Jules Alberoni

  • Encyclopédie de famille

Alberoni (Jules), cardinal et premier ministre d’Espagne, né le 30 mars 1664, à Firenzuola, dans le duché de Parme, était fils d’un jardinier, et déploya presque autant d’habileté pour entrer dans les ordres qu’il lui en fallut ensuite pour gouverner l’Espagne. Il commença par être sonneur de la cathédrale de Plaisance, et reçut par charité une espèce d’éducation dans le couvent des Barnabites. Doué d’une rare pénétration, il devint bientôt chanoine, puis chapelain et favori du comte Roncovieri, évêque de Saint-Donino. Celui-ci ayant été envoyé par le duc de Parme auprès du maréchal de Vendôme, venu en Italie pour commencer la campagne à la tête de l’armée française, se démit bientôt de sa mission, et la céda à Alberoni. Le duc de Vendôme le prit en faveur, et l’emmena à la cour de France, où il le présénat à Louis XIV. Alberoni ne quitta plus son protecteur, ni dans ses campagnes des Pays-Bas en 1707 et 1708, ni dans sa retraite à son château d’Anet, ni en Espagne, où la fortune l’attendait. Dans cette guerre de la succession d’Espagne, où Vendôme se couvrit de gloire, Alberoni servit puissamment de son habileté les affaires de Philippe V, et gagna sa faveur. Quelque temps après il eut l’occasion d’être utile auprès du roi d’Espagne à son ancien maître le duc de Parme, qui l’en récompensa en lui donnant l’occasion de revenir avec le titre de son envoyé à la cour de Madrid, qu’il avait quittée depuis la mort du duc de Vendôme. Deux personnes portaient ombrage à l’ambition d’Alberoni, le cardinal del Giudice et la princesse des Ursins. Il eut l’habileté de s’en débarrasser, en donnant pour femme au roi la nièce du duc de Parme, Élisabeth Farnèse. Parvenu enfin au ministère et au cardinalat, il voulut rendre à la monarchie espagnole toute sa splendeur. Il réforma les abus, organisa une marine, disciplina l’armée espagnole à l’instar de l’année française, et rendit le royaume plus puissant qu’il n’avait jamais été depuis Philippe II. Il avait formé le vaste projet de rendre à l’Espagne tout le territoire qu’elle avait perdu en Italie. Le duc d’Orléans, régent de France, s’étant dégagé de l’alliance de l’Espagne pour s’unir à l’Angleterre, l’orgueilleux prélat ne renonça pas à son système ; il attaqua l’empereur, et lui enleva la Sardaigne et la Sicile. La flotte espagnole ayant ensuite été entièrement détruite par la flotte anglaise commandée par l’amiral Byng, le cardinal résolut d’exciter une guerre générale. Il rechercha à cet effet l’alliance de Charles XII et de Pierre le Grand, s’efforça d’engager l’Autriche dans une guerre contre les Turcs, et d’exciter un soulèvement en Hongrie. Enfin il fomenta une révolte en France, la conspiration de Cellamare, et tenta de faire arrêter le duc d’Orléans lui-même avec le secours d’un parti puissant qu’il avait su se former à la cour. Son projet fut découvert. Le régent, fort de l’appui de l’Angleterre, déclara la guerre à l’Espagne. Une armée française entra dans ce pays, et, quoique Alberoni eût essayé, par des troubles qu’il suscita en Bretagne, d’arrêter les entreprises de la France, le roi d’Espagne n’en perdit pas moins courage, et fut contraint de signer un traité de paix, dont la principale clause était l’exil du cardinal. En conséquence, celui-ci reçut, le 20 décembre 1720, l’ordre de quitter Madrid dans les vingt-quatre heures, et d’être hors du territoire espagnol dans l’espace de cinq jours. Il demeura ainsi exposé à toute la vengeance des puissances, dont il s’était attiré la haine, et ne trouva pas un seul endroit où il pût espérer d’être en sûreté. Il n’osa même pas retourner à Rome, attendu qu’il n’avait pas moins trompé le pape Clément XI pour obtenir le chapeau de cardinal. À peine eut-il dépassé les Pyrénées, que sa voiture fut attaquée, et un de ses domestiques tué. Lui-même, pour sauver sa vie, fut obligé de se déguiser et de continuer sa route à pied. Il erra longtemps sous des noms supposés, et fut arrêté sur le territoire de Gênes, à la demande du pape et du roi d’Espagne ; mais les Génois lui rendirent bientôt la liberté. On lui fit son procès à Rome, et il fut condamné à quatre ans de réclusion, dont il ne fit qu’une année, dans un établissement de jésuites. Innocent XIV le réintégra dans tous les droits et prérogatives du cardinalat. Alberoni se vit même sur le point, à la mort de Clément XII, de reparaître sur l’horizon politique en qualité de souverain pontife : il ne lui manqua que quelques voix. Il mourut en 1752.