Alleu

  • Encyclopédie de famille

Alleu. Les premiers alleux furent les terres prises, occupées ou reçues en partage parles Francs, au moment de la conquête ou dans leurs conquêtes successives. On trouve dans l’histoire des Bourguignons, des Visigoths, des Lombards, la trace positive de ce partage des terres allouées aux vainqueurs. Ces peuples, est-il dit, prirent les deux tiers des terres. On ne rencontre dans l’histoire des Francs aucune indication formelle d’un partage semblable ; mais on voit partout que le butin était tiré au sort entre les guerriers. Par la nature même de leur origine, ces premiers alleux étaient des propriétés entièrement indépendantes : on ne tenait un alleu, disait-on plus tard, que de Dieu et de son épée. D’autres propriétés, acquises par achat, par succession ou de toute autre manière, vinrent accroître le nombre des alleux. Cependant le mot alode demeura quelque temps affecté aux alleux primitifs, et les formules de Marculf offrent plusieurs traces de cette distinction. Peu à peu cette particularité s’effaça, et le trait distinctif de l’alleu résida dès lors non plus dans l’origine de la propriété, mais dans son indépendance.

« Ce serait une grande erreur de croire, dit M. Guizot, qu’après la conquête tous les Francs devinrent propriétaires, et qu’ainsi le nombre des alleux se trouva tout à coup assez considérable ; il n’y eut que peu ou point de partages individuels. Chaque bande comprenait un certain nombre de chefs suivis d’un certain nombre de compagnons ; chaque chef prit ou reçut des terres pour lui et ses compagnons, qui ne cessèrent pas de vivre avec lui. Les usurpations de la force et les donations aux églises tendirent encore à restreindre le nombre des propriétaires ; les faits historiques, les lois, tout atteste que du septième au dixième siècle les propriétaires de petits alleux furent peu à peu dépouillés ou réduits à la condition de tributaires par les envahissements des grands propriétaires. Mais une cause contraire agissait pour créer de nouveaux alleux. La propriété des alleux était, dans l’origine du moins, pleine, perpétuelle, et celle des bénéfices précaire et dépendante. Tant que dura cette différence, les possesseurs de bénéfices s’efforcèrent de les convertir en alleux : les Capitulaires déposent à chaque pas de ces efforts. Enfin, sous Charles le Chauve un phénomène singulier se présente : on touche à l’époque où le système de la propriété allodiale va disparaître devant le système de la propriété bénéficiaire, origine et précurseur de la féodalité. Précisément alors le nom d’alleu devient plus fréquent qu’il ne l’avait encore été dans les lois, dans les diplômes, dans tous les monuments : on le donne à des terres qui sont évidemment des bénéfices, qui ont été concédées à ce titre et avec les obligations qu’il imposait. Le mot alleu désignait encore dans l’esprit des hommes une propriété plus sûrement héréditaire et indépendante : l’hérédité des bénéfices prévalait, et on les appelait des alleux pour leur imprimer ce caractère de propriété permanente et assurée. »