Ailes
- Histoire naturelle
- Encyclopédie moderne
Ailes. Organes de la locomotion dans l’air, véritables rames que l’être qui en est muni plie ou développe, selon leurs ressorts et sa volonté, pour trouver un point d’appui suffisant sur le fluide qui l’environne. Les ailes ne sont pas un attribut de l’oiseau ou de l’insecte seulement ; tandis qu’il est des oiseaux et des insectes auxquels la nature a refusé des ailes, il est des mammifères, des reptiles, et jusqu’à des poissons qu’elle en a dotés : les chauves-souris, par exemple, sont des quadrupèdes auxquels le développement des membranes interdigitales et un appareil musculaire approprié ont donné la faculté précieuse de parcourir les airs ; chez ces animaux, des mains et des bras sont devenus de véritables ailes. Il n’en est pas de même des membranes ou extensions de la peau, appelées improprement ailes, qui se voient dans quelques autres animaux d’ordre supérieur, tels que le galéopithèque et l’écureuil volant, ainsi que dans trois espèces de phalangistes. Ces prétendues ailes, qui facilitent, à la vérité, le saut et la rapidité de la course des créatures qui en sont pourvues, n’ouvrent cependant point à celles-ci les routes de l’atmosphère : elles ne sont pas positivement propres au vol, n’étant munies d’aucun appareil qui détermine cette puissance : leur rôle est celui de parachutes ou de voiles, bien plus que celui de rames ou de gouvernail.
Un genre de saurien fossile et perdu, qu’on avait d’abord pris pour un ornitholithe ou oiseau pétrifié, et dont Cuvier sut reconnaître les rapports naturels, était muni d’ailes ainsi que les chauves-souris ; on l’a nommé ptérodactyle : un seul individu en a été trouvé dans les schistes d’Œningen. Aujourd’hui un autre animal de cette même famille des lézards, le dragon, voltige à l’aide de fausses ailes situées horizontalement de chaque côté de l’épine du dos, entre les quatre pattes. Ces parties supplémentaires, membraneuses, couvertes de fines écailles remplaçant les plumes ou les poils, soutenues chacune par six fausses côtes allongées en rayons cartilagineux, portent en l’air, durant quelques instants, le frêle reptile auquel elles ont mérité un nom trop fameux ; mais elles ont bien plus de rapport avec les nageoires des poissons qu’avec l’attribut de l’oiseau ou de la chauve-souris, et c’est d’ailleurs l’une des propriétés des nageoires des poissons qu’elles s’allongent quelquefois aussi en forme d’ailes. Dans ce cas, l’habitant des eaux que la nature a favorisé d’un développement extraordinaire de nageoires, partage, à certains égards, le privilège accordé par elle aux tribus aériennes. Ainsi l’on voit des muges, ou des exocets, échapper aux poursuites des carnassiers de l’Océan en s’élançant hors des vagues pour voltiger à leur surface, où bientôt ils deviennent la proie des oiseaux voraces. C’est un sort digne de pitié que celui de ces pauvres petites bêtes, dit Légat, ancien voyageur, qui remarqua dans ses courses au delà du cap de Bonne-Espérance, où il fut abandonné sur une île déserte, que la faculté de nager et de voler, accordée aux poissons volants, n’était guère que celle de choisir leur tombeau, qu’ils trouvent toujours dans l’estomac d’une dorade ou d’un pétrel. Quant à la forme des nageoires de certains poissons, ainsi qu’à la manière dont ils les agitent, celles de la plupart des raies peuvent être comparées à des ailes ; et de là les noms d’aigle, de colombe, et même d’ange, donnés par les pêcheurs de tous les pays, à des mourines, à des rhinobates, et autres chondroptérygiens, ou poissons dépourvus d’arêtes.