Absolutisme

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Absolutisme. Ce mot, que Montesquieu ne connaissait pas, devint en vogue sous la restauration. Il désigna alors le pouvoir illimité et sans contrôle dont la cour, disait-on, voulait s’emparer. Sans doute que si Charles X eût réussi à se débarrasser des prétentions qu’avait la classe moyenne à se mêler du gouvernement, il eût conquis l’autorité absolue ; mais il lui aurait fallu certainement partager avec le clergé et la noblesse ; car, ce que la congrégation, la chambre des introuvables et M. de Villèle voulaient reconstituer, ce n’était pas précisément l’autorité absolue de la royauté. Quoi qu’il en soit, le mot fit fortune, et, de part et d’autre, il fut comme un drapeau autour et en face duquel tous les partis se rangèrent ; ce fut contre l’absolutisme que fut prêchée la croisade populaire ; c’est avec ce mot qu’on réveilla toutes les préventions de l’ancien tiers état et toutes les passions du peuple.

Les légistes distinguent aujourd’hui le gouvernement absolu, qui est contenu au moins dans son action par les mœurs, les traditions et certaines lois fondamentales, du gouvernement despotique, violent et brutal dans ses actes, ne respectant ni loi, ni convenance. Mais c’est un pur jeu de mots ; le despotisme, tel qu’il est ici défini, ne peut exister en Europe ni dans aucun pays civilisé ; chez les barbares mêmes la religion lui imposerait un frein. Le despotisme n’est pas une forme de gouvernement, mais l’action arbitraire et momentanée d’un homme que les circonstances ont placé au-dessus de toute loi divine et humaine. L’absolutisme, au contraire, se retrouve en beaucoup de lieux ; c’est le gouvernement de la plupart des monarchies asiatiques et celui d’une partie de l’Europe ; la Russie, la Prusse, l’Autriche, le Danemark, toute l’Italie, et plusieurs États de la confédération germanique, sont soumis à ce régime ; toute l’Europe occidentale, la Belgique, la France, l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre, la Suède, et plusieurs royaumes ou principautés allemandes, ont le gouvernement représentatif. Dans les uns, le monarque est la source de toute autorité et de tout droit ; chez les autres, le roi partage avec deux chambres le pouvoir législatif. Si la crainte de l’esprit révolutionnaire fit former en 1815, par les cabinets absolutistes, la sainte alliance, les gouvernements représentatifs, qui tous, d’une manière plus ou moins claire, plus ou moins explicite, ont fait passer la souveraineté du roi à la nation, ont répondu à cette menace, après la révolution de juillet, par le traité de la quadruple alliance entre l’Angleterre, la France, l’Espagne et le Portugal. Mais ce traité n’a été qu’une déception ; et comme aujourd’hui les craintes d’une guerre de principes commencée par les cabinets absolutistes s’éloignent, et que la préoccupation des intérêts matériels devient le soin le plus important des gouvernements, les unions formées dans le but de faire triompher les mêmes principes politiques se détruisent, et sont remplacées par des alliances que nouent des intérêts plus positifs. L’anarchie diplomatique, qu’on appelait le système d’équilibre, va donc recommencer, au lieu de cette opposition harmonieuse et féconde pour la liberté, des gouvernements constitutionnels d’une part, et des gouvernements absolutistes de l’autre, opposition que la révolution de juillet devait établir. C’est un pas fait en arrière, c’est descendre d’une politique haute et généreuse à une politique égoïste et machiavélique. L’Europe constitutionnelle avec les principes de nos deux révolutions pour guides, l’Europe absolutiste avec sa charte de droit divin, qu’on appela la sainte alliance, pour règle, formaient un antagonisme normal et régulier, et, si une guerre eût dû éclater, c’eût été du moins au nom de la liberté d’une part, au nom du droit divin de l’autre, qu’on aurait pris les armes, et non pour des questions de douanes, pour ouvrir des débouchés à ses manufactures encombrées, pour écouler ses sucres, ses cotons et ses fers. S’il y avait eu lutte, au moins cette lutte aurait-elle été morale comme celle de notre grande révolution ; au moins aurait-on vu aux prises non des intérêts, mais des principes.