Aloès
- Botanique et matière médicale
- A. Duponchel,
- Encyclopédie moderne
Aloès. On donne ce nom à un genre de la famille des Liliacées (Asphodélées de Jussieu), tribu des Aloinées. Les aloès sont des plantes grasses, c’est-à-dire à feuilles charnues et épaisses ; ils présentent les caractères suivants : calice tubuleux, presque cylindrique, un peu irrégulier à son orifice, à six divisions peu profondes ; étamines hypogynes (insérées à la base du calice, sous l’ovaire) ; ovaire surmonté d’un style triangulaire à stigmate trilobé ; fruit triloculaire, renfermant de nombreuses graines ; feuilles réunies à la base de la hampe, que termine un épi lâche de fleurs ordinairement rouges.
Les nombreuses espèces de ce beau genre (cent soixante-dix et plus) appartiennent presque exclusivement à l’Afrique, et surtout à l’Afrique australe (cap de Bonne-Espérance).
Un assez grand nombre de ces espèces sont cultivées dans les serres, où elles se font remarquer par l’étrangeté et l’élégance de leurs formes, ainsi que par la beauté de leurs fleurs.
La culture et la conservation des aloès est des plus faciles ; on les place dans une terre légère, reposant sur de gros graviers ou des plâtras, et on les arrose peu, parce que leurs feuilles charnues contiennent une grande quantité d’eau, en absorbent beaucoup, et en perdent peu par l’évaporation. On les multiplie de graines, et plus souvent encore de rejetons.
L’aloès, chez les musulmans, a un caractère symbolique et religieux ; les pèlerins, à leur retour de la Mecque, le suspendent à la porte de leur maison, pour annoncer qu’ils ont accompli ce pieux voyage. En Égypte, on croit qu’il préserve les maisons des apparitions et des esprits malfaisants.
Ce qu’on nomme aloès en pharmacie est un produit excrétoire, un suc que l’on retire des incisions faites aux feuilles de plusieurs espèces d’aloès (aloé spicata, perfoliata, etc.) Ce suc exsude à l’endroit des incisions, et se concrète sur les feuilles mêmes, en petites larmes transparentes, de couleur rouge brun ; sous cette forme, il est très rare. Celui que l’on rencontre dans le commerce se distingue en succotrin, hépatique et caballin : le premier est le plus pur ; le troisième l’est au contraire très peu ; tous trois sont les résultats d’une même opération, dont la description ne peut trouver place ici.
Le suc d’aloès, entièrement soluble dans l’eau bouillante, laisse déposer par le refroidissement une certaine quantité de matière résineuse ; il a une saveur amère due à un principe savonneux, soluble dans l’eau et dans l’alcool, et qui entre pour les trois quarts dans sa composition.
Cette substance était connue des anciens ; dans la pharmacopée moderne, elle est considérée comme stomachique, purgative et emménagogue ; elle agit spécialement sur le gros intestin, vers lequel elle détermine un afflux sanguin. La dose en est de 5 à 10 centigrammes comme tonique, et de 15 à 20 comme purgatif.
Le suc d’aloès est le principe actif des pilules ante-cibum, dont une dose trop forte causa la mort de Machiavel ; il entre dans la composition des élixirs de vie, de Garus, de propriété, etc.
Il a été fait quelques essais pour employer l’aloès dans les arts. Guyton-Morveau, dans ses recherches sur la matière colorante du suc des végétaux, trouva un moyen de tirer parti de la belle couleur violette que donne l’aloès succotrin, soit pour teindre la soie, soit pour former, avec l’oxyde de tungstène, des laques qui résistent aux plus fortes épreuves. Fabroni, dans ses expériences, a obtenu un résultat semblable.