Ameublement
- Architecture
- Debret
- Encyclopédie moderne
Ameublement. Ce mot désigne les meubles et tentures employés pour garnir et orner une pièce ou un appartement.
Les Orientaux, qui ont porté plus loin que les autres peuples le luxe des ameublements, en firent dégénérer la richesse en profusion : aussi, voyons-nous que, non contents de décorer leurs habitations de tentures et de tapis du tissu le plus fin et des plus brillantes couleurs, ils les couvrirent de lames d’or incrustées de pierres précieuses.
Pline cite les tapis que l’on fabriquait à Babylone comme les plus estimés de l’antiquité pour le travail. Ils représentaient un assemblage bizarre d’hommes, d’animaux et de plantes: quelques-uns étaient peints, d’autres étaient tissus ou brodés. Aristote rapporte qu’un Sybarite fit broder une tapisserie représentant les six grandes divinités de la Grèce : sa bordure supérieure était ornée d’arabesques de Suze, et son inférieure d’arabesques persanes. Calixénus dit avoir admiré celles qui furent apportées de la Judée à Alexandrie, au temps des Ptolémées.
Ces fabriques, en raison du prix excessif de leurs produits, furent abandonnées, même avant la décadence des arts, en Grèce et en Italie.
Les Égyptiens, peuple astronome, décorèrent leurs palais de figures astronomiques, qui, sculptées en demi-relief, étaient rehaussées d’or et de vives couleurs, représentant ou leurs conquêtes, ou la vie de leurs souverains, sous les emblèmes de leurs divinités. M. Thedna a apporté d’Égypte quelques tapis et meubles de jonc qui indiquent leur habileté dans ce genre, et l’usage qu’ils en faisaient dans leurs ameublements.
La simplicité des Grecs leur fit longtemps mépriser le luxe de l’Égypte. Ce fut seulement à la mort de Périclès qu’Alcibiade, ne mettant plus de bornes à ses profusions, corrompit les mœurs de l’Attique, en y introduisant les richesses de la Syrie. Une grande pureté dans les formes, une belle exécution, sans sécheresse, dans le travail des matières, sont ce qui caractérise les vases et les meubles qui, après tant de siècles, nous ont mis à même d’apprécier le génie de ce peuple célèbre.
Les Romains, imitateurs des Grecs, nous transmirent les usages et le goût qu’ils puisèrent chez eux : c’est donc par les ruines d’Herculanum et de Pompéia que nous devons juger de l’ameublement de ces deux peuples. Il est bien constant que la peinture et la sculpture en firent la base principale ; ils employèrent de beaux enduits, des marbres précieux qu’ils tirèrent de l’Égypte ou de leur propre sol. Les premiers furent couverts de peintures, et les seconds de belles sculptures. Les Romains nous ont laissé, en outre, des revêtissements et des mosaïques. S’ils firent usage des tentures, ce fut toujours avec la plus grande réserve : on ne les remarque, en effet, que dans leurs chambres à coucher, et autour de leurs lits, où elles sont suspendues d’une manière flottante. Ce qui me semble surtout prouver qu’ils en employaient fort peu, c’est le petit nombre d’imitations qu’ils nous en ont transmises par les peintures qui décoraient leurs appartements. C’est ainsi que dans quelques-unes de leurs pièces, ils ont supposé des étoffes attachées par les angles, soit qu’elles parussent couvrir un panneau, soit qu’elles ornassent un plafond formé par une banne, suspendue par le centre, et fixée par des patères dans quelques points de la circonférence, ajustement appelé vela par les Italiens.
Ce genre de décoration se remarque plus fréquemment dansées bains de Titus ou de Livie que dans les ruines de Pompéia, d’où l’on pourrait conclure qu’il n’a été introduit chez les Romains qu’au moment où ils déployaient le luxe précurseur de leur décadence.
Des peaux de bêtes garnies de leurs fourrures couvrirent les murailles et les meubles des premiers Gaulois ; des joncs tressés leur succédèrent: bientôt on teignit ces joncs, qui, travaillés avec plus d’adresse, formèrent des compartiments de couleurs variées : c’est à Pontoise que s’éleva la première fabrique en ce genre ; ses produits ne tardèrent pas à surpasser en beauté les nattes qu’on faisait alors venir du Levant.
Les étoffes, dont la fabrication faisait chaque jour des progrès, remplacèrent les nattes ; en même temps, les sculpteurs s’emparant des boiseries , que l’usage avait introduites comme préservatifs de l’humidité de notre climat, les couvrirent d’ornements du genre arabe appelé gothique, jusqu’au moment où le Primatice, Germain Pilon el Jean Goujon fixèrent chez nous le goût, qui, dans l’Italie, avait déjà atteint sa plus haute perfection. L’industrie toujours croissante, secondée par les progrès des arts, produisit les belles tapisseries, qui, d’abord fabriquées en Flandre, sur les dessins de Raphaël et autres peintres célèbres, se reproduisirent bientôt en France à la manufacture des Gobelins. Les meubles et les vases ne le cédèrent en rien pour la richesse à ceux qui se faisaient en Orient ; car aux émaux de Limoges succédèrent les agates et jaspes taillés avec habileté, enrichis de pierres précieuses et de perles fines.
C’est à peu près à la même époque que se fabriquèrent en France des tapisseries de cuir dit bouilli ; elles étaient faites de peau de veau, représentant des cartels ou armoiries entourés de fleurs ou figures d’animaux, relevés en bosse, dorés, argentés, nuancés des plus belles couleurs, et vernis.
Ces tentures, préservatif certain contre l’humidité, que je ne puis comparer, comme aspect, qu’aux laques chinoises, étaient, au goût près de leurs dessins, d’un très bel effet et d’une grande richesse : il en existait encore au château d’Écouen il y a quelques années.
Je ne finirai pas cet article sans citer les noms et le bel ouvrage de MM. Pâris, Percier et Fontaine, qui, de la décadence où les arts étaient tombés sous le siècle de Louis XV, nous ramenèrent, par l’étude de l’antique, à une pureté de forme et d’exécution que tous les peuples de l’Europe se sont empressés d’imiter.