Alleu

  • D.
  • Encyclopédie moderne

Alleu. « Les premiers alleux furent les terres prises, occupées ou reçues en partage par les Francs, au moment de la conquête ou dans leurs conquêtes successives.

« Le mot alod ne permet guère d’en douter. Il vient du mot loos, sort, d’où sont venus une foule de mots dans les langues d’origine germanique, et en français les mots lot, loterie, etc. On trouve dans l’histoire des Bourguignons des Wisigoths, des Lombards, etc., la trace positive de ce partage des terres, allouées aux vainqueurs. »

Les terres ainsi distribuées aux conquérants sont appelées dans leurs codes sortes. On conçoit que ces terres et leurs propriétaires aient été d’abord libres de toute redevance ou obligation, le roi n’étant par le fait que le premier de ses égaux et n’ayant aucun pouvoir sur ses compagnons, une fois le combat terminé. C’est de l’indépendance absolue de l’alleu qu’est né l’adage : On ne tient un alleu que de Dieu et de son épée. M. Guizot a, dans l’essai que nous avons déjà cité, parfaitement démontré que la terre salique n’est qu’un alleu.

Mais, par la suite, le nom d’alleu fut donné à toute terre qui ne relevait pas d’une autre, quelle que fût d’ailleurs l’origine delà possession, achat, succession, etc. ; le caractère distinctif de l’alleu résida dès lors, non plus dans l’origine de la propriété, mais dans son indépendance, et l’on employa comme synonymes d’alleu les mots proprium, possessio, prœdium, etc.

« Ce fut probablement alors que tomba en désuétude la rigueur de la défense qui excluait les femmes de la succession à la terre salique. Il eût été trop dur de les exclure de la succession à tous les alleux, et l’on ne savait plus distinguer les alleux primitifs, dus à la conquête, de ceux que les propriétaires avaient acquis postérieurement et par d’autres voies. »

Tant que dura l’état barbare qui suivit la conquête, le régime des alleux put se maintenir ; mais, dès que la société se reconstitua, l’isolement des individus et leur indépendance complète étant un obstacle trop grand pour que les alleux pussent subsister, on les convertit en fiefs, ou l’on imposa aux propriétaires d’alleux les mêmes obligations qu’aux propriétaires de fiefs.

Sous Charlemagne, l’obligation du service militaire était imposée à tous les hommes, quelle que fût d’ailleurs la nature de leurs propriétés.

Lors de la ruine de l’empire carlovingien, au milieu du désordre général et des invasions des Normands, des Sarrasins et des Hongrois, le besoin de se réunir pour résister à l’ennemi, et pour se protéger les uns les autres, changea la nature de la propriété.

Alors presque tous les alleux furent convertis en fiefs ; et, lorsque la propriété eut été ainsi féodalisee, la révolution politique qui substitua le gouvernement féodal au gouvernement monarchique, fut accomplie. Cependant il se conserva quelques alleux ; mais,à l’époque de la monarchie absolue, ils subirent le même sort que les bénéfices.