Alouette
- Histoire naturelle
- Duponchel père
- Encyclopédie moderne
Alouette. Genre d’oiseaux de l’ordre des passereaux, famille des dentirostres de Cuvier, dont le principal caractère est d’avoir l’ongle du doigt de derrière droit et extrêmement allongé ; ce qui fait que la plupart des espèces de ce genre ne peuvent se percher et nichent à terre. Parmi le grand nombre de celles qu’il renferme, nous ne nous étendrons ici que sur l’alouette commune (alauda arveusis), appelée mauviette par les Parisiens, qui en font en automne une énorme consommation. Cet oiseau, que tout le monde connaît et que nous nous dispenserons de décrire par cette raison, a été appelé, à juste titre, le musicien des champs ; son joli ramage est l’hymne d’allégresse qui devance le printemps, et le premier sourire de l’aurore ; on l’entend dès les beaux jours qui succèdent aux jours froids et sombres de l’hiver, et ses accents sont les premiers qui frappent l’oreille du cultivateur vigilant. Le chant de l’alouette était, chez les Grecs, le signal auquel le moissonneur devait commencer son travail, et le suspendre durant la partie de la journée où les feux du midi d’été imposent silence à l’oiseau. L’alouette se tait, en effet, au milieu du jour ; mais quand le soleil s’abaisse vers l’horizon, elle remplit de nouveau les airs de ses modulations variées et sonores ; elle se tait encore lorsque le ciel est couvert et le temps pluvieux. Du reste, elle chante pendant toute la belle saison, et, dans cette espèce, comme chez presque tous les oiseaux, le chant est un attribut particulier du mâle : on voit celui-ci s’élever presque perpendiculairement et décrire une spirale en s’élevant ; il monte souvent fort haut, toujours chantant et forçant sa voix, à mesure qu’il s’éloigne de la terre, de sorte qu’on l’entend encore alors qu’il a cessé d’être visible. Après être resté pendant quelque temps stationnaire à cette grande hauteur, il descend d’abord lentement, puis se précipite ensuite comme on trait, non loin de l’endroit où sa femelle repose sur son nid. Ce nid, placé ordinairement dans un sillon, entre deux mottes de terre, et formé de menus brins d’herbe ou de paille qu’entourent des feuilles sèches, renferme de quatre à six œufs, tachetés de brun sur un fond gris, et fort petits relativement au volume de l’oiseau.
Les amours printanières des alouettes leur laissent le temps de faire plusieurs pontes par an. En France comme en Allemagne, elles n’en font que deux ; mais en Italie, elles en font trois : la première au commencement de mai, la seconde au mois de juillet, et la dernière au mois d’août. La nourriture des alouettes en liberté est à la fois végétale et animale ; elles se nourrissent de différentes graines, d’herbes, de chrysalides, de vers, de chenilles, et même d’œufs de sauterelles, ce qui leur attire beaucoup de considération dans les pays exposés aux ravages de ces insectes ; elles étaient, par cette raison, des oiseaux sacrés dans l’île de Lemnos, où les sauterelles font encore, ainsi que dans plusieurs contrées du Levant, des dégâts incalculables. Les services que ces mêmes oiseaux nous rendent en détruisant les germes des générations de plusieurs espèces d’insectes dévastateurs de nos récoltes, devraient nous engager à les ménager davantage ; mais notre gourmandise l’emporte sur cette considération. En effet, la délicatesse de leur chair les fait rechercher comme petit gibier, et, dans certains pays, on en prend en si grande quantité qu’on les expédie au loin pour alimenter les marchés des grandes villes. On les apprête de diverses manières, et les gourmets connaissent le prix des excellents pâtés d’alouettes qui se font à Pithiviers.
De tous les oiseaux chanteurs, l’alouette est celui qui retient le plus facilement les airs qu’on lui apprend ; elle l’emporte de beaucoup, sous ce rapport, sur le serin et la linotte ; on en a vu une à Paris qui sifflait distinctement sept airs de serinette. L’alouette se familiarise aisément au point de manger dans la main, sur la table, etc. Dans l’état de captivité, elle vit neuf à dix ans. Sa cage doit être sans bâton en travers, puisqu’elle ne se perche pas, mais il faut avoir soin de garnir le plancher avec du gazon frais, qu’on renouvelle souvent, et le plafond avec de la toile, afin d’éviter que l’alouette ne se brise le crâne en cherchant, d’après son habitude naturelle, à s’élever perpendiculairement. Une autre précaution indispensable est de placer à sa portée du sable fin dans lequel elle puisse se rouler, pour se débarrasser de la vermine qui l’incommode.
Nous ne terminerons pas notre article sur cet intéressant volatile sans dire un mot des diverses manières dont on lui fait la chasse, non compris celle au fusil, que les véritables chasseurs dédaignent d’employer à l’égard d’un si mince gibier.
La saison la plus convenable pour chasser aux alouettes est depuis le mois de septembre jusqu’à la fin de l’hiver, surtout après des gelées blanches et lorsqu’il a tombé de la neige. Cette chasse se fait, soit au miroir, soit au traîneau, soit à la tonnelle murée, soit aux lacets ou collets traînants, soit enfin aux gluaux. Il serait trop long de décrire ici ces différents genres de chasse, pour lesquels nous renvoyons le lecteur aux traités d’aviceptologie. Il nous suffira de dire que la chasse aux gluaux est celle qui détruit le plus d’alouettes, mais aussi celle qui exige le plus de frais, tandis que la chasse au miroir est, en même temps, la moins coûteuse et la plus amusante ; aussi est-ce celle que préfèrent généralement les amateurs.
Tout le monde connaît la forme du miroir dont on se sert en pareil cas, et le mécanisme très simple à l’aide duquel on le fait tourner sur le pivot qui lui sert de soutien. Le chasseur, après l’avoir placé entre deux filets à nappes, dressés verticalement, se cache dans un endroit creux à une certaine distance ; les alouettes, attirées par les éclats de lumière que jette de toutes parts le miroir en mouvement, se réunissent autour de cet instrument qu’elles semblent admirer ; et lorsque le chasseur juge qu’il en est temps, il rabat les deux filets dont nous venons de parler, et sous lesquels elles se trouvent prises. Mais pour que cette chasse réussisse bien, il faut une matinée fraîche accompagnée d’un beau soleil ; il faut aussi avoir soin d’attacher au piquet qui soutient le miroir une ou deux alouettes vivantes, que les oiseleurs appellent moquettes, et qui attirent les autres, en voltigeant pour chercher à s’échapper.
Buffon pense que les alouettes ne sont attirées par les éclairs de lumière qui s’échappent du miroir mis en mouvement, que parce qu’elles croient que cette lumière est renvoyée par la surface mobile des eaux vives, qu’elles recherchent dans la saison où on les chasse ; aussi, dit-il, en prend-on tous les ans des quantités considérables pendant l’hiver, aux environs des fontaines chaudes.