Acteur
- Encyclopédie de famille
Acteur. Chez les nations grecques, douées d’une intelligence vive et d’une exquise sensibilité, la profession d’acteur, qui se lie à celle d’écrivain dramatique par des rapports si intimes, exercée d’ailleurs par des citoyens dans les fêtes solennelles et aux réunions olympiques, dut nécessairement être honorable et honorée. Il n’en fut pas de même chez les Romains, peuple de mœurs énergiques, mais grossières, plus fait pour la guerre que pour les jeux de l’esprit. Là, les premiers acteurs, sortis de la classe des esclaves, ou tout au moins des affranchis, ou venus des provinces conquises, se trouvèrent en concurrence avec des gladiateurs et des entrepreneurs de combats d’animaux. L’infériorité de position de ceux qui exercèrent les premiers la profession influa sur le degré d’estime que le sénat jugea devoir accorder à leurs successeurs. Tacite nous apprend que, d’après des ordonnances spéciales, un sénateur ne pouvait les visiter chez eux, ni un chevalier romain les accompagner dans la rue. Il fallut les réclamations d’un tribun du peuple et le bon sens de Tibère pour maintenir une ordonnance d’Auguste qui les déclarait exempts du fouet, et empêcher le sénat de livrer leurs épaules à l’arbitraire d’un préteur.
En France, la noblesse les nourrit longtemps sur le pied de domesticité, la bourgeoisie ne les admit dans aucune corporation, et le clergé, monopolisant en faveur des confrères de la Passion la représentation des mystères, travailla à entraver la représentation des soties et farces ; il réchauffa les anathèmes que les puritains de la primitive Église avaient lancés contre les cirques ou l’on avait martyrisé les chrétiens, et par extension contre les comédiens et les mimes. Ce fut pour les acteurs le comble de la misère. Cette profession étant réputée scandaleuse, ils étaient frappés des peines canoniques, exclus des sacrements de l’Église et privés de la sépulture chrétienne. Notre état social a modifié la situation religieuse d’une profession qui demande pourtant une réunion rare de qualités brillantes. Quelques gens d’esprit avaient sous ce rapport devancé notre époque. Baron et Lekain, longtemps avant Talma, avaient compté non des protecteurs, mais des amis illustres, dans la noblesse, les sciences et les arts. Préville initiait aux secrets de son art des notabilités de la cour au moment où la fureur de jouer la comédie tournait toutes les têtes, longtemps avant que Lafond jouât le Misanthrope au château de Lormoy, de complicité avec la duchesse et le duc de Maillé, premier gentilhomme du roi Charles X. Aujourd’hui que l’on exerce l’art théâtral sans en être moins garde national, électeur et juré, la femme du monde reçoit dans son salon le chanteur, le comédien ou tragédien célèbre, s’il a de l’esprit et de bonnes manières. La Convention avait fait une place aux acteurs à l’Institut, le Consulat la leur enleva. Enfin, s’ils obtiennent la croix d’honneur, ce n’est guère que lorsqu’ils ont quitté le théâtre, et comme professeurs ou maires de village.
L’usage de rappeler les acteurs après la pièce, pour les applaudir, lorsqu’on a été content de leur jeu, remonte à 1777. Un acteur de la Comédie Italienne, nommé Dorsonville, jouit le premier de cet honneur. On avait joué une vieille pièce de Collalto, les Intrigues d’Arlequin ; la reine, la comtesse de Provence et la comtesse d’Artois assistaient à la représentation. Le public fut si content de l’acteur qui débutait, qu’il le rappela sur le théâtre pour lui témoigner sa satisfaction.