses plus belles et de ses plus incontestables prérogatives. Ils avaient parmi eux un jeune moine, simple et crédule, nommé Jetzer ; ils lui firent apparaître pendant la nuit des âmes du purgatoire et lui persuadèrent qu’il les délivrerait en restant couché en croix dans une chapelle, pendant le temps qu’on célébrerait la sainte messe. On lui fit voir ensuite sainte Barbe, à laquelle il avait beaucoup de dévotion, et qui lui annonça qu’il était destiné à de grandes choses. Par une nouvelle imposture sacrilège, le sous-prieur, qui était un des quatre moines criminels, fit le personnage de la sainte Vierge, s’approcha la nuit de Jetzer et lui donna trois gouttes de sang, disant que c’étaient trois larmes que Jésus-Christ avaient répandues sur Jérusalem. Ces trois larmes signifiaient que la sainte Vierge était restée trois heures dans le péché originel… Cette explication était rehaussée de diatribes contre les cordeliers. Jetzer, qui était de bonne foi et qui avait l’âme droite, s’inquiétait de la passion qui perçait dans cette affaire, et se troublait surtout de reconnaître la voix du sous-prieur dans la voix de la sainte Vierge. Pour le raffermir, on l’endormit avec un breuvage et on voulut le stigmatiser ; puis, comme il ne répondait pas à l’espoir qu’on avait mis en lui, on chercha, dit-on, à l’empoisonner et on l’enferma ; mais il trouva moyen de s’échapper ; il s’enfuit à Rome, où il révéla toute l’intrigue. Le saint-siège fit poursuivre les moines scélérats et les fit livrer au bras séculier. Les quatre dominicains coupables furent brûlés le 31 mars 1509, à la porte de Berne. Mais le malheur de ces grandes profanations, c’est que les ennemis de l’Église oublient la réparation ou la taisent, et n’en gardent que le scandale.