Acteur

  • Art dramatique
  • Arnault
  • Encyclopédie moderne

Acteur. Dans le sens général, personnage en action. Acteur, dans le sens relatif, homme qui joue dans une pièce de théâtre. Cette dénomination s’applique également à l’homme qui joue la tragédie et à celui qui joue la comédie ; à l’homme qui déclame et à celui qui chante.

La nature n’est pas moins avare de grands acteurs que de grands poètes. On n’est pas grand acteur sans réunir au plus haut degré les qualités les plus rares du cœur et de l’esprit, sans posséder la sensibilité la plus profonde et l’intelligence la plus étendue. Pour peindre par le geste et par la voix les passions humaines, il faut, ce me semble, autant de génie que pour les exprimer par le discours.

L’art de l’acteur est aussi ancien que l’art dramatique. Les premières tragédies furent improvisées par les acteurs eux-mêmes.

L’art de l’acteur consiste à paraître ce qu’on n’est pas. De là l’application qui a été faite du mot hypocrite, qui en grec veut dire comédien, aux hommes qui, dans la société, en imposent par de faux dehors.

La condition civile des acteurs a varié suivant les temps et suivant les lieux. En Grèce, ils jouissaient non-seulement de tous les droits de citoyen, mais ils étaient aptes à remplir les places les plus honorables. Aristodème fut envoyé en ambassade par les Athéniens à Philippe, roi de Macédoine.

À Rome, il n’en était pas ainsi. Non-seulement le Romain qui montait sur le théâtre perdait ses droits de citoyen, mais il était chassé de sa tribu et privé du droit de suffrage dans les assemblées publiques.

Les causes de cette contradiction sont faciles à trouver. L’art du théâtre, né en Grèce à l’occasion des fêtes de Bacchus, et pratiqué, dès l’origine, par des hommes de condition libre, était recommandé à l’estime par cette double considération. En Italie, au contraire il avait été inventé par des hommes de la classe infime, par des histrions étrusques, par des paysans d’Atella. Là aussi il participa à la condition de ses inventeurs. Mais l’infamie qui s’attachait à Home aux acteurs tenait moins à leur art qu’à l’abjection des premiers hommes qui l’avaient exercé. Nous verrons qu’il y a eu des exceptions.

Chez les peuples modernes, on retrouve les mêmes contradictions. En Angleterre, les acteurs ont été traités de tout temps comme ils l’étaient en Grèce. En France, ils ont été traités longtemps comme ils l’étaient à Rome. En Angleterre, les grands de la nation se firent un honneur de suivre le convoi funèbre de mistriss Odlefields et de Garrick. En France, la sépulture fut refusée à mademoiselle Lecouvreur, et Molière lui-même fut exilé plus de cent ans dans le coin le plus obscur d’un cimetière. À quoi attribuer, l’établissement de ce préjugé en France, où l’art dramatique, créé par les confrères de la passion, semble lié à la religion. Ce qu’il y a de bizarre, c’est qu’il s’est fortifié à mesure que le théâtre s’est épuré.

Aujourd’hui on commence à rendre justice à ces parias de la civilisation chrétienne. Le bon sens public a enfin compris qu’un acteur honnête homme est au moins l’égal d’un noble fripon. Cependant les gouvernements n’ont pas encore dépouillé tout préjugé à cet égard. Pourquoi les acteurs ne participent-ils pas aux récompenses publiques décernées au talent par le pouvoir ? D’où vient qu’en France, où l’on prodigue les décorations aux peintres, aux architectes, aux compositeurs, à tous les artistes, un nom d’acteur ne se trouve jamais sur les listes de promotion à la Légion d’honneur ?

Les plus grands acteurs de l’antiquité sont Polus et Théodore chez les Grecs ; et chez les Romains, Ésopus et Roscius.

L’expression de Théodore était si conforme à la nature qu’on l’eût pris pour le personnage même. Polus avait atteint la perfection de l’art : il réunissait les qualités morales aux avantages physiques, et l’organe le plus parfait à l’intelligence la plus étendue, au sentiment le plus juste et le plus profond. Chargé du rôle d’Électre dans la tragédie de Sophocle, il imagina de substituer à l’urne qui semblait contenir les cendres d’Oreste, celle qui renfermait les cendres de son propre fils. Les accents que ces tristes restes lui arrachèrent furent aussi vrais que la douleur qu’ils avaient réveillée. Ce n’était plus une imitation de la nature, c’était la nature même.

Le Romain Esopus fut doué de la même faculté. Il s’identifiait tellement avec son personnage que, jouant le rôle d’Atrée, il assomma d’un coup de sceptre un malheureux qui s’offrit étourdiment à lui, et qu’il prit pour son frère. Il était aimé tendrement de Cicéron, dont il provoqua le rappel par le talent avec lequel il fit application à l’exil de ce grand homme d’un passage du Télamon proscrit.

Cicéron disait de lui qu’il n’avait pas moins bien joué son rôle dans la république que sur le théâtre.

Ésopus ne jouait que la tragédie ; Roscius, au contraire, ne jouait que la comédie, et il y excella. Cicéron, qui aimait beaucoup aussi cet acteur, disait de Roscius qu’il lui plaisait tant sur le théâtre qu’il n’aurait jamais dû en descendre, et qu’il avait tant de vertu et de probité qu’il n’aurait jamais dû y monter.

Les acteurs peuvent se diviser en trois classes : acteurs déclamants, acteurs chantants, et acteurs gesticulants ou pantomimes. Ces trois divisions répondent à nos trois genres de spectacles dramatiques.