Allumettes

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Allumettes. S’il est un art qui paraisse peu fait pour attirer l’attention, c’est certainement celui de l’allumettier. Rien de plus simple que les petits brins de bois qu’il nous fournit, et de tous les produits de l’art aucun n’est d’une valeur si exigué. Cependant l’exiguïté même de cette valeur est une chose digne de remarque, et l’étonnement augmenterait si l’on faisait attention qu’une allumette, pour être propre à la vente, n’exige pas moins de huit opérations distinctes, qui souvent sont exécutées par autant d’ouvriers différents. Aussi, pour parvenir à les livrer à si bas prix, a-t-il fallu considérablement perfectionner les procédés de fabrication, et ils le sont tellement aujourd’hui que l’ouvrier fendeur d’allumettes peut aisément dans sa journée en fendre ou débiter jusqu’à huit cent mille.

On choisit, pour faire les allumettes, un bois sec et léger. Les allumettiers préfèrent le bois de tremble ; ils le scient en petits billots de la longueur qu’ils veulent donner à l’allumette, et qui est ordinairement d’un décimètre. Ils le choisissent, autant qu’il est possible, sans noeuds, afin qu’il se fende bien, et ils le font sécher au four.

Cela fait, ils le prennent pour le fendre, selon la direction des fibres, en petites feuilles ou tablettes, à l’aide d’une plane ou couteau à main disposé sur l’établi comme le couteau des boulangers.

Le billot, d’abord fendu dans un sens en petites tablettes, est ensuite retourné et fendu transversalement dans l’autre sens, de sorte que tous les feuillets sont à la fois transformés en petites bûchettes carrées ; un autre ouvrier prend tous ces petits brins par poignées pour en former des paquets, il les lie avec de la ficelle, ou, pour plus d’économie, avec des pennes, sorte de fil qui reste sur le métier du tisserand, après qu’on en a enlevé la toile.

Le paquet étant lié passe à un autre ouvrier qui le frappe avec une palette, afin que les petits brins ne dépassent point la superficie des deux bouts, mais présentent une surface unie et propre à recevoir le soufre uniformément.

Enfin, un dernier ouvrier, ayant devant lui une terrine pleine de soufre fondu, y plonge les paquets pour imprégner les bouts de cette matière inflammable.

M. Pelletier a substitué à la plane un rabot à plusieurs lames, qui est d*un usage aussi facile , et qui fait sauter douze allumettes à chaque fois et tout d’un coup, au point qu’un seul ouvrier peut en expédier plus de soixante mille par heure, lesquelles, soufrées et comptées au prix d’un centime le cent, produisent une valeur de six francs ou, par journée de douze heures, soixante-douze francs.

Allumettes oxygénées. Ces allumettes sont très commodes pour procurer immédiatement de la lumière ; il suffît d’en plonger l’extrémité dans un flacon contenant de l’acide sulfurique concentré, et de l’en retirer à l’instant : aussitôt le bout prend feu et enflamme l’allumette.

Pour les préparer, on fait une mélange d’une partie de soufre et de trois de chlorate de potasse, légèrement gommé. On broie ces deux substances à part, précaution nécessaire pour éviter le danger d’une explosion qui pourrait résulter de la chaleur produite par le frottement ; on mélange ensuite les deux poudres, et on leur donne de la consistance avec un peu de gomme adragant ; on y ajoute un peu de lycopode, et on colore en rouge avec du cinabre, ou en bleu avec de l’indigo. Les allumettes sont soufrées d’abord, mais un peu plus qu’à l’ordinaire, et par un bout seulement ; on trempe ensuite ce bout dans le mélange ci-dessus, ce qui en fait des allumettes oxygénées.

La cause de l’inflammation instantanée de ces allumettes est facile à concevoir. L’acide sulfurique dans lequel on les plonge décompose subitement, et avec production de chaleur, le chlorate de potasse et même l’acide chlorique ; l’oxygène de ce dernier se porte immédiatement sur le lycopode et le soufre, matières très inflammables, et il y produit une vive combustion qui allume ensuite les brins de bois.

On trouve dans le commerce, et à très bas prix, des étuis qui contiennent une provision d’allumettes et un flacon d’acide sulfurique. Il y a dans celui-ci de l’amiante qui tient lieu d’éponge, et empêche que l’allumette ne se charge d’un excès d’acide, et ne le projette d’une manière incommode sur les vêtements. On se sert d’amiante pour excipient de l’acide sulfurique, parce que ce fit minéral n’est pas attaquable par les acides comme le serait le coton on une éponge. Ce petit nécessaire, ainsi disposé, a reçu le nom de briquet oxygéné.

On emploie généralement aujourd’hui une autre sorte d’allumettes, dites chimiques, qui s’enflamment par simple friction. Voici le mode de préparation de ces allumettes, dont la pâte contient du soufre, du phosphore et du chlorate de potasse :

On fait un mélange de phosphore, de fleur de soufre et d’huile de térébenthine, qu’on chauffe au bain-marie ; quand le phosphore est fondu, on agite et on décante l’excès d’huile de térébenthine. Le mélange forme alors une bouillie dans laquelle on plonge les allumettes. Il faut ensuite les enduire de chlorate ; pour cela, on a préparé une solution épaisse de gomme arabique à laquelle on a ajouté le sel et une petite quantité de suie mouillée avec l’alcool ; on trempe dans ce mélange le bout des allumettes, déjà recouvert par la première composition, et on laisse sécher quelques heures. La pâle est alors solide et adhère suffisamment au bois. Elle est ordinairement colorée en bleu ou en rouge par l’indigo ou le cinabre ; mais ces corps ne servent qu’à donner la couleur et on pourrait les supprimer sans inconvénient.

Le chlorate de potasse forme avec le soufre et le phosphore un mélange qui s’enflamme au moindre choc : il suffit donc de frotter l’allumette, ainsi préparée, sur un corps rude, pour qu’elle prenne feu.